Comprendre le monde qui vient ESPRIT La société ouverte ? L’ouverture réelle Fr
Comprendre le monde qui vient ESPRIT La société ouverte ? L’ouverture réelle Frédéric Worms La clôture de l’Europe Camille Riquier Janvier 2017 N°431 Abécédaire critique Capitalisme - Anselm Jappe - Cosmopolitisme - Michaël Fœssel Curiosité - Marcel Hénaff - Droits de l’homme - Antoine Garapon - École Denis Kambouchner - Écologie - Lucile Schmid - Église - Ariadna Lewańska - Europe - Céline Spector - Europe (vue de l’Est) - Povilas Aleksandravičius Exclusion - Paul Dumouchel - Frontières - Astrid von Busekist Guerre et paix - Frédéric Gros – Hospitalité - Yves Cusset Internet - Emmanuel Alloa - Liberté d’expression - Vincent Delecroix Mondialisation - Jean Vioulac - Open society - Anne-Lorraine Bujon Religion - Olivier Roy - Universel - Elie During - Université - Alain Renaut Décembre 2018 N° 450 Comprendre le monde qui vient ESPRIT Fragiles vérités Le réel inquiété Myriam Revault d’Allonnes Peut-on lutter contre les fake news ? Daniel Innerarity La force du baratin Philippe de Lara Internet ou le pluralisme radical Romain Badouard Frontières et déchets d’hommes. Autour d’Achille Mbembe L’affaire Anna Stubblefield – Pour une société post-carbone Les sciences en histoires courtes – Le clergé à l’écran en Pologne Caravage à Rome ET AUSSI… ESPRIT 212, rue Saint-Martin, 75003 Paris www.esprit.presse.fr Rédaction : 01 48 04 92 90 - redaction@esprit.presse.fr Ventes et abonnements : 03 80 48 95 45 - abonnement@esprit.presse.fr Fondée en 1932 par Emmanuel Mounier Directeurs de la rédaction Antoine Garapon, Jean-Louis Schlegel Rédactrice en chef Anne-Lorraine Bujon Secrétaire de rédaction Jonathan Chalier Responsable de la communication Edouard Chignardet Conseil de rédaction Hamit Bozarslan , Carole Desbarats, Anne Dujin, Michaël Fœssel, Emmanuel Laurentin, Camille Riquier, Lucile Schmid Comité de rédaction Olivier Abel, Vincent Amiel, Bruno Aubert, Alice Béja, Françoise Benhamou, Abdennour Bidar, Dominique Bourg, Fabienne Brugère, Ève Charrin, Christian Chavagneux, Guy Coq, François Crémieux, Jacques Darras, Gil Delannoi, Jean-Philippe Domecq, Élise Domenach, Jacques Donzelot, Jean-Pierre Dupuy, Alain Ehrenberg, Jean-Claude Eslin, Thierry Fabre, Jean-Marc Ferry, Jérôme Giudicelli, Nicole Gnesotto, Dick Howard, Anousheh Karvar, Hugues Lagrange, Guillaume le Blanc, Erwan Lecœur, Joseph Maïla, Bernard Manin, Michel Marian, Marie Mendras, Patrick Mignon, Jean-Claude Monod, Véronique Nahoum-Grappe, Thierry Paquot, Bernard Perret, Jean-Pierre Peyroulou, Jean-Luc Pouthier, Richard Robert, Joël Roman, Olivier Roy, Jacques Sédat, Jean-Loup Thébaud, Irène Théry, Justin Vaïsse, Georges Vigarello, Catherine de Wenden, Frédéric Worms Directeur de la publication Olivier Mongin Comprendre le monde qui vient /2 Fragiles vérités Introduction Anne-Lorraine Bujon et Jonathan Chalier p. 34 Le réel inquiété Entretien avec Myriam Revault d’Allonnes p. 38 La force du baratin Philippe de Lara p. 46 Les apories de la lutte contre les fake news Daniel Innerarity p. 55 L’âge de la bêtise Raffaele Alberto Ventura p. 62 Internet ou le pluralisme radical Entretien avec Romain Badouard p. 70 L’enseignant en porte-à-faux Nicolas Léger p. 77 À plusieurs voix L’épouvantail mondialiste Manuel Lafont Rapnouil p. 10 La monarchie saoudienne et l’affaire Khashoggi Fatiha Dazi-Héni p. 13 Ma tante est-elle fasciste ? Amanda Dias p. 16 En Arménie, un défi, trois enjeux Gaïdz Minassian p. 21 Santé : annonces et silences François Chapireau p. 25 La provincialisation de la province Jacques-Yves Bellay p. 28 3/ Varia Que valent les bonnes intentions ? Alice Le Goff et Livia Velpry p. 118 La réparation du monde Corine Pelluchon p. 132 Cultures Poésie / Jean-Pierre Siméon. Une question de vers et de versants Jacques Darras p. 146 Cinéma / Le Procès contre Mandela et les autres Louis Andrieu p. 150 Cinéma / Kler Jean-Yves Potel p. 153 Cinéma / Savez-vous planter les clous ? Les Histoires courtes Carole Desbarats p. 155 Exposition / Caravage à Rome, amis et ennemis Hélène Mugnier p. 160 Livres p. 163 Brèves / En écho / Avis p. 181 Auteurs p. 188 Frontières et déchets d’hommes Introduction Nadia Yala Kisukidi p. 84 La démondialisation Achille Mbembe p. 86 Le nom « Noir » et son double Nadia Yala Kisukidi p. 95 La raison nègre et le corps d’extraction Orazio Irrera p. 100 Démocratie suicidaire Elsa Dorlin p. 106 Monde zéro, accélération et inimitié Catherine Coquio p. 111 55/ Les apories de la lutte contre les fake news Daniel Innerarity L es technologies rendent possibles certaines choses et nous laissent sans protection face à d’autres. La volonté qu’affichent l’8nion européenne et certains gouvernements de contrôler les fausses informations trouve son origine dans l’ambivalence caractéristique des nouveaux modes de diffusion de l’opinion, à la fois faciles, immédiats et dépourvus de tout contrôle. Nos espaces publics, qui ne sont pas solidement structurés au niveau