Karl Marx du même auteur Fascisme brun, fascisme rouge, Spartacus, 1975. La cri
Karl Marx du même auteur Fascisme brun, fascisme rouge, Spartacus, 1975. La crise mondiale ou vers le capitalisme d’État, Gallimard, 1932. La révolution n’est pas une affaire de parti, Entremonde, 2010. otto rühle KARL MARX Vie et œuvre Traduit de l’allemand par Alexandre Vialatte Postface de Jean-François Gava Entremonde Genève titre original : Karl Marx, Leben und Werk. Hellerau bei Dresden, Avalun-Verlag, 1928. Grasset, 1933, pour la traduction française. Entremonde, 2011. note de l’éditeur L’édition originale étant dépourvue de source, nous avons, chaque fois que cela était possible, rajouté la source des citations en note de bas de page. D’une manière générale, nous avons préféré pour les citations de Karl Marx retenir la traduction donnée dans la Bibliothèque de la Pléiade plutôt que les traductions d’origine réalisées par Alexandre Vialatte. PRÉPARATION LA SITUATION HISTORIQUE Les révolutions européennes ouvrirent les portes de la Hollande, de l’Angleterre et de la France à l’évolution capitaliste à plusieurs siècles de distance. La féodalité, fondée sur le vasselage, consolidée par le despotisme patriarcal, l’asservissement à l’héritage et l’esclavage de la conscience, s’effondra sous le choc de la nouvelle puissance : ce fut l’ère de l’Économie. L’argent vainquit le sillon. Les postulats de la liberté triom phèrent des traditions de la servitude. C’était l’aurore sur l’Europe occidentale. La classe bourgeoise prit son essor ; de nouveaux champs d’action s’étendaient à ses yeux au soleil d’une nouvelle histoire. De Hollande elle créa une puissance coloniale qui n’eut d’égale, en sa démesure, que les sommes fabuleuses qu’elle rapportait à la métropole. De l’Angleterre, dont elle fit l’usine du monde, elle s’élança pour conquérir tous les marchés du globe terrestre, toutes les mines de matière première. En France elle mit à son service la plus grande force militaire de l’histoire pour assurer les résultats sociaux de son émancipation. Nulle difficulté de sa tâche n’effraya son activité. Son audace attaqua les problèmes les plus vastes. Son ambition s’assigna les buts les plus élevés. Dans une véritable ivresse de triomphe, la bourgeoisie subjugua ses destins. Destin économique d’abord. Au-delà de la manufacture et de la combine mercantile, le nouveau système de production vit naître la grande industrie. Une révolution des techniques suivit celle de la politique. Les méthodes traditionnelles furent renversées et transformées. Les secrets de la nature furent percés, ses forces furent asservies, ses lois servirent la production. En 1767, Hargreave crée la « spinning jenny », en 1769 Arkwright la perfectionne encore, en 1775 Crompton donne la « mull jenny ». En 1781 Watt rend la vieille pompe à vapeur propre à actionner des machines. En 1785 12 KARL MARX Cartwright révolutionne toute l’industrie textile en inventant le métier mécanique. Le tissage subit dès lors une métamorphose totale. Le coton opéra son entrée en Europe. « Coton ! Coton ! », devint le mot d’ordre du capital. Les fabriques surgirent du sol. Des armées d’hommes, de femmes, d’enfants s’engloutirent dans ces usines. Un progrès n’attendait pas l’autre. C’est en 1802 que le premier vapeur sillonna le fjord de la Clyde, c’est en 1807 que, pour la première fois, des passagers franchirent l’Hudson à la vapeur ; en 1819 le premier paquebot fendit les flots de l’océan. La machine à vapeur de Watt servait déjà de locomotive depuis l’année 1804 et rendait d’importants services. En 1825 le premier chemin de fer fut livré à l’exploitation. Le capitalisme avait vaincu l’espace et le temps. Le premier télégraphe électrique fonctionna en 1835. Qu’il avait fallu peu d’années pour reculer si loin les limites du monde ! Des prodiges, des féeries s’étaient réalisés. Le rendement du travail humain s’était élevé jusqu’au miracle. La bourgeoisie triomphait. « Elle a produit de bien autres merveilles que les Pyramides d’Égypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques : elle a fait bien d’autres exploits que des migrations ou des croisades… Elle s’est asservie les forces naturelles, elle a appliqué la chimie à l’industrie et à l’agriculture et défriché des continents, elle a rendu des fleuves navigables, fait surgir des peuples du sol ! Machines, vapeurs, chemins de fer, télégraphes…, quel siècle précédent eût osé supposer qu’une telle puissance de production sommeillât dans le sein du travail collectif ! » Quant à son destin politique, la bourgeoisie le prit en main pareillement. Elle survécut en France à la réaction des Bourbons et saisit le pouvoir en 1830. En Angleterre, pendant un siècle et demi, elle réussit à tirer son profit de toutes les cotes mal taillées, jusqu’à l’année 1832 où le « Reformbill » la rendit définitivement maîtresse de la situation. Ce fut elle qui dicta les lois aux gouvernements. Ce fut à son commandement que s’ébranlèrent les armées. Ce fut à son profit qu’on conclut des traités, qu’on cimenta des alliances, qu’on fit et termina des guerres, qu’on lança des proclamations, qu’on échangea des notes diplomatiques. Finalement elle se trouva au faîte. Sa position politique était assurée à tous égards. 