L'acquisition du langage L’acquisition du langage chez le jeune enfant a souven

L'acquisition du langage L’acquisition du langage chez le jeune enfant a souvent été étudiée sur le versant de la production. Or, la compréhension du langage (1) précède la production, et (2) semble avoir un potentiel prédictif des compétences ultérieures plus important. De plus, un nombre croissant de travaux met en évidence le rôle de fonctions cognitives et exécutives dans le développement du langage. L’étude que nous menons actuellement en parallèle à Genève, San Diego (http://www-rohan.sdsu.edu/~babylab/index.html), Montréal (http://crdh.concordia.ca/dpdlab/Parents.html) et Mexico, grâce au soutien financier de l’US National Institute of Health, porte sur le développement des capacités langagières précoces d’enfants monolingues et bilingues, et sur le rôle de certaines fonctions exécutives dans le développement du langage oral. Dans ce contexte, chaque laboratoire de recherche participant à ce projet a pour objectifs de récolter des données auprès d’au moins 50 participants âgés de 16 mois au début de l’étude et de suivre leur évolution jusqu’à leur 5ème année à des temps expérimentaux précis. A Genève, nous avons débuté cette étude en février 2012. Nous avons déjà récoltés des données auprès de 65 enfants monolingues francophones que nous avons vus lors de leur 16ème, 22ème, 29ème, 36ème et 48ème mois. A la fin du mois de février 2016 nous aurons vu tous les enfants actuellement âgés de 5 ans et allant déjà en 1ère primaire. Nous tenons à remercier chaleureusement les parents et les enfants ayant participé à cette recherche. En effet, la plupart d’entre eux sont venus à tous les rendez-vous malgré les années qui ont passées et les contretemps de la vie. Leur participation sans faille nous a permis de récolter des données longitudinales exceptionnelles que nous allons continuer d’exploiter les années à venir. Résumés FrançaisEnglish L’acquisition du langage est une étape majeure de la vie des enfants. Partout dans le monde, tout enfant apprenant à parler doit se construire, pendant la petite enfance, par lui-même et pour lui-même, ses propres connaissances de la langue afin d’être à même de communiquer. La relation entre les aspects universels de ce processus d’acquisition et les aspects spécifiques d’une langue et d’une culture données est au centre des recherches sur le langage des enfants. Tous les enfants ont accès à un flux continu de paroles comme facteur d’apprentissage d’une langue. Je décris d’abord ici les caractéristiques de ce signal continu, en portant une attention particulière aux différences transculturelles dans les discours adressés par les adultes aux enfants. Puis j’aborde la manière dont les enfants acquérant différents langages segmentent en unités significatives le flux du discours. Enfin, je m’intéresse à la relation entre les développements conceptuel et linguistique. L’acquisition du langage structure fortement l’appartenance à une communauté humaine. Si l'acquisition du langage est encore un événement mystérieux pour le chercheur rompu aux analyses de productions d'enfants, comme pour tout observateur curieux, c'est peut-être parce qu'elle nous ramène à la question des origines. Mais l'origine et le développement du langage chez l'enfant nous renseignent-ils sur l'origine et le développement du langage humain ? L'objet de cet article est de donner un aperçu des théories qui ont cours actuellement, d'en expliquer l'émergence et la spécificité à partir du type de problèmes auxquels elles s'intéressent, et d'en fournir des illustrations qui permettent de comprendre et de circonscrire le champ des recherches actuelles sur l'acquisition d'une (ou plusieurs) langue(s) maternelle(s). ntroduction Si l'acquisition du langage est encore un événement mystérieux pour le chercheur rompu aux analyses de productions d'enfants, comme pour tout observateur curieux, c'est peut-être parce qu'elle nous ramène à la question des origines. Mais l'origine et le développement du langage chez l'enfant nous renseignent-ils sur l'origine et le développement du langage humain ? L'idée que l'ontogenèse pourrait nous éclairer sur la phylogenèse est déjà présente chez les premiers linguistes qui se penchent sur la question -notamment Bühler (1926) qui propose une version modérée de la théorie selon laquelle l'ontogenèse récapitulerait la phylogenèse (Serres, 1824, Haeckel, 1874). Ces hypothèses ont depuis fait l'objet de nombreuses études (Bickerton, 1990 ; Givón 1979 ; Slobin 1977, 1997) avant d'être contredites (Slobin 2004) par le fait que le proto langage de l'enfant doit à l'évidence bien plus au langage dans lequel il s'établit (le langage adressé à l'enfant) qu'à une grammaire primitive universelle (Lieven et al. 1997, Tomasello 1999). Cet argument correspond cependant à un parti pris théorique (cf. infra) et ne met par conséquent pas entièrement fin au débat. Le mystère reste donc entier. – Pour suivre le fil de la découverte, nous partons des observables avant de traiter des hypothèses