UNIVERSITÉ DE TOULOUSE − JEAN JAURÈS UFR DE LETTRES, PHILOSOPHIE ET MUSIQUE DÉP

UNIVERSITÉ DE TOULOUSE − JEAN JAURÈS UFR DE LETTRES, PHILOSOPHIE ET MUSIQUE DÉPARTEMENT DE LETTRES MODERNES, CINÉMA ET OCCITAN MÉMOIRE DE RECHERCHE Pour l’obtention du Master Lettres – Métiers de la recherche LETTRES MODERNES SECTION LITTÉRATURE GÉNÉRALE ET COMPARÉE POÉSIE ET GUERRE, Poèmes de temps de guerre de Louis Aragon, Paul Éluard et Pablo Neruda Sous la direction de Mme Delphine Rumeau Présenté par Sabine Sarny Juin 2017 REMERCIEMENTS Je tiens à remercier Mme Rumeau pour ses conseils qui m’ont permis de prendre de la hauteur et de la distance par rapport à mon travail, pour nos échanges et sa disponibilité. POÉSIE ET GUERRE Poèmes de temps de guerre de Louis Aragon, Paul Éluard et Pablo Neruda SOMMAIRE Introduction 7 Première partie : Une double rupture 13 CHAPITRE 1 : Impact de la guerre sur la poésie 14 CHAPITRE 2 : Poèmes de guerre, des arts poétiques ? 29 Seconde partie : Représenter la guerre 45 CHAPITRE 1 : Une poésie historique 46 CHAPITRE 2 : Poésie de témoignage, une description subjective du réel 69 Troisième partie : Poésie, utilité, efficacité 86 CHAPITRE 1 : Une poésie armée d’effets ? 87 CHAPITRE 2 : L’intertextualité pour plus d’efficacité 105 Conclusion 128 Bibliographie 134 Table des matières 141 Il n’y a rien d’essentiel à créer Que la vie toute entière en un seul corps Paul Éluard, « D’un seul poème entre la vie et la mort » 7 INTRODUCTION Le lien entre poésie et guerre n’est pas nouveau. Dans l’Iliade, Homère, l’aède, raconte en vers les combats qui rythment la guerre de Troie. Il existe une relation originelle entre ces deux notions. Au fil des siècles, la poésie explore son rapport avec la guerre et par extension le politique. Au XVIe siècle, pendant les guerres de Religion, Pierre de Ronsard prend position pour la cause catholique alors qu’Agrippa d’Aubigné prend la défense des protestants. La place politique du poète est bien existante. Un réel pouvoir est attribué aux poètes à tel point que les politiques « se méfient profondément de la poésie et font tout ce qu’ils peuvent pour attirer les poètes à leur service »1. Dès lors, qu’en est-il au XXe siècle ? La poésie a-t-elle un pouvoir efficace ? Les guerres jalonnent le XXe siècle. Dès la Première Guerre mondiale la poésie française, allemande ou encore anglaise accompagnent les conflits. Apparaissent alors plusieurs cas de figure. La Première Guerre mondiale « révèle des vocations, sinon des talents. […] On ne compte plus les combattants devenus poètes, le temps d’un poème ou d’un recueil, et dont l’occupation habituelle est étrangère à l’écriture »2. De même, « beaucoup de poètes devenus combattants continuent d’écrire des poèmes » 3 ; c’est notamment le cas de Guillaume Apollinaire qui meurt en 1918. Ce qui semble avant tout réunir ces hommes c’est leur double occupation ; ils écrivent et combattent. Pour autant tous les textes écrits par ces combattants écrivant sont-ils des poèmes de guerre ? En effet, plusieurs notions qualifient la production poétique de l’époque. Le plus souvent, on rencontre l’expression « poème de guerre »4. On peut considérer que les poèmes de guerre sont des textes qui, non seulement sont écrits par des personnes prenant physiquement part au combat, mais qui choisissent aussi pour thématique poétique la guerre ; on rencontre alors parfois l’expression « poème de tranchée » pour parler de ces textes. Mais plusieurs problèmes se posent. Tout d’abord, il existe des poèmes écrits pendant la guerre qui ne prennent pas pour sujet explicite le combat. Ensuite, des poèmes sont écrits pendant la guerre par des poètes qui ne combattent pas physiquement. Peut-on alors parler de poèmes de guerre ou doit-on seulement parler de poèmes écrits en temps de guerre ? 1 Michel Butor, L’Utilité poétique, Saulxures, Circé, 1995, p. 106. 2 Laurence Campa, Poètes de la Grande Guerre. Expérience combattante et activité poétique, Paris, Classique Garnier, 2010, p. 16. 3 Ibid., p. 17. 4 Ibid., Laurence Campa propose dans son ouvrage un état des lieux concernant l’utilisation de ces expressions. 