ORIGENE DANS LA LITURGIE DE L’EGLISE DE JERUSALEM R. P. Ch. RENOUX O.S.B. (En-C

ORIGENE DANS LA LITURGIE DE L’EGLISE DE JERUSALEM R. P. Ch. RENOUX O.S.B. (En-Calcat) paru dans Adamantius 5 (1999), Università di Filologia Classica di Pisa, p. 37-52. Paris 2004 EGLISE D’ARMENIE www.eglise-armenienne.com ORIGENE DANS LA LITURGIE DE L’EGLISE DE JERUSALEM par R. P. Ch. RENOUX O.S.B. (En-Calcat) Au cours de l’un de ses deux séjours à Jérusalem, alors qu’il se trouvait à Césarée de Palestine dans les années 229-230 et 239-242 1, Origène fut invité à prêcher par l’évêque Alexandre 2. C’est là qu’il prononça ses Homélies sur Samuel, comme cela ressort du texte de ces prédications elles-mêmes, nous allons le voir. Les dernier éditeurs et traducteurs suggèrent que ce commentaire homilétique fut donné en 240-241 3, et certainement devant l’évêque Alexandre 4. I. UNE PREDICATION A JERUSALEM Prononcées lors d’une assemblée liturgique, ces Homélies touchent à l’histoire du rite ancien de Jérusalem et, plus spécialement, à celle de la période précédant Pâques. Reprenons l’une après l’autre les indications liturgiques contenues en ces textes : 1. Dans sa première Homélie sur Samuel, conservée en latin, Origène évoque la présence dans l’assemblée du “pape Alexandre”, évêque de Jérusalem, dont les fidèles “ont été habitués à entendre des paroles agréables ... d’un père très doux” 5. Alexandre, dont l’épiscopat à Jérusalem débute dans les années 215-225 6, tenait Origène en grande estime, au dire d’Eusèbe de Césarée 7. Puisque l’exégète alexandrin fait l’éloge de l’évêque de la communauté devant laquelle il prêche, le “pape Alexandre”, c’est donc dans la Ville Sainte qu’Origène a donné la première homélie sur le livre de I Samuel et, vraisemblablement aussi, celles qui ont suivi sur le même livre de l’Ecriture, concluent les récents éditeurs 8. 2. “L’histoire qui nous a été lue (recitata) du premier livre des Rois paraît si difficile que, sans la grâce d’une force divine, on ne peut en donner l’explication” 9. Et les événements racontés dans la péricope que le lecteur vient de lire dans l’assemblée sont ensuite rappelés à grands traits, comme le dit Origène lui-même : “Nous avons résumé autant que nous avons pu le contenu de la lecture (lectio)” 10. Ce résumé englobe les faits rapportés dans I Samuel 1,1-2,11 11. 3. Dans la cinquième Homélie, conservée en grec, le prédicateur rappelle, avant de passer à son commentaire, que “ce qui a été lu est bien long (τ ναγνωσθέντα πλείονά έστιν) ” 12 et que c’est au 1 Voir la chronologie établie par P. NAUTIN, Origène, sa vie et son œuvre, Paris 1977, 410-411. 2 Sur cet évêque de la Ville Sainte, mort vers 251, voir P. NAUTIN, Lettres et écrivains chrétiens des IIe et IIIe siècles, Paris 1961, 105-137. 3 Origène. Homélies sur Samuel, éd. crit., introd., trad. et notes, par P. et M.-T. NAUTIN, SC 328, Paris 1986, 57-60 (désormais Homélies). 4 Voir aussi H. CROUZEL, Origène, Paris 1985, 53. 5 Homélies, 96-101 ; la présence de l’évêque est signalée aussi dans la cinquième Homélie (ibid., 174-175). 6 Cf. NAUTIN, Lettres et écrivains chrétiens, 112-114. 7 Histoire Ecclésiastique, VI, 8, 4 ; VI, 19, 16-18 (Eusèbe de Césarée. Histoire ecclésiastique. Livres V-VII, éd. G. BARDY, SC 41, Paris 1955, 96, 117-119). 8 Ibid., 57. 9 Ibid., 100-101. 10 Ibid., 102-103. 11 Ibid., 100-103. 12 Ibid., 172-173. EGLISE D’ARMENIE www.eglise-armenienne.com 2/12 cours d’une “synaxe” (σύναζις) 13 que fut proclamée cette longue lecture qui comprend “quatre péricopes (περικοπαί)” 14. Ces différents détails attestent bien qu’Origène prononça ses Homélies sur Samuel au cours d’assemblées tenues à Jérusalem, mais dont rien, dans le texte, ne nous dit la fréquence et la nature ; nous allons y revenir 15. L’évêque et les fidèles, “oreilles de l’Eglise’’ 16, sont là pour nous assurer qu’il s’agit bien d’un office liturgique, dans lequel un lecteur proclame la Parole de Dieu que commente ensuite un prédicateur 17. Les témoignages d’auteurs anciens sur ces Homélies et leur tradition manuscrite font connaître actuellement six Homélies sur Samuel 18. De la première, conservée en latin dans une traduction de Rufin, et de la cinquième, connue en grec, nous possédons le texte en entier, comme semble le prouver la présence d’une doxologie, procédé habituel d’Origène pour conclure sa prédication 19 ; des quatre autres ne subsistent plus que des fragments. C’est Origène lui-même qui présente, en les résumant, les péricopes bibliques qui avaient été proclamées par un lecteur avant sa première homélie et la cinquième : le lecteur lut I Samuel 1,1-2,11 avant la première, et I Samuel 25-28 avant la cinquième 20. Pour les quatre autres, l’incipit et le desinit des