Cours 4 – de Flaubert à Zola : les manifestes réaliste et naturaliste et leur d
Cours 4 – de Flaubert à Zola : les manifestes réaliste et naturaliste et leur dépassement 1 - Pierre-louis Rey, Le roman, Paris, Hachette supérieur, 1997, introduction p. 7 : Par leur attention à la vie quotidienne et matérielle, certains romans antiques comme le Satiricon, ou, pour descendre jusqu’au Moyen-Âge, certains fabliaux, semblent mieux annoncer le roman moderne et contemporain que ne le font les romans de Chrétien de Troyes, par exemple. Aux XVIIe-XVIIIe siècles s’impose dans le roman ce qu’on nommera plus tard le « réalisme ». Mais dès le XIXe siècle, le débat oppose moins le réalisme et son contraire que plusieurs acceptions du terme. Qui est plus réaliste ? Stendhal, soucieux du « détail » mais préoccupé en priorité de « beaux modèles », ou Balzac, dont la fresque transfigure jusqu’aux laideurs de la société ? Flaubert, dont les longues descriptions expriment les rêveries de ses personnages, ou Paul Bourget, qui commence par l’analyse psychologique pour expliquer les comportements ? Sont réalistes les romanciers qui étudient objectivement les lois de la société ; mais ceux qui voient le monde à travers une conscience unique pratiquent ce qu’on nomme le « réalisme subjectif » ou « réalisme du point de vue ». 2 - Marthe Robert, Roman des origines, origines du roman, p. 21 : A strictement parler (...), tout est « feint » dans un monde créé de toutes pièces pour être écrit : quelque traitement qu’elle subisse et sous quelque forme qu’elle soit suggérée, la réalité romanesque est fictive, ou plus exactement, c’est toujours une réalité de roman, où des personnages de roman ont une naissance, une mort, des aventures de roman. En ce sens on peut dire qu’il n’y a ni plus ni moins de réalité dans les Voyages de Gulliver que dans Madame Bovary, dans Le château que dans David Copperfield, dans Don Quichotte que dans un roman des Goncourt ou de Zola. (...) Fantastique ou réaliste, utopique ou naturaliste, « feint » ou vrai, quelles que soient, donc, ses prétendues relations avec la réalité, le sujet du roman ne saurait fournir un critère acceptable de définition, puisqu’il faut le tenir pour une organisation strictement littéraire, n’ayant avec la réalité empirique que des rapports de pure convention. 3 - Erich Auerbach, Mimésis. La représentation de la réalité dans la littérature occidentale [1946], Gallimard, « Tel » (éd . de 1998), p. 33 : Nous avons comparé ces deux textes [le chant XIX de l’Odyssée et le passage de la Genèse sur le sacrifice d’Abraham], et les deux styles qu’ils incarnent, pour en faire le point de départ d’un certain nombre d’études sur la représentation littéraire de la réalité dans la culture européenne. Les deux styles constituent, par leur antinomie, des types fondamentaux : l’un décrit les événements en les extériorisant, les éclaire également, les enchaîne sans discontinuité ; c’est une expression libre et complète, sans ambiguïté, qui place tous les phénomènes au premier plan et ne laisse que peu de place au développement historique et humain ; l’autre met en valeur certains éléments pour en laisser d’autres dans l’ombre ; c’est un style abrupt, qui suggère l’inexprimé, l’arrière-plan, la complexité, qui appelle l’interprétation (…). 4 - Colette Becker, article « Réalisme », Dictionnaire des naturalismes, Paris, Honoré Champion, 2017 : Il faut d’abord distinguer le réalisme comme mode transhistorique et transgénérique d’attention à l’étude du réel quotidien et comme ensemble de formes et de techniques de vraisemblabilisation et d’authentification du récit, du mouvement réaliste, qui s’est développé en France en réaction au mouvement romantique, en gros, de la mort de Balzac en 1850 à la publication, en 1865, du roman de Jules et Edmond de Goncourt Germinie Lacerteux, à partir duquel on fait généralement partir le Naturalisme. 5 - Gustave Courbet, catalogue de l’exposition « Du réalisme », 1855 : Il faut encanailler l’art. Il y a trop longtemps que vous faites de l’art bon genre et à la pommade. II y a trop longtemps que les peintres, mes contemporains, font de l’art à idée et d’après les cartons. 6 - Gustave Courbet, lettre ouverte « Aux jeunes artistes de Paris », Courrier du dimanche, 29 décembre 1861 (extrait) : Je tiens aussi que la peinture est un art essentiellement concret et ne peut consister que dans la représentation des choses réelles et existantes. C’est une langue toute physique, qui se compose, pour mots, de tous les objets visibles. Un objet abstrait, non visible, non existant, n’est pas du domaine de la peinture. L’imagination dans l’art consiste à savoir trouver l’expression la plus complète d’une chose existante, mais jamais à supposer ou à créer cette chose même. Le beau est dans la nature, et se rencontre dans la réalité sous les formes les plus diverses. Dès qu’on l’y trouve, il appartient à l’art, ou plutôt à l’artiste qui sait l’y voir. Dès que le beau est réel et visible, il a en lui-même son expression artistique. Mais l’artiste n’a pas le droit d’amplifier cette expression. Il ne peut y toucher qu’en risquant de la dénaturer, et par suite de l’affaiblir. Le beau donné par la nature est supérieur à toutes les conventions de l’artiste. Le beau, comme la vérité, est une chose relative au temps où l’on vit et à l’individu apte à le concevoir. L’expression du beau est en raison directe de la puissance de perception acquise par l’artiste. 7 - Champfleury, « Sur Courbet – Lettre à Madame Sand », in Le Réalisme (recueil d’articles de l’auteur écrits depuis 1850), Michel Lévy frères, 1857, p. 274 : M. Courbet est un factieux pour avoir représenté de bonne foi des bourgeois, des paysans, des femmes de village de grandeur naturelle. Ç’a été là le premier point. On ne veut pas admettre qu’un casseur de pierre vaut un prince : la noblesse se gendarme de ce qu’il est accordé tant de mètres de toile à des gens du peuple ; seuls les souverains ont le droit d’être peints en pied, avec leurs décorations, leurs broderies et leurs physionomies Cours 4 – de Flaubert à Zola : les manifestes réaliste et naturaliste et leur dépassement officielles. Comment ? Un homme d’Ornans, un paysan enfermé dans son cercueil, se permet de rassembler à son enterrement une foule considérable, des fermiers, des gens de bas étage, et on donne à cette représentation le développement que Largillière avait, lui, le droit de donner à des magistrats allant à la messe du Saint-Esprit ! Si Velasquez a fait grand, c’étaient des seigneurs d’Espagne, des infants, des infantes ; il y a là au moins de la soie, de l’or sur les habits, des décorations et des plumets. Van der Helst a peint des bourgmestres dans toute leur taille, mais ces Flamands épais se sauvent par le costume. 8 - Champfleury, préface du 25 mars 1857, Le Réalisme, p. 5-6 : Que veut la génération actuelle ? le sait-elle ? Peut-elle le savoir au milieu des tourmentes sociales à travers desquelles (sic) elle a fait une rude éducation ? Qu’il naisse tout à coup quelques esprits qui, fatigués des mensonges versifiés, des entêtements de la queue romantique, se retranchent dans l’étude de la nature, descendent jusqu’aux classes les plus basses, s’affranchissent du beau langage qui ne saurait être en harmonie avec les sujets qu’ils traitent, y a-t-il là dedans les bases d’une école ? Je ne l’ai jamais cru. (…) Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de citer (…) cinquante romanciers qui, s’ils pouvaient se réunir en un congrès littéraire, n’hésiteraient pas à déclarer que leur pensée et leur plume sont dirigées vers l’observation par une sorte de fatalité à laquelle les écrivains pas plus que les hommes n’échappent ici-bas. L’époque le veut ainsi. 9 - Champfleury, « De la réalité dans l’art », in Le Réalisme, p. 98 : [Champfleury vient de dénoncer un auteur de faux mémoires de police, qui a inspiré Alexandre Dumas et dont les pages sonnent faux]. Voilà ce qu’on appelle imagination, quand la nature (mais il faut être soumis, humble et docile vis-à-vis d’elle) vous offre à chaque instant des drames, des comédies, des contes, des nouvelles qui demandent une belle intelligence pour être mis en action, mais qui frappent l’esprit du lecteur par l’accent de Réalité qui en est le cœur. 10 - Champfleury, ibid., p. 91-93 : Qu’un écrivain étudie sérieusement la nature et s’essaye à faire entrer le plus de Vrai possible dans une création, on le compare à un daguerréotypeur. On n’admet pas que la vie habituelle puisse fournir un drame complet. (…) La reproduction de la nature par l’homme ne sera jamais une reproduction ni une imitation, ce sera toujours une interprétation. (…) L’homme, quoi qu’il fasse pour se rendre l’esclave de la nature, est toujours emporté par son tempérament particulier qui le tient depuis les ongles jusqu’aux cheveux et qui le pousse à rendre la nature suivant l’impression qu’il en reçoit. (…) Il est donc facile d’affirmer que l’homme, n’étant pas machine, ne peut rendre les objets uploads/Litterature/ realisme-naturalisme.pdf
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- Publié le Jul 30, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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