Junho/2017 Ano II Pagina 11 EN NAVIGUANT EN ÉCRIVANT. RÉFLEXIONS SUR LES
Junho/2017 Ano II Pagina 11 EN NAVIGUANT EN ÉCRIVANT. RÉFLEXIONS SUR LES TEXTUALITÉS NUMÉRIQUES NAVEGANDO ESCREVENDO. REFLEXÕES SOBRE AS TEXTUALIDADES DIGITAIS Marie-Anne PAVEAU Université Paris 131 Résumé: Les linguistiques TDI (texte, discours, interaction) telles qu’elles sont pra- tiquées en France n’ont pas beaucoup jusqu’à présent exploré les corpus du web. La CMO (Communication médiée par ordinateur, courant francophone), héritière de la CMC anglophone (Computer Mediated Communication), a parcouru les formes lexicales, morphologiques, graphiques et iconiques de l’écrit en ligne mais la linguis- tique textuelle, l’analyse du discours et l’analyse conversationnelle sont restées majo- ritairement sur des corpus non numériques. Dans cet article, je propose de réfléchir sur les textualités numériques à travers quatre concepts présentés alphabétiquement : délinéarisation, matérialités, non-texte et numérique, qui amèneront plusieurs sous- -entrées au fil de l’écriture : couleur, écologie, fragmentation, inachèvement, numérisé, numérique, numériqué, read-write, redocumentation, texte numérique. Je dote ces entrées de manicules qui servent de pointeurs d’hyperliens, de manière à permettre une navigation du lecteur analogue à la navigation dans les textes numériques natifs. Mots-clés: Analyse du discours numérique, délinéarisation, textualité numérique Resumo: As linguagens TDI (texto, discurso, interação), tal como praticadas na França pouco têm explorado o corpus da web. O CMO (comunicação mediada por computador, francófono fluente), herdeiro do CMC do falante inglês (Comu- nicação Mediada por Computador), chegou às formas lexicais, morfológicas, grá- 1 Professeure en sciences du langage, Université Paris 13. E-mail : ma.paveau@orange.fr Junho/2017 Ano II Pagina 12 ficas e icônicas de escrita on-line, mas a linguística textual, a análise do discurso e a análise de conversação permaneceram principalmente no corpus não- digital. Neste artigo, proponho refletir sobre textualidades digitais através de quatro con- ceitos apresentados por ordem alfabética [no poriginal]: linearização, materialida- de, não-texto e digital, o que trará mais sub-entradas sobre a escrita: cor, ecologia, fragmentação, incompletude, digitalizado, digitais, digital, leitura e escrita, re-do- cumentação, texto digital. Adoto essas entradas manuais [mãozinhas] que servem como indicadores de hiperlinks, a fim de permitir uma navegação do leitor análoga à navegação nos textos digitais nativos. Palavras-chave: Análise do discurso digital; linearização; textualidade digital. Introduction2 Au 25 mars 2017, on compte un peu plus de 3,7 milliards d’usagers de l’in- ternet et presque 1 milliard de sites ; environ un million de pages naissent chaque jour3. La World Wide Web Foundation dirigée par Tim Berners-Lee, le fondateur du web, l’indexe entièrement depuis plusieurs années et l’on dispose donc de chif- fres fiables obtenus à partir de plusieurs sources vérifiées4. Le site Internet Archive, qui, comme son nom l’indique, archive le web, compte au 25 mars 2017 3.202.183 vidéos, 170.879 concerts, 3.351.201 enregistrements audio et 11.559.041 e-books et textes5. Il est toujours un peu dangereux de faire parler les chiffres. Mais ceux-là en confirment d’autres, ainsi que de très nombreuses observations de pratiques (et pratiques de pratiques) : sur internet, il y a surtout du texte, et le web est majori- tairement scriptural, qu’il s’agisse des sites, blogs, réseaux socionumériques, outils de curation, de bookmarking, outils les plus divers. L’activité principale en ligne est l’écriture. L’internaute est celui qui écrit, et ce sont ces traces scripturales, cette présence scripturale plutôt (MERZEAU 2009)6, qui constituent ce qu’on appelle couramment son identité numérique. En ligne, nous sommes en effet ce que nous disons, et à part quelques exceptions (les conversations par Skype ou Google 2 Cet article est la synthèse de mes réactions en tant que discutante à deux journées d’étude organisées à l’occasion du départ à la retraite de Jean-Michel Adam, les 18 et 19 avril 2013 à l’université de Lausanne. Il est initialement paru dans le collectif issu de ces journées et dirigé par Jean-Michel Adam en 2015 : Faire texte. Unité(s) et (dis) continuité, Besançon, PUFC, p. 337-353. Le titre français du texte est une allusion à un célèbre ouvrage de Julien Gracq, En lisant en écrivant, publié en 1980, qui porte sur l’écriture, la lecture et la création. 