idéologique et qui restent faiblement institutionnalisés, sont particulièrement démunis face aux rumeurs, lesquelles vont parfois jusqu’à interférer avec les processus électoraux. Même s’il y a là de véritables motifs d’inquiétude, les réglementations ne sont cependant pas toujours une solution efficace. Certaines d’entre elles peuvent même présenter de graves inconvénients. On a pu le constater lorsque certains ont prétendu limiter la liberté d’expression sans garantir suffisamment le respect d’autres valeurs fondamentales, la vérité en particulier. Un monde d’approximations La première chose qui attire mon attention dans la croisade contre la post- vérité et les faits dits alternatifs est le changement culturel qu’elle repré- sente. En peu de temps, on est passé de la célébration de « l’intelligence collective » d’Internet à la crainte de la manipulation par une minorité ; du monde imaginé comme un espace tissé par des bénévoles à celui peuplé de haters ; des hymnes à la gloire des nouvelles possibilités de collaboration numérique à la paranoïa complotiste ; de l’admiration pour /56 Daniel Innerarity les hackers à la condamnation des trolls ; de l’utopie des usagers créatifs à l’explication de nos défaites électorales par l’ingérence de pouvoirs extérieurs (tout particulièrement lorsqu’il s’agit de la Russie). L’apparition récente des fact-checkers, ces journalistes professionnels chargés de la vérification des faits dans les discours des personnalités politiques, est une réaction particulièrement saine, compte tenu de la facilité avec laquelle on peut, aujourd’hui, mentir et diffuser les men- songes. Pour que le débat public soit de qualité, il ne suffit pas que les faits auxquels on se réfère soient vrais. En revanche, nous pouvons être sûrs que si ces références sont complètement erronées, aucune discussion démocratique n’est possible. Hannah Arendt soulignait que la difficulté que nous rencontrons dans la quête de l’objectivité n’est pas une raison pour supprimer les lignes de démarcation entre les faits, les opinions et les interprétations, ni une excuse pour manipuler les faits. ,l existe évidemment des mensonges flagrants et des menteurs com- pulsifs qui méritent d’être dénoncés par tous les moyens que les médias et la justice nous offrent. Mais je suis surtout préoccupé par la dégradation plus subtile de la vie politique favorisée par ceux qui se méfient de la rhétorique, parce qu’ils ne voient en elle que l’usage que les menteurs en font. Je fais référence à la façon dont nous comprenons notre rapport au réel et la place qu’occupent le mensonge et la vérité dans la vie politique. Notre relation à la vérité, tout spécialement dans le domaine politique, est plus complexe que ne le voudraient ceux qui la considèrent comme un ensemble de faits incontestables. Nous ne vivons pas dans un monde d’évidences, mais dans un environnement marqué par l’ignorance, le savoir provisoire, les décisions et les paris risqués. La vérité n’est pas la même chose que l’objectivité ou l’exactitude. Presque rien de ce que nous disons ou sentons n’est vérifiable. Si la vérité, lorsque nous l’interprétons dans le sens de l’objectivité, ne nous est que très peu utile, c’est parce que nous ne vivons pas dans le monde de la clarté et de la distinction, mais dans celui de l’approximation ; nous nous mouvons parmi les interpréta- tions, dans le champ intermédiaire de la production des faux-semblants, de la séduction, de la mise en scène et de la manipulation des appa- rences. Il est rare que ce que nous disons, en politique, renvoie à des faits vérifiables en règle générale, nos discours expriment plutôt des désirs, misent sur des alternatives, mesurent les opportunités et les risques. Les énoncés politiques évaluent des situations plutôt qu’ils ne les décrivent. 57/ Les apories de la lutte contre les fake news La politique, comme la vie, a une dimension affective et nos émotions – même si elles sont plus ou moins raisonnables et reposent sur des informations plus ou moins fiables ² ne se rapportent que très indirec- tement à l’objectivité. Certes, les passions humaines ne sont pas tota- lement ingouvernables, elles peuvent même avoir une valeur cognitive. Mais une agence publique chargée de combattre les fausses informations ne peut en aucun cas se porter garante ou dénoncer la teneur de vérité de ces émotions. Que serait la politique si les hommes et femmes poli- tiques ne pouvaient plus recourir à une certaine exagération rhétorique, sans laquelle il est impossible de mobiliser qui que ce soit ? Et comment peut-on mesurer l’objectivité d’un appel à la résistance, à l’espoir ou à la prudence ? Le langage politique est davantage de l’ordre de la pres- cription que de l’analyse. uploads/Litterature/ peut-on-lutte-contre-les-fake-news.pdf
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- Publié le Mai 10, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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