explicatives. L'objet de cet article est de donner un aperçu des théories qui ont cours actuellement, d'en expliquer l'émergence et la spécificité à partir du type de problèmes auxquels elles s'intéressent, et d'en fournir des illustrations qui permettent de comprendre et de circonscrire le champ des recherches actuelles sur l'acquisition d'une (ou plusieurs) langue(s) maternelle(s). Nous commençons donc par quelques repères développementaux, issus d'observations menées en situation écologique (enregistrement d'interactions réalisé au domicile) ou en laboratoire. Après avoir proposé une réflexion sur le rôle et l'impact des outils théoriques qui visent à expliquer ces développements successifs, nous présentons et discutons les deux champs principaux dans lesquels s'inscrivent les recherches actuelles. Enfin, vous trouverez en annexe une ouverture sur trois débats importants, à travers lesquels se dessinent les frontières entre ces deux types d'approches. Le premier porte sur le statut des variations observées d'un enfant à l'autre, ou d'une culture à l'autre, le second, sur l'apprentissage statistique, et le troisième sur les hypothèses liant perception, cognition et langage. 1. Premiers développements « It thus takes many years of daily interaction with mature language users for children to attain adult-like skills, which is a longer period of learning with more things to be learned -by many orders of magnitude- than is required of any other species of the planet. » Tomasello (2003 : 2.) Il faut plusieurs années, et des apprentissages innombrables, pour qu'un enfant devienne un locuteur compétent de sa langue maternelle. De plus, l'acquisition du langage commence très tôt, puisque le fœtus est sensible à la voix dès six ou sept mois. Afin de donner un aperçu des premiers développements langagiers, voici quelques repères indicatifs, qui restent descriptifs et jamais prescriptifs, même s'ils sont le résultat d'études scientifiques menées sur des cohortes de nourrissons. Et si les grandes étapes esquissées ici correspondent à des développements successifs, ceux-ci peuvent cependant varier, se télescoper, ils peuvent même faire l'objet de « régressions » (pour reprendre le terme anglais utilisé par D.Snow, 2006, en ignorant les connotations différentes qu'il peut avoir en français) au contact de nouveaux acquis ou d'environnements linguistiques différents (Hyltenstam, K & Viberg, A, 1993, Snow 2006) Sur le plan perceptif, on sait aujourd'hui que bien avant la naissance, l'enfant reconnaît et manifeste une préférence pour la voix de sa mère, et que dès le quatrième jour, un bébé distingue sa langue maternelle d'une langue étrangère (de Boysson Bardies, 1996). Il manifeste aussi une sensibilité aux indices prosodiques (rythme, durée, hauteur) et aux contrastes phonémiques. Les premières productions vocales évoluent elles aussi très vite : les cris du nouveau-né, d'abord produits par une contraction spontanée, acquièrent grâce à l'interprétation qu'en fait l'adulte une fonction d'appel, puis se différencie en marques d'étonnement, ou de satisfaction. Au bout de cinq à six semaines, le bébé se met à roucouler après avoir été nourri, il gazouille en se réveillant. « Sur tous ces points, on peut souligner avec J. S. Bruner l'importance certes, d'une communication utilitaire, mais aussi, inversement, celle d'une activité qu'on peut appeler jeu ou source de plaisir, ainsi que l'imitation comme source propre de satisfaction et le fait qu'on va " de la communication au langage " et non pas le contraire. » (F.François, in Bresson et al., 1977). Les développements ultérieurs vont de pair avec celui des interactions de l'enfant avec sont environnement. Entre 3 et 8 mois, le bébé commence à se tenir assis, il suit du regard plus ou moins facilement, ses mains saisissent et lâchent des objets, il reconnaît les visages et les émotions, suit le regard. Le babil augmente et présente une grande diversité : reprise en écho de certaines syllabes, réduplications, qui permettent une exploration du système syllabique de la langue. L'enfant produit alors des enchaînements complexes qu'un adulte a bien du mal à imiter. D'une manière générale, l'enfant manifeste très tôt une étonnante capacité d'imitation de tous comportements vocaux (hauteur de voix, durée des vocalisations peu à peu contrôlée) qui va s'enrichir et se préciser régulièrement. Mais il articule aussi des sons qu'il va bientôt perdre : chez les francophones, il est fréquent d'entendre le /r/ très tôt (les premiers arheu, avec des sons glottaux, souvent dans les premiers mois) puis de voir un enfant le perdre jusqu'à plus de deux ans (Boysson-Bardies, 1996). Ensuite le babil décroit, la variété n'est plus la même. Elle se restreint à quelques alternances consonne voyelle qui correspondent à une exploration systématique des combinaisons syllabiques de la langue maternelle. Les contours mélodiques, eux aussi, ressemblent de plus uploads/Litterature/ psycholinguistique.pdf

  • 13
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager