Revue néo-scolastique de philosophie La version médiévale de l'Éthique à Nicoma
Revue néo-scolastique de philosophie La version médiévale de l'Éthique à Nicomaque La «Translatio Lincolniensis» et la controverse autour de la revision attribuée à Guillaume de Moerbeke Auguste Mansion Citer ce document / Cite this document : Mansion Auguste. La version médiévale de l'Éthique à Nicomaque. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 41ᵉ année, Deuxième série, n°59, 1938. pp. 401-427; doi : https://doi.org/10.3406/phlou.1938.3908 https://www.persee.fr/doc/phlou_0776-555x_1938_num_41_59_3908 Fichier pdf généré le 09/01/2019 La version médiévale de l'Ethique à Nicomaque La « Translatio Lincolniensis » et la controverse autour de la revision attribuée à Guillaume de Moerbeke Au congrès national. de philosophie d'Italie, tenu à Padoue en septembre 1934, M. Ezio Franceschini annonçait que l'étude des mss. de la version complète de l'Ethique à Nicomaque lui avait permis de constater que la traduction due à Robert Grosseteste avait été d'un bout à l'autre revue et légèrement retouchée par Guillaume de Moerbeke. Le public international fut mis au courant de cette découverte par la publication des Actes du congrès, parues dans le courant de 1935 (1). Depuis Jors, on attendait avec intérêt la preuve établissant la réalité du fait allégué, d'autant que les sondages opérés par Mgr Pelzer avaient abouti à des résultats négatifs. Rendant compte du rapport de M. Franceschini, j'appelais de mes voeux la publication intégrale des deux textes, attribués respectivement à Grosseteste et à Moerbeke, et j'avançais, en même temps, non sans quelque candeur, que la confrontation de l'un avec l'autre était le seul moyen d'établir le bien fondé des assertions du distingué professeur de Padoue (2). Depuis lors, lui-même en a offert une preuve plus rapide en recourant au commentaire de saint Thomas sur l'Ethique. Cette f1' IX. Congresso Nazionaîe di Filosofia. Atti. Padova, 1935. — Le texte de la communication de M. Franceschini, intitulée Aristotele nel Medioevo latino, couvre 19 pages dans le tiré à part qui a été analysé dans cette revue, tome 39, février 1936, pp. 85-87 et 88-94. (2) Quelques travaux récents sur les versions latines des Ethiques et d'autres ouvrages d'Aristote (Rev. néoscol. de Philos., t. 39, pp. 78-94), p. 86. 402" A. Mansion méthode de démonstration a le grand avantage d'établir du coup que le texte revisé est antérieur à ce commentaire, dont la date est, il est vrai, assez incertaine (M. F. l'attribue à l'année 1266, sans indiquer d'ailleurs la raison de cette attribution), mais qui appartient certainement au décennium 1260-1270 <3>. L'exposé de M. F. a paru dans le numéro de juillet-octobre 1936 de la Rivista di Filosofia Neo-Scolastica sous le titre : S. Tommaso e l'Etica Nicomachea (pp. 313-328) (4>. L'auteur y cite dans l'ordre 67 textes, assez courts pour la plupart, empruntés aux dix livres de Y Ethique f en donnant d'abord l'original grec d'après l'édition Susemihl-Apelt de 1921, avec la référence usuelle à l'éd. Bekker, puis la version de Grosseteste (= G) ; ensuite la traduction revisée par Guillaume de Moerbeke (= M), différente en tous ces passages de celle de Grosseteste, enfin quelques mots du commentaire de saint Thomas (=T). — Du rapprochement de G, M et T. il résulte clairement que saint Thomas se base de façon courante sur le texte M, néglige en général G, mais montre par-ci par-là qu'il le connaît. On en conclut tout naturellement que M est antérieur à T, et, puisqu'il est différent de G, tout en se confondant en gros avec lui, qu'il en est une revision. La date à laquelle elle apparaît fait songer immédiatement à Guillaume de Moerbeke qui, à partir de 1259, s'est employé à revoir de façon semblable, mais en y apportant plus de corrections, les anciennes versions gréco-latines de la <s> Tout au début du premier livre, le livre A de la Métaphysique est encore cité comme le 11e de la série : cette notation certainement originale a échappé aux « corrections » des éditeurs (Vives, Pirotta, n. 1), tandis qu'un peu plus loin (lect. 6, n. 79) une autre référence au même passage renvoie au livre XII, d'après le texte, sans doute «corrigé», des éditeurs. — Or, c'est vers 1271 que saint Thomas a remplacé, pour désigner le livre en question, la notation XI par le chiffre XII, ainsi que l'a montré le P. F. PELSTER dans son importante étude- Die Vebersetzungen der aristotelischen Metaphysif^ in den Werfyen des hl. Thomas von Aquin. IV. Weitere Ergebnisse und Fragen (Gregorianum, XVII, 1936, pp. 377-406), § 2, pp. 380-382. — La date de 1266 pour le commentaire sur l'Ethique