Bulletin Hispanique A propos de Ramón de la Cruz Annette Bertaux Citer ce docum
Bulletin Hispanique A propos de Ramón de la Cruz Annette Bertaux Citer ce document / Cite this document : Bertaux Annette. A propos de Ramón de la Cruz. In: Bulletin Hispanique, tome 38, n°2, 1936. pp. 166-172; doi : https://doi.org/10.3406/hispa.1936.2720 https://www.persee.fr/doc/hispa_0007-4640_1936_num_38_2_2720 Fichier pdf généré le 30/11/2018 A PROPOS DE RAMÓN DE LA CRUZ M. Eany a' longuement étudié l'œuvre de Ramón de la Cruz, attiré sans doute par le goût d'un pittoresque dont il est privé chez lui et qui fit venir vers nous tant de citoyens d'un monde plus déshérité à ce point de vue. Intellectuel et érudit, c'est à la littérature qu'il demande ce pittoresque. Aucun écrivain ne pouvait mieux le satisfaire que Ramón de la Cruz. Avant M. K., rien sur cet écrivain, que la biographie si sérieuse et documentée de M. Cotarelo (actuellement secrétaire perpétuel de la Academia Española), qui dut vaincre l'énorme difficulté de défricher un terrain complètement vierge, mais eut aussi un plaisir enviable, celui de la découverte. On ne connaissait guère plus, de Ramón de la Cruz, que le nom; de son énorme succès passé il ne restait qu'une figure entourée de légende : personnage si représentatif de son époque, qu'il prit place, parmi ceux qu'il créa, parmi les petimetres et les majos, dans la célèbre zarzuela de Picón, Pan y Toros, dans une autre intitulée Pepe Hillo Enfin il devint le personnage principal d'un drame tel que D. Ramón de la Cruz d'Emilio Alvarez, rempli de « cosas ridiculas », affirme M. Cotarelo (op. cit., p 233, note 2), mais qui témoigne de son immense popularité. Cependant son œuvre était oubliée sauf peut-être de ceux qui s'en servaient pour l'imiter. Depuis l'édition de Duran et d'autres qui reproduisaient à peu près toujours les mêmes œuvres, seule, en 1915, l'édition de M. Cotarelo dans la 1. Charles E. Kany, Life and Manners in Madrid (1750-1800). University of California Press, Berkeley, California, 1932; in-i°, 483 p.; § 7,50. A PROPOS DE RAMÓN DE LA CRUZ 167 N. B. A. E., faisait connaître 88 saínetes nouveaux pour la plupart, et 2 zarzuelas inédites. M. Kany voulut à son tour faire connaître quelques-uns des nombreux saínetes qui restaient inédits. En 1924 il en publia cinq dans la Revue Hispanique (t. LX), dont trois se trouvent aujourd'hui au 2e volume édité par M. Cotarelo dans la N. B. A. E., en 1928. En 1925, M. K. fit paraître en un petit volume Ocho saínetes inéditos de D. Ramón de la Cruz (six d'entre eux trouvèrent place également dans le 2e volume de la N. B. A. E.). Enfin en 1919 la Rev. Hisp. donnait Más saínetes inéditos de D. Ramón de la Cruz (il y en a neuf). Entre temps, en 1926, M. K. avait mis à la portée de ses étudiants Five saínetes of Ramón de la Cruz, parmi les plus célèbres, accompagnés d'une introduction et de notes explicatives. Aujourd'hui M. Cotarelo prépare deux nouveaux volumes de saínetes pour la N. B. A. E.; ajoutés aux 162 saínetes et loas déjà publiés dans cette collection, ils porteront le total des saínetes mis désormais à la portée du public à un nombre assez voisin des 450 saínetes connus. Il restera une infinité de Idas, de zarzuelas, et combien de tonadillas ! dont nous ne saurons jamais lesquelles sont de Ramón de- la Cruz, puisque l'usage voulait alors qu<» dans ce genre le nom du poète s'effaçât devant celui du compositeur. M. Kany aura contribué pour une part à faire connaître l'œuvre du grand sainetista... Il s'est laissé guider, la plupart du temps, dans le choix des œuvres, par les indications dont M. Cotarelo accompagne le catalogue complet et critique des œuvres de Cruz à la fin de son D. Ramón de la Cruz y sus obras. A cette biographie dont quelques points restent encore obscurs il est à peu près impossible aujourd'hui d'ajouter le moindre complément. Les documents manquent. La bibliographie de M. Cotarelo est on ne peut plus claire et complète. Mais toute l'étude critique de l'œuvre de Ramón de la Cruz reste à faire. Ce qui a toujours frappé le spectateur ou le lecteur, c'est la valeur documentaire et historique de son théâtre. Ce n'est pas aujourd'hui que l'on a dit « El que quiera conocer a fondo las costumbres españolas en el 168 BULLETIN HISPANIQUE s. xviii estudie el teatro de Don Ramón de la Cruz, las poesías de Iglesias y los Caprichos de Goya » (Somoza). Et depuis, Fitz- maurice Kelly lui rendit justice en affirmant : « il a rédigé des documents historiques (Lit. Esp., 1913, p. 399-400); nous sommes