Per Aage Brandt Mundus in fabula Résumé : Umberto Eco a contribué substantielle
Per Aage Brandt Mundus in fabula Résumé : Umberto Eco a contribué substantiellement à la vie académique et mondaine de la sémiotique par son enseignement et ses écrits. Son Lector in Fabula peut éblouir par sa technicité, mais présente malheureusement trois grandes faiblesses selon l'auteur de cet article, celle de faire comme si le lecteur était l'observateur d'un objet textuel et non l'énonciataire de la voix du texte ; celle de mal saisir ce qu'est un monde narratif ; et celle de ne pas reconnaître le fonctionnement sémantique de l'absurde dans le Drame bien parisien. 1. Urbino : la diégèse sur l'herbe. En juillet 1977, Umberto passait, avec son groupe d'étudiants, un certain temps au soleil sur la pelouse devant l'entrée du Colle, à Urbino, où le Centro di Semiotica et di Linguistica tenait, sous la direction du Professore Pino Paioni, ses précieux et inoubliables colloques annuels. Un après-midi, je me promenais ainsi entre deux séances, en compagnie du sémio-mathématicien Pierre Raccah, quand le futur auteur de Lector in Fabula nous appela et nous invita à participer à la discussion en cours sur un certain texte d'Alphonse Allais. Quand on nous invita à donner notre avis sur le récit, après lecture, je me souviens d'avoir avancé une esquisse d'analyse diégétique, vite mise en diagramme par Pierre. Car les sémioticiens font des diagrammes, ils pensent que c'est efficace pour le dialogue. La sémiotique de la diégèse était mon nouveau projet1 ; c'est un modèle narratif inspiré par la narratologie d'A.-J. Greimas, mais plus directement fondé sur les échanges intersubjectifs et lié à une certaine conception de l'énonciation. Il y a ainsi un sujet inscrit dans un échange contractuel, mais qui entre en crise par l'émergence d'un contre-contrat (par exemple de séduction). La crise devient catastrophe quand l'agent contre-contractuel, ou le séducteur, se transforme en monstre ou autrement, en agent de la mort. Le sujet doit alors rompre entièrement son contrat et faire face au réel, à la " vérité ", sous la forme de sa propre mort, pour finalement réapparaître dans un état post-catastrophique lui conférant le statut de sujet discursif, 1 Ce projet devait aboutir à ma première thèse de doctorat d'Etat, Sandheden, Sætningen og Døden. Semiotiske aspekter af kulturanalysen (La vérité, la phrase, la mort. Aspects sémiotiques de l'analyse des cultures), Aarhus 1983. Elle fut suivie par ma seconde thèse d'Etat, La charpente modale du sens (1987, publiée en 1992), où la mathématisation change le sens du terme de catastrophe, puisque les échanges sont désormais modélisés à partir d'une lecture sémantique des topologies dynamiques proposées par René Thom. 1 c'est-à-dire celui du narrateur. C'est ce discours, fondé sur l'énonciation post- catastrophique, qui sera le lieu du sens implicite ou explicite du récit. Ainsi, une continuité est établie entre l'énoncé narratif et son l'énonciation, à l'encontre de ce que propose la narratologie classique ; les deux niveaux que celle-ci avait établis en séparant le narrant et le narré se relient en boucle, à travers les quatre positions diégétiques : contrat (P1), crise (2), catastrophe (P3), discours (P). Appliqué au récit d'Alphonse Allais, Un drame bien parisien, ce modèle, formulé en termes de carrés sémiotiques dynamiques, d'échanges, prenait alors à peu près la forme suivante. (Figure 1) Les échanges P1 se déstabilisent en P2 (Raoul, R*, jaloux, devient menaçant2), pour ensuite se " radicaliser " en évasions et en disparition potentielle. C'est cette expérience, le passage par la mort potentielle, ou même réelle, qui fait du sujet un sujet d'énonciation, à la première personne3 ou à la troisième personne, comme un narrateur olympien et impersonnel. Le parcours P1 —> P4 forme une boucle, puisque c'est P4 qui raconte P1 etc. C'est-à-dire, paradoxalement, que la voix du narrateur, sans laquelle il n'y aurait pas de contact intentionnel avec un énonciataire, un lecteur, provient de la fin de la fabula, mais apparaît dès son commencement. Raccah proposait, pour mettre au premier plan cette idée, de représenter le parcours comme un cercle, une spirale, ou un carré positionnel orienté. On l'appelle omnisciente, cette voix narrante, quand elle est impersonnelle, mais il suffirait de la voir émerger de la diégèse pour comprendre qu'elle 2 Marguerite se jette dans les bras de Raoul pour se protéger contre Raoul* ! Cette asymétrie nous permet de faire de Marguerite le sujet diégétique central, alors que son partenaire est un peu plus " hors de lui ", préfigurant la suite, où les deux vont être littéralement " hors d'eux ". 