Cahiers de civilisation médiévale Rôle littéraire de la famille d'Aliénor d'Aqu

Cahiers de civilisation médiévale Rôle littéraire de la famille d'Aliénor d'Aquitaine † Rita Lejeune Citer ce document / Cite this document : Lejeune Rita. Rôle littéraire de la famille d'Aliénor d'Aquitaine. In: Cahiers de civilisation médiévale, 1e année (n°3), Juillet- septembre 1958. pp. 319-337; doi : https://doi.org/10.3406/ccmed.1958.1058 https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1958_num_1_3_1058 Fichier pdf généré le 24/03/2019 Rita LEJEUNE Rôle littéraire de la famille d'Aliénor d'Aquitaine C'est à la fois un truisme et une innovation que de parler du rôle essentiel joué par Aliénor d'Aquitaine et par sa famille dans l'orientation de la littérature du xne siècle. Truisme si l'on considère que, dès Gaston Paris, sinon avant lui, le propos a été défendu et que, depuis, il n'a pas manqué d'être réaffirmé par une foule de critiques. Toutefois, si l'on passe du plan des idées générales à celui, plus prosaïque, des faits précis, on s'aperçoit rapidement que ces deux plans ne coïncident pas. La cause du mécénat littéraire de la famille d'Aquitaine n'a pas encore été jugée à sa juste valeur. Et elle ne l'a pas été pour la bonne raison que le dossier même de l'information n'est pas clos. Ainsi, lorsque H. Edmond-René Labande fit paraître en 1952 un travail justement remarqué Pour une image véridique d'Aliénor d'Aquitaine (1), aucune étude spéciale n'avait vu le jour qui eût précisé le rôle littéraire d'Aliénor et de ses enfants. Sur le véritable sujet à traiter, on ne trouvait que des considérations éparses çà et là dans des œuvres fort diverses, des aspects fragmentaires de la question, des notions incomplètes. Les rapports de l'histoire littéraire avec l'histoire tout court — rapports cependant indispensables — n'étaient même pas établis. Ces constatations m'ont incitée à croire qu'un essai précis, s'efforçant de rassembler toute la matiète à inventorier, aurait son utilité, ...:.-:,. La première partie de cet essai — la partie réservée au rôle littéraire d'Aliénor — a paru (2). La seconde — celle qui traite de l'action exercée dans le domaine des lettres par les enfants de cette femme extraordinaire — forme l'objet des trois présentes leçons. L'ampleur et la diversité de la matière traitée, les vastes lacunes qui subsistent encore dans f information générale, tout cela, explique que ces leçons n'aient pu être conçues que comme un premier dégrossissement des documents. Rôle littéraire des fils d'Aliénor d'Aquitaine et de Henri II d'Angleterre : Henri, le jeune roi. — Richard Cœur-de-Lion. — Geoffroy, comte de Bretagne. — Jean sans Terre. Henri au Court Mantel, le jeune roi (1155-1183) Toute connaissance du personnage doit d'abord se fonder sur l'étude de la monographie que lui a consacrée Olm H. Moore (3). (1) « Bull. Soc. antiq. Ouest », 4* s., t. II, 1952/54, p. 175-234. (2) R. Lbjxuns, RôU littéraire d'Aliémmd'ÀqmSdne..., dans € Cultura neolatina », t. XIV, 1954, P- 5-57- (3) O. H. Moorb. The Yotmg King, Htmty PUmUgenet (1155.1183), m History, LUerature ma Tradition (c The Ohio State Universtty Studies », 2, n° 22), Columbus, 1925. 