13 PRÉPARATION Enfin, et ce n’est pas le moindre de ses travaux, elle donna de nouvelles couleurs et de nouvelles formes à l’idéologie qui peint l’image du monde dans la cervelle des humains. « Elle a noyé les saints frissons de l’extase mystique, de l’enthousiasme chevaleresque et de la mélancolie qu’on appelait distinguée dans l’eau glacée du calcul égoïste. Plus de dignité personnelle : elle l’a remplacée par la valeur marchande, et, à la place des libertés dûment acquises par lettres officielles, elle a instauré un libre-échange sans conscience… La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités jusqu’alors vénérables et qu’on ne considérait qu’avec un saint frisson. Elle a remplacé le médecin, le juriste, le prêtre, le poète et l’homme de science par des travailleurs salariés. Elle a dépouillé la famille du voile attendrissant des sentiments touchants, elle l’a ramenée à une pure affaire d’argent. » C’est ainsi qu’elle a transformé la physionomie du monde entier, qu’elle a doté la vie humaine d’une foule de nouveaux aspects. Du haut du donjon de son succès, de l’échauguette de son triomphe, elle a pu dès lors contempler avec orgueil la carrière glorieuse qu’elle venait de parcourir en un si petit nombre d’années. LA SITUATION ALLEMANDE En Allemagne, jusqu’à 1800, la classe bourgeoise avait à peine participé à cette ruée triomphale. Trois cents années auparavant, le capitalisme, pourtant, était mûr pour bouleverser la vie économique allemande. Il faisait voile en Méditerranée avec les flottes italiennes, il franchissait les cols des Alpes avec les caravanes du commerce germain. Son ferment révolutionnaire avait déjà commencé à sévir dans les veines et le cerveau des hommes. Il excitait les paysans à la révolte, enveloppait les bourgeois dans les restes d’un conflit avec le Pape et son église, il transformait les citadins en rebelles et en mutins. Mais l’Occident se vit encerclé par les Turcs, on découvrit la route maritime des Indes ; les voies commerciales, barrées, furent envahies par les 14 KARL MARX herbes, et le nerf du capitalisme, qui était allemand et italien, dépérit et mourut bientôt. Le capitalisme, repoussé vers le littoral atlantique, s’empara successivement du Portugal et de l’Espagne, des Pays-Bas, de l’Angleterre et de la France, tarauda et bouleversa tout, accomplit son œuvre de ruine et son travail de création. Maintenant, trois cents ans plus tard, il revenait en Allemagne. Il y apportait les machines anglaises et le coton américain. Et ce fut aussitôt le processus ordinaire : transformation de la production, bouleversement de la société, métamorphose, dans les cerveaux, de l’image du monde. Dans le Bas-Rhin, la Ruhr, la Sieg, en Thuringe, en Saxe et en Silésie, en Wurtemberg et en Bavière, on vit fleurir immédiate ment une industrie avide d’action. Le blocus continental, coupant l’importation anglaise, mit cette jeune plante en serre chaude. En Saxe, le nombre des métiers passa en six ans de 13 000 à 210 000 dans le coton. En Rhénanie l’exploitation des mines, les fonderies, les fabriques de machines et l’industrie métallurgique prirent des proportions formidables. L’exportation, l’importation mondiales, suivirent en raison directe : c’était énorme pour l’Allemagne. On eût dit que le capitalisme voulait rattraper le temps perdu ; il marchait à pas de géant ; l’évolution fut inouïe. Des villes poussèrent. Les capi taux s’accumulèrent. Partout essor, succès, puissance et plus-value. Mais, sans le prolétariat, la bourgeoisie n’est rien. C’est elle qui le crée en se développant. C’est elle qui le crée nécessairement, parce que c’est lui qui crée les accroissements de valeur dont la bourgeoisie tire sa vie. Elle ne peut renoncer à lui sans renoncer à sa propre existence. Ils sont liés indissolublement. Le prolétariat allemand s’est recruté, comme ceux de France et d’Angleterre, dans la masse des paysans appauvris et déracinés, des artisans et des petits bourgeois écrasés par l’évolution. La première génération tenait au sol et vivait sûre. La suivante donna une partie de ses forces aux industries à domicile. La troisième prit le chemin de l’usine et constitua le prolétariat salarié. Les masses venues à la fabrique, groupées en tas par les méthodes de production, tombèrent sous l’œil du chef, la direction du maître, uploads/Litterature/ otto-ruehle-karl-marx-vie-et-oeuvre.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 26, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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