LOGIQUES et NOMBRES par Philippe Sollers Seuil, 304 p., 19,50 F et 128 p., 12,2
LOGIQUES et NOMBRES par Philippe Sollers Seuil, 304 p., 19,50 F et 128 p., 12,25 F. L’idée révolutionnaire est morte en Occident. Elle est désormais ailleurs. Pour un écrivain, cependant, le lieu politique de cet ailleurs (Cuba, la Chine) importe moins que la forme : dans cette migration, ce qui le concerne directement, c’est- à-dire du point de vue de son travail (car l’écrivain, lui aussi, travaille), c’est la dépossession de l’Occident qu’elle implique, l’image nouvelle qu’elle impose : celle d’un champ dont le sujet occidental n’est plus que le centre ou le point de vue. C’est dans ce lointain de la révolution (lointain absolument inédit, « inécrit ») que Philippe Sollers a établi son travail et développe son oeuvre. Sollers refuse d’hériter — sinon de l’inhéritable. Ce refus d’hériter, que l’on minimise ordinairement sous le nom d’impertinence, peut prendre la forme de positions diverses, les unes fondamentales (on les trouvera dans le programme de « Logiques »), les autres plus contingentes, liées aux activités de la revue et de la collection « Tel Quel », activités qui, elles aussi, sont des écritures. Par exemple : il paraît nécessaire à Sollers de marquer une certaine rupture à l’égard du langage politique des pères ; les pères, en l’occurrence, ce sont les intellectuels et les écrivains de gauche, accaparés pendant les vingt dernières années par le combat antistalinien : leur mode d’inscription politique dans le monde doit être maintenant désécrit, écrit d’une manière contradictoire, « scandaleuse ». Un communiste à « Tel Quel » ? Pourquoi pas, si cela est désécrire l’anticommunisme dont s’est nourrie (et surnourrie) l’intelligentsia de gauche, et si c’est du même coup — il ne faut pas l’oublier — désécrire l’antiformalisme traditionnel des intellectuels communistes ? Deux « héritages » qu’il n’est pas mauvais d’annuler l’un par l’autre, d’autant qu’ils ont en commun la même inattention tranquille à la responsabilité des formes. La rupture fondamentale Quant à la rupture fondamentale, celle qui est justifiée principalement dans « Logiques » et allusivement dans « Nombres », elle a pour objet l’histoire de notre littérature. L’essentiel de cette littérature, pour Sollers, a été pendant des siècles et est encore soumise à une forme unique de lisibilité : une tragédie de Racine, un conte de Voltaire, un roman de Balzac, un poème de Baudelaire ou un récit de Camus impliquent un même ressort de lecture, une même idée du sens, une même pratique de la narration, en un mot une même « grammaire ». Or cette grammaire profonde, grammaire de la lecture et non simple grammaire de la langue française, on commence à en démonter les règles, et elle apparaît dès lors comme particulière, bien que "nous" la vivions encore comme universelle, c’est-à -dire comme naturelle. Du même coup une autre langue paraît possible, révolutionnairement justifiée : celle qui, d’une manière excentrique, a commencé à s’écrire ici et là , à la limite de cette lecture canonique du « réel », qui a imprimé sa marque unique à tout le discours occidental. Mallarmé, Lautréamont, Roussel, Artaud, Bataille, dont s’occupe Sollers dans « Logiques », sont les premiers opérateurs de cette autre langue, leur écriture n’est en rien un style ou une manière, à quoi l’on adhérerait par « goût » (selon ce vieux principe voltairien qui réduit tout phénomène à sa plus petite cause possible), mais un acte de dénégation, destiné à secouer le droit naturel des anciens textes et à périmer les concepts (sujet, réel, expression, description, récit, sens), sur quoi reposaient leur fabrication et leur lecture. uploads/Litterature/ logiques-et-nombres-par-philippe-sollers.pdf
Documents similaires










-
35
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 03, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1146MB