8 La guerre d’Espagne et la Seconde Guerre mondiale entrainent une production poétique aussi importante que variée. En Espagne, les poèmes écrits pendant la guerre forment le Romancero de la guerra civil1. Paradoxalement, ces poèmes sont caractérisés par un retour à la tradition alors qu’ils défendent un nouvel avenir à la fois politique et poétique. Le poème devient une arme de combat. Parallèlement à l’engagement des poètes espagnols, d’autres poètes s’engagent dans le combat. C’est notamment le cas de plusieurs auteurs latino- américains tels que Pablo Neruda ou encore Cesar Vallejo. Comment ces auteurs, a priori extérieurs au conflit, interviennent activement dans les combats ? De même, quelques années plus tard, on voit la production poétique perdurer en France malgré l’arrivée de la guerre. Avec la défaite française, l’Occupation nazie et la mise en place de la Résistance ; peut-on et doit-on parler de poèmes de guerre, de poèmes de la Résistance ou bien de poèmes écrits en temps de guerre ? Même si la poésie engagée pendant cette période est très présente, tous les poètes n’adoptent pas la même posture. Certains poètes comme Louis Aragon et Paul Éluard allient l’engagement physique dans le combat à l’écriture et à la publication de poèmes. Ils sont respectivement médecin auxiliaire dans une unité de chars de combat puis participant à l’organisation sanitaire des maquis et agent de liaison. D’autres poètes « entrent dans la résistance active »2. René Char « dirige un réseau sous le nom de Capitaine Alexandre »3. Il écrit ses Feuillets d’Hypnos entre 1943 et 1944 mais ne les publiera qu’en 1946, une fois la guerre terminée. D’autres s’engagent en créant des revues poétiques. Ensemble, Pierre Emmanuel et Pierre Seghers créent Poésie 1942. Au contraire, certains poètes décident de ne pas intervenir pendant cette période. Ainsi, André Breton ou encore Benjamin Péret choisissent l’exil. D’autres poètes restent en France mais ne publient pas une seule ligne. C’est le cas de Pierre Reverdy qui écrit dans un feuillet retrouvé, à propos de la production poétique de cette époque : « Pendant quatre ans il n’a été pensé que du silence. Je veux dire que rien de ce que nous avons réellement pensé n’a été écrit ou en tout cas pas publié »4. Il considère même que l’« [o]n n’est pas poète par occasion - tous les poèmes de circonstance sont nuls, aucun ne 1 Claude Le Bigot, L’Encre et la poudre, Toulouse, PUM, 1997. Claude Le Bigot s’interroge aussi sur le caractère hétérogène de la production poétique de cette période : « Est-ce que toute la production poétique […] des années de guerre peut être classée massivement sous le signe du Romancero ? », p. 16. 2 Nathalie Auber et Nicolas Wanlin, « Poésie et politique : poésie engagée », Histoire de la poésie, XIXe-XXe siècles, Paris, PUF, 2014, p. 229. 3 Ibid. 4 Etienne-Alain Hubert, « Le « Bois vert de Pierre Reverdy » », Circonstance de la poésie. Reverdy, Apollinaire, surréalisme, Klincksieck, 2009, p. 231. 9 vaut rien »1. Cette prise de position met en avant les polémiques qui sont apparues pour la plupart après la guerre concernant les poèmes écrits pendant le conflit. Certains poètes remettent en cause la qualité littéraire des textes écrits pendant la guerre. C’est par exemple le cas de Benjamin Péret qui dans Le Déshonneur des poètes, titre qui répond au recueil L’Honneur des poètes, s’attaque à ceux qu’il considère comme étant des « agents de publicité »2. Il explique plus loin pourquoi les poèmes prenant pour sujet la guerre jettent le déshonneur sur leurs auteurs. En réalité, tous les auteurs de cette brochure partent sans l’avouer ni se l’avouer d’une erreur de Guillaume Apollinaire et l’aggravent encore. Apollinaire avait voulu considérer la guerre comme sujet poétique. Mais si la guerre, en tant que combat dégagé de tout esprit nationaliste, peut à la rigueur demeurer un sujet poétique, il n’en est pas de même d’un mot d’ordre nationaliste […]3 Plus tardive, la réflexion de Roland Barthes sur l’engagement en littérature vient prolonger la pensée de Benjamin Péret. Selon Roland Barthes, les poètes engagés seraient de simples « écrivants »4, incapables de travailler leur art, c’est-à-dire le langage. Ainsi, la poésie écrite en temps de guerre interroge et pose plusieurs problèmes. L’efficacité recherchée est-elle atteinte et remet-elle en cause la qualité des poèmes de circonstance ? Jusqu’à quel point le poète peut-il être engagé dans le conflit ? Il s’agira pour nous d’étudier les interactions réciproques entre poésie, poètes et guerre chez Louis Aragon, Paul Éluard et Pablo Neruda. La relation entre Louis Aragon, Paul Éluard et la guerre est d’autant plus forte que le début de leur carrière poétique correspond au premier conflit mondial. Ces deux hommes « entrent simultanément en guerre et en poésie […] [Paul Éluard] adopte son pseudonyme et imprime son tout premier recueil grâce au matériel d’impression de tranchées »5. Leurs vies sont intimement liées à la guerre. Leur première expérience de la guerre, au front, a d’une uploads/Litterature/ poe-sie-et-guerre-utj2-pdf.pdf

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