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Accueil Actualités Liens Textes Guides Thèmes /auteur-es Infokiosk Contact Licence "GNU / FDL" attribution pas de modification pas d'usage commercial Copyleft 2001 /2014 Moteur de recherche interne avec Google Cherche "Nouveau millénaire, Défis libertaires" Mon corps, ce papier, ce feu Michel Foucault Dits et Ecrits tome II texte n°102 «Mon corps, ce papier, ce feu», in Foucault (M.), Histoire de la folie, Paris, Gallimard, 1972, appendice II, pp. 583-603. (M. Foucault avait donné une première version de ce texte à la revue japonaise Paideia. Cf no 104, infra.) Dits et Ecrits tome II texte n°102 => Réponse à Derrida Michel Foucault Dits et Ecrits tome II texte n°104 http://1libertaire.free.fr/MFoucault242.html Aux pages 56 à 59 de l'Histoire de la folie, j'ai dit que le rêve et la folie n'avaient point le même statut ni le même rôle dans le développement du doute cartésien : le rêve permet de douter de ce lieu où je suis, de ce papier que je vois, de cette main que je tends ; mais la folie n'est point un instrument ou une étape du doute ; car «moi qui pense, je ne peux pas être fou». Exclusion, donc, de la folie, dont la tradition sceptique faisait au contraire l'une des raisons de douter. Pour résumer l'objection que fait Derrida à cette thèse 1 le mieux est sans doute de citer le passage où il donne, de la manière la plus vigoureuse, sa lecture de Descartes : «Descartes vient de dire que toutes les connaissances d'origine sensible peuvent le tromper. Il feint de s'adresser l'objection étonnée du non-philosophe imaginaire qu'une telle audace effraie et qui lui dit : non, pas toutes les connaissances sensibles, sans quoi vous seriez fou et il serait déraisonnable de se régler sur les fous, de nous proposer un discours de fou. Descartes se fait l'écho de cette objection : puisque je suis là, que j'écris, que vous m'entendez, je ne suis pas fou, ni vous, et nous sommes entre gens sensés. L'exemple de la folie n'est donc pas révélateur de la fragilité de l'idée sensible. Soit. Descartes acquiesce à ce point de vue naturel ou plutôt il feint de se reposer dans ce confort naturel pour mieux et plus radicalement et plus définitivement s'en déloger et inquiéter son interlocuteur. Soit, dit-il, vous pensez que je serais fou de douter que je sois assis auprès du feu, etc., que je serais extravagant de me régler sur l'exemple des fous. 1. Derrida (J.), L'Écriture et la Différence, Paris, Éd. du Seuil, 1967, pp. 61-97. Je vais donc vous proposer une hypothèse qui vous paraîtra bien plus naturelle, qui ne vous dépaysera pas, parce qu'il s'agit d'une expérience plus commune, plus universelle aussi que celle de la folie : et c'est celle du sommeil et du rêve, Descartes développe alors cette hypothèse qui ruinera tous les fondements sensibles de la connaissance et ne mettra à nu que les fondements intellectuels de la certitude, Cette hypothèse, surtout, ne fuira pas la possibilité d'extravagances -épistémologiques -bien plus graves que celles de la folie, » Cette référence au songe n'est donc pas, bien au contraire, en retrait par rapport à la possibilité d'une folie que Descartes aurait tenue en respect ou même exclue, Elle constitue, dans l'ordre méthodique qui est ici le nôtre, l'exaspération hyperbolique de l'hypothèse de la folie, Celle-ci n'affectait, de manière contingente et partielle, que certaines régions de la perception sensible, Il ne s'agit d'ailleurs pas ici, pour Descartes, de déterminer le concept de la folie mais de se servir de la notion courante d'extravagance à des fins juridiques et méthodologiques, pour poser des questions de droit concernant seulement la vérité des idées l, Ce qu'il faut ici retenir, c'est que, de ce point de vue, le dormeur, ou le rêveur, est plus fou que le fou, Ou du moins, le rêveur, au regard du problème de la connaissance qui intéresse ici Descartes, est plus loin de la perception vraie que le fou, C'est dans le cas du sommeil et non dans celui de l'extravagance que la totalité absolue des idées d'origine sensible devient suspecte, est privée de «valeur objective», selon l'expression de M, Guéroult. L'hypothèse de l'extravagance n'était donc pas un bon exemple, un exemple révélateur ; ce n'était pas un bon instrument de doute, Et cela au moins pour deux raisons : »a) il ne couvre pas la totalité du champ de la perception sensible, Le fou ne se trompe pas toujours et en tout ; il ne se trompe pas assez, il n'est jamais fou ; »b) c'est un exemple inefficace et malheureux dans l'ordre pédagogique, car il rencontre la résistance du non-philosophe qui n'a pas l'audace de suivre le philosophe quand celui-ci admet qu'il pourrait bien être fou au moment où il parle.» 