319 RITA LEJEUNE Même si le professeur de l'Université de l'Ohio s'est montré trop sévère pour Henri, on aura tôt fait de distinguer l'influence de ce prince sur les troubadours dont il fut une véritable idole. Sa mort donna lieu à deux planhs de Bertran de Born. L'un compte parmi les plus belles pièces de la littérature occitane (4). Sa vie aussi,:i^c iolsUel érè&àà&s mémorables qui s'attachèrent à sa révolte contre son père, inspira Bertran, ce Tyrtée d'Aquitaine dont l'uvre, fort bien éditée, n'a pas toujours été suffisamment appréciée (5). On n'a pourtant pas le droit de supprimer d'un trait de plume les diverses dédaxatifâfrfç ^ej^ragg^e j^pj^($jl^r4}Aj£ment bien au courant de la pohtique de son temps, et qui fut en rapport avec cf autres barons notables et intelligents de contrées lointaines, ainsi Guilhem deBerga(4ttMh>iàtf*egifeetfbll^^^hiine, artésien et champenois (6). Le fait que la chronique du prieur de Vigeois ou le cartulaire de l'abbaye de Dalon ne soufflent mot des événements relatés par les sirventès de Bertran n'est pas un argument dirimant. notamment, et jusque chez certains ft>bjet' d'une- t«rtatrveT a^orfee^e' i paru*»bst3'd*^ _ Ltjéume rey'fià).' Henri loua sans doute un TÔlè rieinàîquablé #ans Vfinpàkz&m sourie ôbntméni? decette matiez ¦nduvefle;,cé^ te dônWà isupposer» c'est & M, «itàVfc! rbi ptette,ët cotnHois *: ëfnoa à'stm t&^ïïénri iï cbrntqfi' oni'sifiri&eidta^^ en moyen <Miglaià;le m%<^mU^k^lM^mmm ne Marié, s'arfreése également au jeuiie «eiiri,;taM4»r<)ss%nols^j[i^.;!; ' ¦'-'¦' **" 'n " **'¦¦'> ^ J "«¦¦>>"¦' ¦ ¦/ ¦ «' ¦¦"¦/*« -'!; ;-»-»;b>'ii ¦- ,m -''-< ;¦; : ¦-¦¦r-.-j ¦ O .-:'<]<{ ..y* '¦ ¦ v:ïi-'/...: ;.:¦*;.¦.'> ;r *;,,*' :>^Kf--J mi 5.-:- ïh ?>:'.. ..- ¦ :^v:.'-'r -i-r;. -,¦¦;; m .1, .;?'-r-' =y i Richard Goeur-d^Lk» <i*57^*99) ' --^< ;-«'", 'f:: ' ;¦ *«'»"»¦¦ ¦¦ 1. RichardM t&bwb*faum. Richard d te poète « poitevine lui-même (13), .r,.;j;. -.;:'* î-i; »;; .,yi--^i^ ...T> r-::T:H'( ; 'i-;:'^ .,; .'¦».".: !;-> '*' 'S ? -.!(-', .'¦»' »::;'¦«> ;;'-. (4) On trouvera les deux planhs, Mon chan fenise ab dol el ab mal traire et Si tuit li dol elh plor elh marrimen, dan» l'édition d'A. Thomas, Poésies complètes de Bertran de Born, Toulouse, 1888 (« Bibl. mérid. », ire s., 1), n°» 6 et 7. (5) Moore, Bertran de Born et le jeune roi, dans « Romania », t. LI, 1925, p. 46-75. V. aussi les préfaces des éditions de Bertran de Born par Thomas, Stimming et Appel. A ce sujet, y. Pillet et Carstens, Bibliographie des troubadours. Halle, 1933, n° 80. A compléter par L. E. Kastner, Notes on the Poem&of Bertran de Born, dans « Modem Lang. Rev. », t. XXVII, 1932, p. 398-419 ; XXVÎII, 1933, p. 37-49 ; XXIX, 1934, p. 142-149. Une excellente présentation de Bertran de Born et de ses uvres diverses se trouve dans M. de Riquer, La lirtca de los ttovadores, 1. 