3 Comme cela se voit dans la nouvelle La nuit de Guy de Maupassant, où le protagoniste se noie dans la Seine avant de raconter cette expérience tout en se demandant comment il peut la raconter. 2 est simplement l'issue de la catastrophe qu'elle est en train de raconter, et qui décide du sens du récit.4 Eco avait une approche très différente ; il ne pensait pas du tout à une phénoménologie d'échange de sens entre lector et narrator, puisque pour lui, le lector est un observateur modelé par ce qu'il observe, " le texte ", cet objet langagier empirique, qui est composé de phrases destinées à être interprétées d'une certaine manière par un interprétant, au sens de Peirce, c'est-à-dire par un nouveau signe qui interprète le texte- signe, comme un comportement qui réagit à la perception d'un objet. Il n'y a pas de sens, dans cette doctrine, autrement que dans cette acception pragmatique. Le sens y devient indicible, puisque le signe qui interprète doit être interprété à son tour par un nouveau signe, et ainsi à l'infini, exactement comme chez Wittgenstein, où l'usage défini le sens des mots, et les mots définissent l'usage à leur tour. La sémantique est destinée à disparaître sous cette cascade. Le chapitre " sémiosique " qu'Eco consacre à Peirce dans son Lector, caractéristique de la passion de ces années pour l'arcane d'une sémiotique exempte de sémantique et ainsi, prétendument, sauvée de la tentation idéaliste, au prix d'une obscurité drapée dans une terminologie impénétrable, montre bien ce qui va déterminer ce projet : le signe (texte) renvoie d'une certaine manière à quelque chose pour un autre signe (texte). Cette manière peut être décrite par un troisième signe (texte), et ainsi de suite — suite qui forme une sémiosis infinie. La pragmatique textuelle et, en principe, infinie échappe ainsi au sens comme à la phénoménologie du sens. Or la sémiosis infinie peut se rapprocher, asymptotiquement et statistiquement, d'une certaine lecture hypothétique, mais à considérer comme étant la bonne : voilà le lecteur modèle. Ce lecteur modèle possède une compétence encyclopédique suffisante et peut identifier et retenir un topic correspondant à celui du texte, deux idées chères à Eco, et le lecteur " collabore " mystérieusement avec le texte, ou plutôt avec son auteur présumé, pour permettre à cet objet langagier de signifier quelque chose, au lieu de rien ou de n'importe quoi. Jusque-là, on ne sait pas très bien comment il fait, ce lecteur modèle " in fabula " (plutôt que " in realitate "). Mais c'est alors, après un certain nombre de 4 Le sens du titre de Brandt 1983, " La vérité, la phrase, la mort... " était précisément de renvoyer à ce principe selon lequel la voix narrante qui dit la vérité du récit, ou " ce que le texte pense ", est une trace du sujet qui meurt réellement ou symboliquement dans la phase catastrophique du parcours (P3). Eco distingue le sujet de l'énoncé (le je protagoniste ou spectateur) du sujet de l'énonciation. Selon le principe de la voix diégétique, même la voix impersonnelle émerge de la catastrophe et hérite pour ainsi dire de ce que vit le sujet protagoniste. Il y a continuité entre sujet de l'énoncé et sujet de l'énonciation. 3 pétitions de principe plus insistantes que productives, que surgit, dans la dernière partie du livre, un nouveau moyen de retrouver une sémantique textuelle. 2. Les mondes possibles. Pendant ces années-là, on commence, en sémiotique, à soupçonner que les modalités jouent un rôle important dans la constitution du sens. Chez le semi-saussurien Greimas, ce sont les énoncés modaux (le pouvoir/devoir-faire/être) opérant dans le parcours narratif même, qui sont déterminants. Chez les peircéens, dont Eco, c'est au niveau de l'interprétant-lecteur que le modal entre en question. Pour comprendre ce qui se passe dans un récit (et désormais, on décide et fait semblant de croire que tout texte est au fond un récit), il faut saisir ce qui peut ou ne peut pas se passer. C'est ce qui donne lieu au long huitième chapitre de Lector in fabula sur les mondes possibles. En logique formelle, le concept leibnizien de monde possible sert à établir une relation, précisément d'ordre sémantique, entre les opérateurs modaux (possible, impossible, nécessaire), les quantificateurs (tout, quelque...) et la négation. On part du principe que ce qui est possible est réellement possible, possible dans le réel, c'est-à-dire que la possibilité est une qualité du monde réel. Si p est possible, le monde permet p sans le rendre obligatoire, pour ainsi dire. Or, si le monde contient des possibles uploads/Litterature/ peraagebrandt-mundusinfabula.pdf
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- Publié le Aoû 28, 2022
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