mieux renseignés sur la vie de l'Espagne par El Prado por la Noche et Las Tertulias de Madrid que par un monceau de chroniques sérieuses ». Point n'est besoin de tels jugements d'ailleurs. Ces réflexions sont spontanées et inévitables. Avant M. Kany, un de ses compatriotes, M. Arthur Hamilton, eut l'idée d'écrire A study of Spanish Manners (1750-1800) ¡rom the plays of Ramón de la Cruz. (August 1926.) Il est évident que c'était là une conception étroite et peu critique du sujet. Si Ramón de la Cruz nous le fait concevoir et donne même la plupart des éléments nécessaires pour le traiter, on sent tout de suite qu'il ne peut y suffire, qu'on ne peut d'après lui seul brosser un tableau de la vie et des mœurs à cette époque; que tout au moins la nécessité s'impose de vérifier chez d'autres écrivains pour la plupart satiriques comme lui, dans les récits de voyage si nombreux dans les journaux du temps, dans les archives historiques enfin, la véracité de ses peintures. Ce sont bien là les trois sources auxquelles a puisé M. Kany pour faire ce livre, si attrayant par sa présentation et ses illustrations. Il s'est même si bien laissé séduire par le côté historique de son sujet que Ramón de la Cruz est devenu simplement une source parmi les autres. Après la Préface, on l'abandonne presque totalement, à travers les chapitres qui décrivent le Madrid des Bourbons... aussi est-on un peu surpris par la suite de rencontrer de si longues citations de lui. A-t-on affaire à un ouvrage historique ou littéraire ? On ne sait plus. Mettant en avant dès le début D. Ramón de la Cruz, M. Kany permettait au lecteur de s'attendre à tout autre chose. Tel qu'il est, ce livre est, avons-nous dit, des plus attrayants, grâce à la très grande abondance, au choix exquis, à l'éloquence des gravures en grande partie inédites dont il est orné, ainsi qu'à la finesse de leur reproduction. Les premiers chapitres qui décrivent la ville, ses anciennes A PROPOS DE RAMÓN DE LA CRUZ 169 limites, ses alentours, ses promenades, ses monuments, les endroits les plus fréquentés, sont passionnants pour qui connaît et aime Madrid, pour qui est curieux de son histoire. Trois plans les illustrent : l'un, d'Alvarez Baena, représente les anciennes limites de la ville et ses portes (1786); un autre, do 1706, de la collection du Musée Municipal, est un peu ancien pour l'époque qui nous intéresse; et le dernier, tiré des Voyages en Espagne de Bourgoing (1789), est malheureusement trop petit. Nous avons cependant vu, au Musée Municipal, un plan daté du règne de Charles III, de grandes dimensions : la ville y est divisée en barrios 'diversement coloriés et l'on voit s'y détacher nettement les barrios bajos et altos immortalisés par tant de saínetes ! Nous félicitons d'autre part M. Kany de nous avoir donné un schéma très suggestif de l'ancienne Puerta del Sol," avec l'emplacement exact des.Gradas de San Felipe et autres lieux célèbres, ainsi qu'un pointillé indiquant le contour actuel de ce. cœur de Madrid. Pour illustrer son livre, M. Kany a largement exploité les trésors du Musée Municipal, présenté avec tant de goût et qui n'avait encore-que deux ans d'existence lorsque parut le livre. Nous y retrouvons divers aspects du vieux Madrid, gravés ou peints, que nous y avons admirés, les peintures de Bayeu, les petits personnages de la collection anonyme des Pregones de Madrid. Nous y trouvons aussi des Goyas du Musée du Prado et de nombreux emprunts faits au recueil de Juan de la Cruz, frère de Don Ramón, Colección de Trajes de España. Vraiment le goût des types populaires était un apanage de la famille. M. Kany n'a-t-il pas remarqué au Musée Municipal la collection, si curieuse aussi et saisissante, des types plus spécialement madrilènes peinte par un certain Manuel de la Cruz, qui, sans que l'on sache de quelle manière, passe pour un neveu du graveur Juan de la Cruz ? Serait-ce un fils de Ramón ? Mystère qui mériterait d'être scruté. En tous les cas, ses légères et malicieuses aquarelles illustreraient délicieusement les saínetes. A côté des marchands des rues, on y voit la petimetra; on y voit aussi Chinita, le fameux gracioso, interprète et personnage préféré du saine- 170 BULLETIN HISPANIQUE tista, et telle actrice alors applaudie, tous deux dans un de leur rôle. Nous ne les trouvons uploads/Litterature/ persee-a-propos-de-ramon-de-la-cruz.pdf
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- Publié le Nov 01, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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