Chapitre 3 Dualité onde-corpuscule pour la matière Ce chapitre étend à la matiè

Chapitre 3 Dualité onde-corpuscule pour la matière Ce chapitre étend à la matière la dualité onde-corpuscule vue au chapitre précédent pour la lumière. Il introduit plusieurs notions importantes de mécanique quantique, parmi lesquelles la notion d’onde de de Broglie, celle de fonction d’onde et celle de paquet d’onde. On commence par montrer comment la notion d’onde de matière est nécessaire pour pouvoir rendre compte de certaines expériences ondulatoires menées avec des particules de matière (électrons, atomes, molécules...). Si la caractéristique principale de l’onde associée à chaque particule de matière est la longueur d’onde de de Broglie λdB, cette seule information ne suffit cependant pas à décrire une "vraie" onde de matière, qui est nécessairement localisée dans l’espace. L’onde plane de de Broglie n’est en fait qu’une des nombreuses ondes planes composant le paquet d’onde qui décrit l’onde de matière. Dans le cas général, l’onde que la mécanique attribue à une particule de matière s’appelle une "fonction d’onde". Notée ψ (x, t), c’est une fonction complexe dont l’interprétation (de Born) est donnée en termes de probabilité de présence : |ψ (x, t)|2 .dx est ainsi la probabilité de trouver la particule en x à dx près. Grâce aux propriétés de la transformée de Fourier, cette fonction d’onde peut s’écrire comme une somme continue d’ondes planes, c’est-à-dire un paquet d’onde en langage commun. On montre alors que la vitesse de la particule v = p/m = ℏk/m correspond à la vitesse de groupe du paquet d’onde, ce qui est satisfaisant et intuitif du point de vue du lien entre grandeurs classiques et valeurs moyennes quantiques. Le fait que la relation de dispersion ω (k) pour la matière soit non-linéaire (contrairement à celle valable pour la lumière) conduit néanmoins au phénomène purement quantique d’étalement du paquet d’onde. On retrouve aussi l’inégalité typique des ondes vérifiée par le produit des largeurs en position et en vecteur d’onde △x△k = 1 2, qui se traduit ici par l’inégalité dite de Heisenberg △x△p ≥ℏ 2 vérifiée par les « indéterminations » en position △x et impulsion △p de la particule concernée. 3.1 Propriétés ondulatoires de la matière Ondes de matière. Il existe de multiples expériences où l’on observe un comportement ondulatoire pour la matière (électrons, neutrons, atomes, molécules, grosses molécules...) Par comportement ondulatoire, on entend : diffraction, interférences, ondes évanescentes, hologra- phie... On peut en fait réaliser, avec les ondes de matières, toutes les expériences habituellement conçues pour les autres types d’onde, comme les ondes lumineuses, y compris des miroirs à atomes, des cavités pour ondes de matière, des lasers atomiques, des fibres pour ondes de matière... Ces objets/expériences utilisent les interactions des ondes de matière avec des microstructures matérielles (des fentes par exemple) ou avec des champs électromagnétiques (en particulier les ondes lumineuses). Il existe d’ailleurs une symétrie très intéressante entre lumière et matière. Par exemple, dans un miroir ordinaire, c’est de la lumière qui est réfléchie par la matière du miroir, alors que dans un miroir à atomes c’est l’inverse : des atomes sont réfléchis par une nappe de lumière qui joue le rôle de surface réfléchissante ! 1 Chapitre 3 – Dualité onde-corpuscule pour la matière Il est à remarquer que la notion d’interférence d’ondes de matière est très intrigante... Comme pour la lumière, la superposition d’ondes de matière conduit à une absence de matière en certains endroits (= les franges « sombres »), ce qui se traduit, en termes de particules, par la constatation suivante : si dans une expérience de fentes d’Young, un atome a la possibilité d’arriver en un endroit donné de l’écran de sortie par l’une ou l’autre des deux fentes (lorsque chaque fente est ouverte seule, l’autre fente étant fermée), alors le fait d’ouvrir les deux fentes en même temps (et donc de donner deux fois plus de possibilités à l’atome d’arriver à cet endroit donné) fait que l’atome peut ne peut plus y arriver. La somme de deux possibilité de présence d’un atome en un endroit peut en effet rendre impossible la présence de l’atome à cet endroit... Onde de de Broglie. Il revient à Louis de Broglie en 1923 d’être le premier à avoir imaginé le cas symétrique de la lumière : de même qu’on peut associer un aspect corpusculaire (les