1 La folie, thème ou index : ce qui est significatif, c'est que Descartes, au fond, ne parle jamais de la folie elle-même dans ce texte Elle n'est pas son thème, Il la traite comme un index pour une question de droit et de valeur épistémologique, C'est peut- être là, dira-t-on, le signe d'une exclusion profonde, Mais ce silence sur la folie elle- même signifie simultanément le contraire de l'exclusion, puisqu'il ne s'agit pas de la folie dans ce texte, qu'il n'en est pas question, fût-ce pour l'exclure, Ce n'est pas dans les Méditations que Descartes parle de la folie elle-même. * L'argumentation de Derrida est remarquable, Par sa profondeur, et plus encore peut- être par sa franchise. Clairement, l'enjeu du débat est indiqué : saurait-il y avoir quelque chose d'antérieur ou d'extérieur au discours philosophique ? Peut-il avoir sa condition dans une exclusion, un refus, un risque éludé, et, pourquoi pas, dans une peur ? Soupçon que Derrida rejette avec passion. Pudenda origo, disait Nietzsche, à propos des religieux et de leur religion. Confrontons les analyses de Derrida et les textes de Descartes. 1. LES PRIVILÈGES DU RÊVE SUR LA FOLIE DERRIDA : «Le rêve est une expérience plus commune, plus universelle aussi que celle de la folie.» «Le fou ne se trompe pas toujours et en tout.» «La folie n'affecte de manière contingente et partielle que certaines régions de la perception sensible.» Or Descartes ne dit point que le rêve est «plus commun, plus universel aussi que la folie». Il ne dit pas non plus que les fous ne sont fous que de temps en temps et sur des points particuliers. Écoutons-le plutôt évoquer les gens qui «assurent constamment qu'ils sont des rois». Ces hommes qui se prennent pour des rois ou qui croient avoir un corps de verre auraient-ils une folie plus intermittente que le rêve ? Pourtant, c'est un fait : Descartes, dans le cheminement du doute, donne un privilège au rêve sur la folie. Laissons indécis pour l'instant le problème de savoir si la folie est exclue, seulement négligée, ou reprise dans une expérience plus large et plus radicale. À peine vient-il de citer, pour l'abandonner, l'exemple de la folie que Descartes évoque le cas des songes : «Toutefois, j'ai ici à considérer que je suis homme, et par conséquent que j'ai coutume de dormir, et de me représenter en mes songes, les mêmes choses ou quelquefois de moins vraisemblables que ces insensés lorsqu'ils veillent.» Double avantage, donc, du rêve. D'une part il est capable de donner lieu à des extravagances qui égalent, ou quelquefois dépassent la folie, D'autre part, il a la propriété de se produire de manière habituelle. Le premier avantage est d'ordre logique et démonstratif : tout ce dont la folie (exemple que je viens de laisser de côté) pourrait me faire douter, le rêve pourra lui aussi me le rendre incertain ; comme puissance de l'incertitude le rêve ne le cède pas à la folie ; et rien de la force démonstrative de celle-ci n'est perdu par le rêve quand il faudra me convaincre de tout ce que je dois révoquer en doute. L'autre avantage du rêve est d'un ordre tout différent : il est fréquent, il se produit souvent ; j'en ai des souvenirs tout proches, il n'est pas difficile de disposer des souvenirs fort vifs qu'il laisse. Bref, avantage pratique lorsqu'il s'agit, non plus de démontrer, mais de faire un exercice et d'appeler un souvenir, une pensée, un état, dans le mouvement même de la méditation. L'extravagance du rêve garantit son caractère démonstratif comme exemple : sa fréquence assure son caractère accessible comme exercice. Et c'est bien ce caractère accessible qui préoccupe ici Descartes, plus à coup sûr que son caractère démonstratif, signalé une fois pour toutes, et comme pour s'assurer que l'hypothèse de la folie peut être abandonnée sans remords. Plusieurs fois au contraire revient le thème que le rêve se produit bien souvent. Lisons : «Je suis homme et, par conséquent, j'ai coutume de dormir» ; «combien de fois m'est-il arrivé la nuit de songer», «ce qui arrive dans le sommeil», «en y pensant soigneusement je me ressouviens d'avoir souvent été trompé en dormant». Or je crains bien que Derrida n'ait confondu ces deux aspects uploads/Litterature/ mon-corps-ce-papier-ce-feu-michel-foucault.pdf
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- Publié le Jui 22, 2022
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