1, Barcelone, 1948. . ¦. At>) <2, Mi tie RigwiRi ÇUrmédor CititkemiMèa^uedan y Ids ludhat ftudaUs de' sïitiHnpo, (iaitelon, i^§, fûtréduëtle* m^W^^Z^^il^^W^ (i èocïéfê Ôe l'histote dé'kance »)'.'" ! ' ' j ' ' ^ - >'À l 19) Cf. William de Newburgh, cité par Moore, op. cit., passim. (10) Liste conservée au fol. 200 d'un manuscrit du xrv* s., n° 23, provenant de l'abbaye bénédictine de Saint-Wert- burg, à Chester. Cf. G.E. Brereton, A Thirteenth-CenttiryList of French Lay& and Qthers, Narrative Poems, dans c Modem Lang. Rev., » t. XLV, 1950, p. 40 ss. '¦¦ '"ir7r.Tr. , - niurr -r n . ttf t rr . . .. (11) Cette hypothèse ne se base pas seulement sur l'article déjà ancien d'E. Levi, Studi sulle opère di Maria di Francia, I, Maria <ti Francia* il Re Gpovanà^ dans * Arcfciv. $c|nan< »t. V, Mai, p. 448-493, «ai» sur des recherchas (personnelles. (Ï2) S. ^ARDBNNfl, Thàt UnderyatHhe Kihg Henh, Jésus hi's soûle do merci, dans « Moyen âge,»» tY LIV, 1,948, p. 249- 256. ¦«. ¦''' . 4.1 'JÏ-- . ,: (13) Pillet et Carstens, op. cit., n° 420, où l'on trouvera cités les travaux relatifs aux deux seules uvres conservées de Richard. L'une d'elles, Daifin, ie 'us voill deresnier, est un sirventès contre le dauphin d'Auvergne. L'autre est une sorte de complainte écrite pendant sa captivité, après la. troisième croisade, c?ést*à<Uxe vers 1192-1*93 : J à nuls hom près no dira sa razo. Elle ne manque pas. de vigueur. La langue utilisée a doué lieu à mainte controverse. Le sujet mériterait d'être repris. Sur cette célèbre rotrouenge, cf. encore R. Bossuat, La poésie lyrique au moyen âge (« Classiques Larousse »), 7e éd., Paris, 1946, p. 43-45. ¦¦>. 320 RÔLE LITTÉRAIRE DE LA FAMILLE D'ALIÉNOR D'AQUITAINS vécut au milieu des poètes : les vidas, les razos, les chroniques françaises et anglaises le disent à suffisance (14). Ce goût prononcé pour la chose littéraire est sans doute dû au fait que, plus que n'importe lequel de ses frères, il ait été élevé dans l'entourage immédiat de sa mère. Poitiers vit grandir le Cœur-de-Lion à l'époque triomphale de la reine, c'est-à-dire lorsquelle devint régente d'Aquitaine de 1163 à 1173. Le milieu et Aliénor firent essentiellement, de celui qui devait devenir le « roi Richard », le fameux « comte de Poitiers » célébré à l'envi par les troubadours. Le dauphin d'Auvergne, le moine de Montaudin, Guiraut de Borrieil, Arnaut Daniel, Bertran d'Alanianon, Guiraut de Calanson, Fouquet de Marseille — entre autres — le citent. Bertran de, Born fut tour à tour son ennemi, puis son poète quasi officiel, prenant son parti dans les querelles politiques^ chantant « sa croisade », célébrant son retour (14). Peire Vidal le connaît bien aussi (15). Qùaiit à Gaucelm Faidit, il lui doit beaucoup* et il a montré la réalité de ses sentiments lorsqu'il composa en 1199 le fort beau planh sur la mort de Richard, Fortz cauza es que tôt lo màior dan (16)... La mort de Richard marquait effectivement, en cette fin du XIIe siècle, la fin d'un monde : celui de la chevalerie fastueuse. . L'importance du mécénat de Richard a été minimisée par Alfred Jeanroy (17) . Pourtant, il ne fait pas de doute que Richard, plus encore que uploads/Litterature/ o-papel-literario-de-leonor.pdf

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