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Religion et Histoire 14-12-2007 08:25 Page 1 Religion et Histoire 14-12-2007 08:25 Page 2 RELIGION ET HISTOIRE SUR LE CONCEPT D’EXPÉRIENCE CHEZ WALTER BENJAMIN Religion et Histoire 14-12-2007 08:25 Page 3 Religion et Histoire 14-12-2007 08:25 Page 4 PATRICIA LAVELLE RELIGION ET HISTOIRE SUR LE CONCEPT D’EXPÉRIENCE CHEZ WALTER BENJAMIN Passages LES ÉDITIONS DU CERF www.editionsducerf.fr PARIS 2008 Religion et Histoire 14-12-2007 08:25 Page 5 Imprimé en France © Les Éditions du Cerf, 2008 www.editionsducerf.fr 29, boulevard La Tour-Maubourg 75340 Paris Cedex 07 ISBN 978-2-204-08519-9 ISSN 0298-9972 Tous droits réservés. La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur et de l’éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon sanc- tionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. Religion et Histoire 14-12-2007 08:25 Page 6 « … além das cortinas são palcos azuis, infinitas cortinas com palcos atrás ». Chico Buarque DE HOLANDA (« Vida »). Religion et Histoire 14-12-2007 08:25 Page 7 Religion et Histoire 14-12-2007 08:25 Page 8 À mon père, qui m’a transmis sa bibliothèque, à Gabriel, né en même temps que ce travail, et à son père. Religion et Histoire 14-12-2007 08:25 Page 9 Religion et Histoire 14-12-2007 08:25 Page 10 INTRODUCTION Quand, pour retracer les origines de ce livre, je réfléchis aux motivations qui m’ont amenée à l’œuvre de Walter Benjamin, c’est l’histoire de mes lectures littéraires, mon histoire person- nelle en tant que lectrice de romans, de contes et de poèmes, qui me vient à l’esprit. J’ai envie de raconter toute ma forma- tion, dans laquelle la lecture d’œuvres littéraires a précédé et préparé l’intérêt pour la philosophie. Cependant, rapporter ces lectures, les agencer sous la forme d’un parcours intellec- tuel dans lequel un projet de recherches prend forme ne me semble guère possible. Cela m’amènerait loin du travail actuel, trop loin sans doute pour une introduction qui doit être courte et objective. Car ce n’est pas le sujet ou le contenu de ces livres formateurs qui les lient à ce travail, mais le secret caché dans leur beauté. C’est l’élément mystérieux de toute véritable beauté littéraire qui m’a conduite aux textes philo- sophiques, où il se montre dans le dépouillement du concept. Et c’est toujours ce mystère qui m’a intéressée dans l’œuvre de Walter Benjamin, où une prose énigmatique à la fois suggère une philosophie qui restera toujours à venir et la garde secrète dans ses souterrains. En effet, à mi-chemin entre littérature et philosophie, la production de l’auteur m’a permis de formuler la question qui, endormie dans les œuvres littéraires, a éveillé mon goût par le travail philosophique : celle du rapport entre la pensée et les mots. Car le mystère qui se cache et qui se montre dans la littérature n’est rien d’autre que la pensée. Comment pense-t-on ? Le langage, qui est le moyen par lequel je communique mes pensées à autrui, n’est-il pas aussi le médium dans lequel je pense ? Or, si les concepts de la philo- sophie renvoient le plus souvent au langage comme moyen de communication de la pensée, les images que nous rencontrons dans la littérature évoquent davantage le mystère de la pensée qui s’exprime immédiatement dans les mots. Entre l’une et l’autre, l’œuvre de Benjamin porte essentiellement sur l’expé- rience qui a lieu entre l’expression et la communication, c’est- à-dire l’expérience du passage entre le médium de la pensée et Religion et Histoire 14-12-2007 08:25 Page 11 le moyen par lequel elle peut se rendre communicable. Or, cette expérience s’accomplit à chaque fois que nous voulons parler ou écrire, mais elle est aussi celle de la lecture, quand le sens immédiat et intrinsèque du texte doit être interprété, et donc fragmenté dans des significations successives. En ce sens, mon travail n’est rien d’autre qu’une lecture qui cherche, dans les nombreuses métaphores de Benjamin, les fonde- ments philosophiques de l’expérience de la pensée. C’est justement après avoir examiné le rapport de la pensée au langage dans un célèbre texte de 1916 intitulé « Sur le langage en général et sur le langage humain », que le jeune Benjamin esquisse en 1917-1918 le projet d’élaborer un concept supé- rieur d’expérience. D’après « Sur le programme de la philo- sophie qui vient », ce concept devait surmonter celui qui avait été élaboré à l’époque des Lumières d’après le paradigme physique mathématique de l’expérimentation de la science moderne et qui n’avait pas été substitué par un autre. Car le moment contemporain de la philosophie, inauguré par Kant avec sa Critique de la raison pure, se fonde encore, d’après Benjamin, sur cette expérience pauvre des Lumières dont la quintessence est la physique newtonienne. Ainsi, l’auteur se propose de penser, à partir de la révolution copernicienne de Kant, un concept supérieur d’expérience qui puisse inclure la « religion » et l’« histoire ». Comprises d’après le rapport de la pensée au langage, pro- blème examiné par l’auteur de « Sur le langage en général et sur le langage humain », « religion » et « histoire » renvoient au sens immédiat et à la succession des significations, c’est-à-dire au médium de la pensée et au moyen par lequel celle-ci peut se rendre communicable. Dans cette interprétation, la sphère transcendantale au-delà des concepts de sujet et d’objet, sur laquelle le texte programmatique de 1917-1918 voulait fonder une expérience religieuse, correspond à la langue adamique des purs noms dont parle le texte de 1916 dans une lecture allégorique du mythe biblique de la création. En revanche, la dimension subjective de la pensée renvoie au jugement ou à la sphère communicative du langage humain, c’est-à-dire au péché originel qui, selon l’interprétation de la Bible proposée par le jeune Benjamin, entraîne la chute de l’homme dans l’histoire. Or, la doctrine ou la théorie systématique annoncée par « Sur le programme de la philosophie qui vient » pointe à la fois vers la recherche d’une expérience religieuse, au-delà 12 RELIGION ET HISTOIRE Religion et Histoire 14-12-2007 08:25 Page 12 de la distinction entre la forme et le contenu – le « je pense » et les « choses pensées » – et vers la chute dans l’histoire comme expérience de la perte de cette expérience. Dépouillée de toute subjectivité, la sphère transcendantale de l’expérience – c’est- à-dire la religion – serait donc comprise comme la source silencieuse du sens, tandis que l’histoire, l’expérience de la succession des significations, trouverait son origine dans la différence entre cette sphère et la conscience – c’est-à-dire dans la distinction entre le transcendantal et le linguistique. Le problème de l’expérience à la fois religieuse et historique nous conduira ainsi à la mise en question du sujet transcen- dantal de Kant en fonction d’une réflexion sur le langage. En suivant cette voie, nous allons trouver, au fondement de toute expérience, l’imagination. Pour concevoir son concept supérieur d’expérience capable d’inclure et la religion et l’histoire, l’auteur de « Sur le pro- gramme de la philosophie qui vient » voulait suivre l’indication de Hamann, qu’il cite à plusieurs reprises dans le texte de 1916 sur le langage, et qui propose d’opérer une « métacritique » de la Critique de la raison pure, ce qui signifie incorporer à la philosophie kantienne la question du langage. Ainsi, pour mieux comprendre le projet philosophique de Benjamin, nous devons d’abord examiner le contexte polémique dans lequel la critique de Hamann à Kant prend tout son sens : la querelle dite « du panthéisme » ou de « l’athéisme ». Cette polémique qui a agité la scène intellectuelle de l’Allemagne autour de 1785, en opposant Jacobi à Moses Mendelssohn et Kant à Jacobi et à Mendelssohn, témoigne de la crise de l’expérience des Lumières. En effet, c’est dans la pers- pective de la critique du concept d’expérience qui naît avec Descartes et la science moderne que nous pouvons comprendre la portée de la querelle déclenchée par la révélation par Jacobi de l’aveu de spinozisme que lui aurait fait Lessing. Un tel aveu, qui à l’époque équivalait à une déclaration d’athéisme de la part du célèbre « Aufklärer » tout juste décédé, consti- tuait un véritable scandale. Cependant, comme l’a montré Philonenko, au-delà de son côté anecdotique, cette querelle inaugure le débat contemporain en philosophie parce qu’elle met en question le concept d’expérience des Temps modernes sur lequel la Critique de la raison pure, qui rompt pourtant avec les prétentions dogmatiques du rationalisme cartésien, se fonde encore. 13 INTRODUCTION Religion et Histoire 14-12-2007 08:25 Page 13 Premier critique véritablement postkantien de l’expérience mécanique propre au rationalisme des Lumières, Jacobi retrouve l’absolu, banni par Kant de la connaissance, dans le sens interne, comme une expérience immédiate et incommu- nicable qui serait à la source de toute rationalité. Pour arriver à cette expérience irrationnelle de Dieu qu’il appelle « croyance », l’auteur essaye de montrer que la voie démonstrative de la ratio- nalité dogmatique représentée par Lessing et par Mendelssohn conduit nécessairement au scepticisme. uploads/Litterature/ patricia-lavelle-religion-et-histoire-sur-le-concept-d-x27-experience-chez-walter-benjamin.pdf
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- Publié le Mar 04, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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