3 http://www.internetworldstats.com 4 http://www.webfoundation.org/ 5 http://archive.org/index.php 6 Au concept de trace numérique central dans celui d’identité numérique, Louise Merzeau préfère celui de présence, les « traces » étant aussi des signes de présence de l’internaute habitant les espaces du web. Junho/2017 Ano II Pagina 13 Hangout par exemple), ce que nous disons est ce que nous écrivons. Même quand nous postons des images : sur le web, la photographie peut devenir scripturale par l’intermédiaire de ce genre natif du web, la dedipix, qui est une photo scripturali- sée, ou scripturalisante (PAVEAU 2012a)7. En lisant les textes de ce recueil que j’étais invitée à discuter, je constatais qu’aucun d’entre eux n’envisageait ces productions du web, qui sont peut-être, et même sûrement, pour la majeure partie d’entre elles, des textes, je vais y revenir. Le constat n’est pas nouveau, et cela fait quelques années que je m’étonne que ce que j’appelle les linguistiques TDI (texte, discours, interaction), n’aient pas davan- tage exploré les corpus du web. L’assez puissante CMO (« Communication médiée par ordinateur », courant francophone), héritière de la CMC anglophone8, a pour sa part parcouru les formes lexicales, morphologiques, graphiques et iconiques de l’écrit en ligne (à partir d’ANIS 1998)9 mais la linguistique textuelle, l’analyse du discours et l’analyse conversationnelle sont restées ces dernières années au bord du web. Quelle étrange posture, de la part de disciplines qui n’ont jamais cessé d’ou- vrir leurs terrains et d’explorer de nouvelles formes. Je me suis souvent demandé pourquoi les explorations épistémiques de ces disciplines restaient situées hors ligne. Ce parcours textuel me permettra peut-être de les préciser : j’ai en effet choisi le numérique comme fil rouge, comme « point de vue » fabriquant l’objet, comme le rappelle Jean-Michel Adam reprenant Saussure dans l’introduction, pour réagir aux textes de ce recueil en les questionnant. Comme ces discussions doivent à la sérendipité de ma lecture et aux asso- ciations de ma réflexion, je les présente sous un ordre alphabétique, qui permet l’ordonnancement d’une réflexion ressortissant plus d’une navigation hypertex- tuelle dans la pensée que de la construction rationnelle d’un propos construit. Je propose quatre entrées disposées alphabétiquement : délinéarisation, matérialités, non-texte et numérique, et plusieurs sous-entrées au fil de l’écriture : couleur, écologie, fragmentation, inachèvement, numérisé, numérique, numériqué, read-write, redocumenta- tion, texte numérique. Je les dote de manicules qui me servent de pointeurs d’hyper- liens, conformément à leur histoire bien décrite par Frédéric Kaplan dans « L’ori- gine médiévale de l’hyperlien, des pointeurs et des smileys » (KAPLAN 2013). Ce texte navigue donc, en quelque sorte, entre imprimé et numérique. 7 À l’origine, la dedipix est une « dédicace en image » (l’étymologie supposée est un mot-valise composé de dédicace et picture ou pixel), qui se pratique surtout dans les milieux adolescents sur le web : une fille (le plus souvent) poste sur le blog d’un garçon une photo d’elle avec un texte écrit sur son corps ou sur une pancarte qu’elle tient devant l’objectif. Cette pratique étant courante dans de nombreux domaines sur le web, politique en particulier, et n’étant pas nommée (les anglophones utilisent placard), j’utilise le terme dedipix comme hyperonyme générique. 8 Computer Mediated Communication, marquée par les travaux fondateurs de David Crystal et Susan Herring en particulier. 9 On peut citer entre autres Fabien Liénard, Michel Marcoccia, Rachel Panckhurst, Isabelle Pierozak. Junho/2017 Ano II Pagina 14 1. Délinéarisation La délinéarisation syntagmatique est un problème du texte numérique. Si penser le texte, et penser tout court d’ailleurs, c’est « penser par problèmes », comme le préconise Jean-Michel Adam dans l’introduction, alors le texte numérique, natif du web, permet cette pensée-là. Presque tous les auteurs du recueil mentionnent la linéarité comme propriété du texte, d’après la définition d’Harald Weinrich rappe- lée à son entrée (« l’énoncé linéaire qui est compris entre deux interruptions remar- quables de la communication »). Mais le texte natif du web, quand il est numéri- qué (* Numérique) est délinéarisé, dans son déroulement syntagmatique, dans son dispositif d’émission-réception et dans sa matérialité sémiotique (+ Écologie). Ce que j’appelle délinéarisation, c’est une élaboration du fil du texte dans laquelle les matières technologiques et langagières sont co-constitutives, et modifient la com- binatoire phrastique en créant un discours composite à dimension relationnelle. 1.1. Read-Write La délinéarisation concerne de nombreuses formes langagières en ligne, à commencer par les liens hypertextes : la profondeur qu’apporte le lien comme forme cliquable ouvrant sur un autre texte délinéarise l’énoncé. Le texte-lecture (* Non-texte) présente plusieurs niveaux de délinéarisation : Au moment de l’écriture (la technécriture), le scripteur accomplit une opéra- tion d’insertion de lien, qui consiste à surligner un segment, à ouvrir une fenêtre (figure 1), à insérer une URL et à valider cette insertion ; le dispositif surligne et colore alors le lien hypertexte de la fameuse couleur bleue originelle (+ Couleur) ; si, au moment de l’écriture hors ligne, un scripteur peut raturer, revenir en arrière, déplacer des segments, etc., en revanche il n’a pas accès à la profondeur matérielle de son texte et ne peut y intégrer d’autres textes uploads/Litterature/ navegando-escrevendo.pdf
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- Publié le Jui 18, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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