photons) à la lumière, on peut associer un aspect ondulatoire à la matière : À tout objet matériel de quantité de mouvement − → p et d’énergie E est associée une « onde » de pulsation ω = E ℏet de vecteur d’onde − → k = − → p ℏ: E = ℏω − → p = ℏ− → k Ces deux relations peuvent bien entendu s’exprimer en termes de la fréquence ν, E = hν (rela- tion appelée « relation d’Einstein »), et de la longueur d’onde λdB (appelée « longueur d’onde de de Broglie ») : λdB = 2π k = h p Figure 3.1 – « Image » tentant de faire comprendre la dualité onde-corpuscule pour une particule. λ = λdB est la longueur d’onde de de Broglie, c’est-à-dire la longueur d’onde typique, moyenne, associée au mouvement de la particule. Attention, l’expression de λdB dépend de l’expression de − → p considérée ! − → p = m− → v dans le cas non-relativiste − → p = γm− → v dans le cas relativiste, avec γ = 1 q 1 − v c 2 Auteur : Charles Antoine, charles.antoine@sorbonne-universite.fr 2 Chapitre 3 – Dualité onde-corpuscule pour la matière où m est la masse de l’objet matériel et − → v sa vitesse. De même, attention, le lien entre entre ν et λdB (ou entre ω et k) dépend du lien entre E et p... Ce n’est pas toujours ν = c/λ ! — Pour la lumière : ν = c λ et E = pc — Pour la matière (non-relativiste) : E = − → p 2 2m + V où V est l’énergie potentielle. Dans le cas où V = 0, on a alors : ω = E ℏ= − → p 2 2mℏ= ℏ− → k 2 2m , c’est-à-dire : νdB = h 2mλ2 dB Critère classique/quantique en termes de λdB. On peut exprimer avec λdB le critère « S ≫ℏ= ⇒classique » vu en termes d’action caractéristique au début de ce cours : « Si λdB ≪d alors une description classique de l’objet est suffisante (à de petites corrections quantiques près), avec « d » la longueur typique de variation du milieu dans lequel l’objet évolue. » Remarques : — Cette taille caractéristique « d » peut être la taille typique des objets avec lesquels l’objet interagit, ou la distance typique avec d’autres objets. — Ce critère est à rapprocher de la condition de validité de l’optique géométrique où la lumière est décrite sous forme de rayons lumineux. — On retrouve bien le critère S ≫ℏvu auparavant en prenant S = mvd. Ce critère indique que plus λdB est grand, plus les effets ondulatoires de la matière seront importants, c’est-à-dire qu’il y aura des effets quantiques importants ou non-négligeables. L’expression λdB = h mv justifie alors que les effets quantiques sont beaucoup plus marqués à l’échelle microscopique qu’à l’échelle humaine : en effet, plus la masse de l’objet est faible, plus λdB est grand. Pour un électron, sa masse est tellement faible que sa longueur d’onde de de Broglie est quasiment toujours plus grande que l’Angström (10−10 m), c’est-à-dire que la taille typique des structures atomiques, et il est donc quasiment toujours nécessaire d’utiliser la mécanique quantique pour le décrire. Pour d’autres objets plus lourds, tout dépend de leur vitesse et de la valeur de « d ». Attention, l’onde de de Broglie n’est pas associée à un objet mais à son mouvement ! Si la vitesse d’un objet est nulle, on ne peut néanmoins pas conclure qu’il présente des aspects ondulatoires importants car λdB serait infinie dans ce cas. C’est oublier qu’à température non-nulle il y a toujours une énergie cinétique résiduelle due à l’agitation thermique, qui conduit à la vitesse typique : vthermique ≃ r kBT m où kB = 1, 38.10−23 J.K−1 est la constante de Boltzmann et T la température. On comprend donc aisément pourquoi il est important de refroidir les objets pour voir prédominer leur aspect ondulatoire (cf. les domaines des atomes froids et ultrafroids, la supraconduction, la superfluidité...). Mais attention, la température ne fait pas tout ! Il faut comparer λdB à « d » pour conclure. Par exemple, le milieu interstellaire est très froid (T = 3 K), conduisant à une longueur d’onde de de Broglie importante... mais quand même négligeable par rapport à « d », la distance moyenne entre Auteur : Charles Antoine, charles.antoine@sorbonne-universite.fr 3 Chapitre 3 – Dualité onde-corpuscule pour la matière atomes, qui est de l’ordre du centimètre. Il n’est donc pas nécessaire d’utiliser la mécanique quantique pour décrire les atomes du "vide" interstellaire... Exploration de cette limite aujourd’hui. L’un des domaines de recherche très actifs ces der- nières années est l’exploration de la uploads/Litterature/ lu3py101-cours-chapitre-3-v3.pdf

  • 52
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager