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LA PATROCLIE, EXPLOITS ET MORT DU HÉROS (ILIADE XVI) Françoise Létoublon Les Be

LA PATROCLIE, EXPLOITS ET MORT DU HÉROS (ILIADE XVI) Françoise Létoublon Les Belles lettres | L'information littéraire 2005/4 - Vol. 57 pages 3 à 11 ISSN 0020-0123 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-l-information-litteraire-2005-4-page-3.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Létoublon Françoise, « La Patroclie, exploits et mort du héros (Iliade XVI) », L'information littéraire, 2005/4 Vol. 57, p. 3-11. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Les Belles lettres. © Les Belles lettres. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 80.118.233.132 - 12/06/2013 02h02. © Les Belles lettres Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 80.118.233.132 - 12/06/2013 02h02. © Les Belles lettres Le chant XVI de l’Iliade, rapportant la geste de Patrocle, ami et substitut d’Achille2, est à plusieurs titres exemplaire de la manière et du génie homériques : il peut s’analyser comme une suite de diverses « scènes typiques » elles- mêmes faites de vers formulaires3, et pourtant on n’a jamais l’impression d’avoir déjà lu ou entendu le même récit. Parmi les diverses scènes typiques qui le composent, deux au moins montrent par rapport à leur « modèle » des variantes importantes qui manifestent leur importance dans la compo- sition d’ensemble de l’Iliade et la progression vers la lusis, le dénouement final (dans lequel Achille rendra à Priam le cadavre d’Hector) : la scène d’armement de Patrocle et sa mort, prélude au retour d’Achille au combat et à la mort d’Hector. C’est un chant éminemment guerrier, mettant en scène de manière dramatisée les usages de la guerre bien connus chez Homère, pour lesquels je me contenterai de ren- voyer aux travaux connus disponibles en français : l’arrière- plan historique et la documentation archéologique sont bien étudiés dans Vernant, Problèmes de la guerre dans la Grèce ancienne (1968, 19852, 19993): en particulier, P. Courbin4 montre que les fouilles archéologiques manifestent dès l’époque mycénienne des armes de bronze que l’on pensait autrefois typiques de la phalange d’époque classique. G. Kirk5 montre que l’épopée homérique confond probable- ment ou superpose sans souci de cohérence plusieurs étapes des techniques et matériels de guerre remontant à l’époque mycénienne (âge du bronze) ou à l’époque géométrique (âge du fer), mais que les poèmes constituent cependant un assez bon témoignage sur « l’histoire de la guerre à la fin de l’âge du Bronze ». Pour la mise en forme littéraire de la guerre dans l’Iliade, on renverra à A. Bernand6 et pour la mise en scène de la mort héroïque, à l’article de J.-P. Vernant sur la « belle mort »7 et pour l’ensemble du chant par rapport au récit de l’Iliade au livre de S. Lowenstamm8 et pour les ger- manistes à K. Reinhardt et H. Erbse9. Sur les personnalités qui s’affrontent dans les deux camps, il est indispensable de consulter P. Wathelet10, au moins dans la version courte de 1989. Parmi les ouvrages généraux importants pour analyser le détail du chant XVI, on citera encore les livres de G. Nagy et de S. Schein11, importants pour la définition du héros et son destin d’être humain, donc mortel. F. LÉTOUBLON : LA PATROCLIE, EXPLOITS ET MORT DU HÉROS (ILIADE XVI) 1. Cet article destiné aux agrégatifs de lettres classiques qui sont censés connaître le texte, citera les vers en grec seul, par économie de place, renvoyant aux traductions existantes sans les citer sauf dans quelques cas où la traduction a semblé indispensable. 2. La relation entre Patrocle et Achille et le rôle de pivot du chant XVI dans l’Iliade n’ont à mon avis jamais été analysés de manière aussi dense et lumineuse que chez C. H. Whitman, Homer and the Heroic Tradition, New York, 19652, p. 195-104 : Patrocle y est défini comme la « face humaine d’Achille ». 3. La notion de scène typique se définit dans le prolongement de l’étude fondatrice de Walter Arendt (Die typischen Szenen bei Homer, Berlin, 1933) comme un composé d’éléments narratifs constants dans dif- férents contextes. Celle de formule et de vers formulaire se définit comme la répétition d’une même association lexicale (par excellence substantif et épithète), en général à la même place dans le vers, par exemple nom propre + adjectif descriptif ou patronyme, « Achille aux pieds rapides », « le Péléide Achille » etc. Pour simplifier, je renvoie ici seulement à Milman Parry et Albert Lord, voir F. Létoublon, « Le récit homérique, de la formule à l’image », Europe 865, 2001, Homère, p. 20-47. 4. P. Courbin, « La guerre en Grèce à haute époque », in Vernant, 1999, p. 89-120, voir aussi M. Detienne, « La phalange : problèmes et controverses », ibid., p. 157-188. 5. G. S. Kirk, « La guerre et le guerrier dans les poèmes homé- riques », traduit en français pour la réédition de Vernant, 1999, p. 121- 155. 6. A. Bernand, Guerre et violence dans la Grèce antique, Paris, Hachette, 1999 (chapitre III, « Tout commence avec Homère », p. 81- 109). Voir aussi F. Létoublon, « Défi et combat dans l’Iliade », REG 96, 1983, p. 27-48. 7. J.-P. Vernant, « La belle mort et le cadavre outragé », in G. Gnoli et J.-P. Vernant (éd.), La mort, les morts dans les sociétés anciennes, Paris-Cambridge, 1982, p. 45-76, repr. dans J.-P. Vernant, L’individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Paris, Gallimard 1989, rééd. Folio histoire, 1996, p. 41-79. 8. S. Lowenstamm, The Death of Patroclos. A Study in Typology, Königstein/Glan, 1981 (BkP 133). 9. K. Reinhardt, Die Ilias und ihr Dichter, hsgb. U. Hölscher, Göttingen, 1961 : les deux premiers chapitres sont consacrés à la Patroclie et à ses relations avec l’Iliade (p. 17-28) et avec une pos- sible épopée antérieure appelée l’Achilleis (p. 29-37). H. Erbse conteste l’existence d’une Achilleis et discute toute l’argumentation de Reinhardt et surtout analyse toutes les allusions à Patrocle dans l’ensemble de l’Iliade pour montrer que le personnage est bien inventé pour l’Iliade et lié très intimement au thème de la colère d’Achille (« Ilias und ‘Patroklie’ », Hermes 111, 1997, p. 1-17, repr. dans H. Erbse, Studien zur griechischen Dichtung, Stuttgart, 2003, p. 44-58. 10. P. Wathelet, Dictionnaire des Troyens de l’Iliade, Liège, 1988 (Documenta et instrumenta, 2 vol.), et Les Troyens de l’Iliade. Mythe et Histoire, Liège-Paris, 1989 (Diffusion Belles Lettres). 11. G. Nagy, The Best of the Achaeans (1979) a été traduit en fr. : Le Meilleur des Achéens. La fabrique du héros dans la poésie grecque archaïque, Paris, Seuil, 1994 ; ce n’est pas le cas de S. Schein, The Mortal Hero. An Introduction to Homer’s Iliad, Berkeley, UCP, 1984. 3 La Patroclie, exploits et mort du héros (Iliade XVI) 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 80.118.233.132 - 12/06/2013 02h02. © Les Belles lettres Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 80.118.233.132 - 12/06/2013 02h02. © Les Belles lettres Les scènes typiques qui composent la Patroclie Mis à part le dialogue entre Patrocle et Achille du vers 1 au vers 101 – suivi d’une courte transition expliquant l’ab- sence d’Ajax (102-111) –, qui n’a guère de parallèle dans le reste de l’épopée, l’ensemble du chant se laisse en effet découper de la manière suivante, correspondant à diverses scènes typiques indiquées entre parenthèses : v. 112-113, appel aux Muses (rappelant le proème de l’Iliade I, 1-7 et la demande du Catalogue au chant II, 484-493) v. 114-124, reprise de la bataille, le danger pour les Achéens s’aggrave v. 124-129, décision d’Achille v. 130-154, armement de Patrocle (cf. III, 330-338 : arme- ment de Pâris ; XI, 17-46, armement d’Agamemnon ; XIX, 367-395, armement d’Achille ; il faut mettre à part la scène d’équipement d’Ulysse et Diomède dans la Dolonie à cause de son caractère d’expédition nocturne, non conforme au modèle du combat héroïque) v. 155-224, équipement des Myrmidons et injonctions d’Achille v. 225-255, rituel religieux constitué essentiellement par une prière à Zeus, que le dieu entend ; mais sa réaction com- porte une menace tragique v. 257-283, mise en route et discours de Patrocle aux troupes v. 284-418, première partie des exploits de Patrocle et de ses compagnons dans un combat de mêlée : catalogue de morts (26 tués si j’ai bien compté, avec une accumulation de 10 personnages dans les seuls vers 415-418). v. 419-529, entrée en scène de Sarpédon, son combat avec Patrocle et sa mort, malgré la douleur qu’en éprouve Zeus : deuxième partie des exploits de Patrocle, en com- bat singulier (cf. les combats singuliers entre Ménélas et Pâris au chant uploads/Litterature/ patrocle.pdf