est celle proposée par le P. Mandonnet dans l'Introduction, p. XIII, de la Bibliographie thomiste, par P. Mandonnet et J. Destrez (Bibliothèque thomiste, vol. I), 1921. <4> Dans la note 2 (p. 313) de cet article l'auteur fait remarquer que c'est à tort que dans le compte rendu de son étude d'ensemble sur Robert Grosseteste et ses traductions latines (note 10, p. 84, de l'article cité ci-dessus note 2) j'avais supposé de sa part des fautes de lecture des mss. ; les graphies fautives signalées sont le fait des copistes des mss. cités. — Je saisis avec plaisir cette occasion de faire amende honorable à M. F. en rendant hommage à son acribie scientifique. La version médiévale, de l'Ethique à Nicomaque 403 Physique, du De G eneratione et Corruptione, du livre IV des Météorologiques, du De Anima et d'une partie, semble-t-il, des Parva Naturalia, ainsi que des 13 livres contenus dans la Metaphysica media. Le texte G, tel qu'il apparaît dans les citations de M. F., est basé sur le cod., VIII G. 4 de la Bibliothèque Nationale de Naples (milieu du XIIIe siècle). L'auteur prépare pour VA ristoteles latinus l'édition de l'Ethique d'après la version de Grosseteste, en s'aidant de l'ensemble des mss. où l'origine du texte est assurée par la mention expresse du nom de l'évêque de Lincoln ou par d'autres indices extérieurs tout aussi probants (Notulae de Grosseteste, traduction des commentaires grecs, etc.). On peut donc être assuré que le point de départ de la recherche est garanti par le spécialiste le plus compétent en la matière. Le texte M est emprunté à la dernière édition du Commentaire de saint Thomas, publiée par le P. A. M. Pirotta, O. P., (Turin, Marietti) en 1934 ; il a été contrôlé par la partie correspondante de l'édition romaine des œuvres de saint Thomas, de 1570, et par une vieille édition de trois traductions latines des Ethiques parue à Paris en 1542. On peut s'étonner de ce recours à des témoins du texte chronologiquement aussi éloignés de l'époque où il se serait formé ; la comparaison et l'accord général de ce texte avec le Commentaire de saint Thomas montrent toutefois que l'inconvénient est moindre qu'on n'aurait pu s'y attendre à première vue. On reviendra d'ailleurs plus loin sur cette question. Ce qui fait la force de la démonstration de M. F." et frappe dès l'abord quiconque examine avec soin les matériaux qu'il apporte,, c'est qu'un grand nombre des leçons divergentes de G et de M ne s'expliquent que par un recours de M, — recours direct ou indirect, — à des sources grecques, distinctes du texte courant sur lequel Grosseteste a fait sa version. En effet, ces leçons de M ne sont pas, dans tous ces cas, des synonymes plus ou moins exacts des leçons de G, mais donnent un sens nettement différent. Pour une partie des passages visés, il s'agit du même mot grec, lu également par G et par M, mais interprété de façon diverse ; dans d'autres, il peut y avoir une lecture différente du même terme grec écrit en abrégé, p. ex., V,'7, 1 132 b 19, G circa a lu TiepJ, M prêter, Ttapà ; enfin, et ce sont les cas les plus importants, les leçons de G et M répondent à des leçons différentes dans le grec, représentées encore le plus souvent par les mss. figurant dans l'apparat critique 404 A. Mansion des éditions modernes de Y Ethique ou utilisés pour l'établissement du texte des éditions anciennes. M. F. signale la plupart de ces mss. à propos de chacun des passages, où se présente un cas de ce genre ; mais ses indications pourraient encore être complétées (5). A peu près au moment où paraissait l'étude de M. F., et sans qu'il ait pu en avoir connaissance, le regretté P. L.W. KEELER, S. J., publiait dans Gregorianum un intéressant article sur le texte courant des éditions du Commentaire de saint Thomas sur Y Ethique (6>. Mis en éveil par la découverte de M. F. annoncée dans les Actes du Congrès italien de philosophie de 1934,, il consacre un court paragraphe au problème de la revision de la version de Grosseteste par Guillaume de Moerbeke (pp. 429-431) ; en attendant les preuves de l'existence d'une telle revision, poursuivie de façon systématique à travers tout le traité, il se contente d'exprimer à ce sujet son scepticisme en en indiquant quelques raisons : Les mss. de la Vati- cane qui ne se rattachent pas à Grosseteste par une mention expresse ou par d'autres indices équivalents (traduction des Commentaires uploads/Litterature/ mansion-a-la-version-me-die-vale-de-l-x27-e-thique-a-nicomaque-pdf.pdf
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- Publié le Apv 04, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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