péricopes lues ne peuvent être fixés avec autant de précision. Les fragments de la deuxième Homélie qui évoquent l’histoire des fils d’Héli et la destruction de la statue de Dagon, le dieu des Philistins, font pressentir que la lecture englobait I Samuel 2,12-5. La troisième, fragmentaire également, porte sur le repentir de Dieu vis-à-vis de Saül et sur l’onction de David ; elle devait suivre par conséquent une péricope de I Samuel 15-16. Ce qui subsiste de la quatrième, qui rapporte l’épisode de l’hostilité de Saül contre David et celui de la manducation des pains chez le prêtre Akimelek, laisse entendre que la péricope lue auparavant comprenait I Samuel 19-21. Enfin, la sixième Homélie, sur la nécromancienne, est une explication de I Samuel 28, dont Origène avait déjà traité dans la cinquième, estiment les éditeurs 21. En rassemblant ces indications, on aboutit à la liste suivante des péricopes, dont seules celles que commentent la première et la cinquième Homélies peuvent cependant être regardées avec certitude comme les lectures proclamées dans les assemblées liturgiques hiérosolymitaines au cours desquelles prêcha Origène : 1ère Homélie, après lecture de I Samuel 1,1-2,11 2ème Homélie, après lecture de I Samuel 2,12-5 3ème Homélie, après lecture de I Samuel 15-16 4ème Homélie, après lecture de I Samuel 19-21 5ème Homélie, après lecture de I Samuel 25-28 Aucune autre indication sur la période de l’année liturgique, le lieu, les jours et les offices liturgiques où ces Homélies sur Samuel furent prononcées n’apparaît dans ce qui reste de cette prédication d’Origène. Il est loisible cependant de penser que celle-ci se déroula dans la vieille église de la colline de Sion 22, premier lieu des assemblées liturgiques de la Ville Sainte, où se trouvait encore au IVe 13 Ibid. 14 Ibid. 15 Voir infra, p. 10. 16 Homélies, 102-103. 17 Cf. W. SCHÜTZ, Der christliche Gottesdienst bei Origenes, Stuttgart 1984, 73-81. 18 Homélies, 11-57. 19 Cf. H. CROUZEL, Les doxologies finales des homélies d’Origène selon le texte grec et les versions latines, Aug. 20 (1980) 95-107, et W. SCHÜTZ, op. cit., 136. 20 Homélies, 100-103 et 172-175. 21 Ibid., 51. 22 Cf. H. VINCENT et F.-M. ABEL, Jérusalem. Recherches de topographie, d’archéologie et d’histoire, t. II : Jérusalem Nouvelle, Paris 1922, 421-459 et 472-481 ; C. KOPP, Die heiligen Stätten, Regensburg 1959, 376- 387 ; J. WILKINSON, Egeria’s Travels, London 1971, 38-39. EGLISE D’ARMENIE www.eglise-armenienne.com 3/12 siècle la chaire de Jacques, au dire d’Eusèbe de Césarée 23. II. LE LECTIONNAIR£ DE JERUSALEM ET ORIGENE Les péricopes tirées de I Rois (= I Samuel), qui firent l’objet des commentaires d’Origène, sont connues du Lectionnaire de Jérusalem conservé en deux versions orientales, seuls témoins de ce document de la liturgie hagiopolite ancienne : l’une arménienne, reflet de la situation liturgique des années 417-433 24 ; l’autre, géorgienne 25, dont les quatre manuscrits représentent une période qui s’étage du milieu du Ve siècle à la fin du VIIIe 26. Ces deux documents, qui n’ont pas été composés d’une seule traite, laissent apparaître des traces de mises à jour successives. Mais leurs relations avec les Catéchèses baptismales de Cyrille de Jérusalem 27 et, plus encore, avec la partie liturgique de l’Itinerarium Egeriae parsemée d’allusions aux textes bibliques lus au cours de la liturgie dans les divers lieux de culte hagiopolites 28, obligeaient déjà à affirmer qu’un lectionnaire hiérosolymitain existait au IVe siècle. Les péricopes de I Rois dans le Lectionnaire La présence, dans la version arménienne et la version géorgienne du Lectionnaire de Jérusalem, de I Rois que commente Origène, amène à reculer encore cette date. A partir de la deuxième semaine de carême, période sur laquelle nous reviendrons, les deux documents prévoient en effet la lecture des péricopes bibliques suivantes au cours de l’Office du Soir : Dans le document arménien Lundi de la 2e semaine: I Rois 1, 1-23a 29 Mardi de la 2e semaine: I Rois 1, 23b-2, 26 30 Jeudi de la 2e semaine: I Rois 3, 21c-4, 18 31 23 Histoire Ecclésiastique, VII, 19 (SC 41, 193). Conjecturer que des “Nazaréens”, chrétiens en marge de la Grande Eglise, possédaient encore au IVe siècle ce lieu de culte (cf. S.C. MIMOUNI, La Synagogue judéo- chrétienne de Jérusalem au Mont-Sion, texte et contexte, POC 40 [1990] 215-234) est bien aléatoire : “Eusèbe de Césarée déclare explicitement que des synagogues ont été mises en place partout sauf à Jérusalem et sur le Mont-Sion” (cf. F. BLANCHETIERE et M.D. HERR, Aux Origines juives du christianisme, Jérusalem 1993, 85). Quant au uploads/Litterature/ origene-jerusalem.pdf

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