Bertrand Badie Quand le Sud réinvente le monde Essai sur la puissance de la fai

Bertrand Badie Quand le Sud réinvente le monde Essai sur la puissance de la faiblesse 2018 Présentation Dans Nous ne sommes plus seuls au monde, Bertrand Badie mettait en évidence les blocages d’un ordre international pris au piège de la mondialisation. Il montre ici comment le Sud, largement issu de la décolonisation, réagit à cette situation et, reprenant la main, recompose le système. Jusqu’à la fin de la Guerre froide, la compétition entre puissances a fait l’histoire. Aujourd’hui, non seulement elle est mise en échec, mais la faiblesse, à l’origine de la plupart des conflits (à travers celle des États, des nations institutionnalisées, ou du lien social), définit les enjeux internationaux et produit la plupart des incertitudes qui pèsent sur l’avenir. Le sens de la conflictualité mondiale s’en trouve particulièrement bouleversé. Devenue compétition de faiblesses, elle n’est plus territorialisée, n’oppose plus exclusivement des armées et des États ; peut- être a-t-elle même pour seule finalité de perpétuer des « sociétés guerrières ». Elle produit une violence diffuse, se déplace par rhizome, atteint tout le monde. Les vieilles puissances peinent à l’admettre. Le système international se transforme, inévitablement, sans que les États n’en prennent la mesure : il intègre de nouveaux acteurs et réécrit l’agenda international jusqu’à faire des questions sociales les enjeux majeurs de notre temps (démographie, inégalités, sécurité humaine, migrations). Reste à inventer les remèdes à ces nouvelles « pathologies sociales internationales ». Pour en savoir plus… L’auteur Professeur des universités à Sciences Po-Paris, Bertrand Badie s’est imposé comme l’un des meilleurs experts en relations internationales. Il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages qui font référence. Collection Cahiers libres PARMI LES OUVRAGES DU MÊME AUTEUR Nous ne sommes plus seuls au monde. Un autre regard sur l’« ordre international », La Découverte, Paris, 2016. Un monde de souffrances, Salvator, Paris, 2015. Le Temps des humiliés, Odile Jacob, Paris, 2014. Quand l’Histoire commence, CNRS Éditions, Paris, 2012. La Diplomatie de connivence. Les dérives oligarchiques du système international, La Découverte, Paris, 2011 (nouv. éd., 2013). (avec D. BERG-SCHLOSSER et L. MORLINO), International Encyclopedia of Political Science, Sage, Londres, 2011. Le Diplomate et l’Intrus, Fayard, Paris, 2008. L’Impuissance de la puissance, Fayard, Paris, 2004 (CNRS Éditions, Paris, 2012). La Diplomatie des droits de l’homme, Fayard, Paris, 2000. Un monde sans souveraineté, Fayard, Paris, 1998. La Fin des territoires, Fayard, Paris, 1995 (CNRS Éditions, Paris, 2012). L’État importé, Fayard, Paris, 1992. Les Deux États, Fayard, Paris, 1987. Copyright © Éditions La Découverte, Paris, 2018. ISBN numérique : 978-2-3480-4135-8 ISBN papier : 978-2-348-03737-5 Composition numérique : Facompo (Lisieux), Septembre 2018. Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénale. S’informer Si vous désirez être tenu régulièrement informé de nos parutions, il vous suffit de vous abonner gratuitement à notre lettre d’information bimensuelle par courriel, à partir de notre site www.editionsladecouverte.fr, où vous retrouverez l’ensemble de notre catalogue. Nous suivre sur Remerciements. Je remercie tout spécialement mon ami Dominique Vidal pour l’appui remarquable qu’il m’a apporté dans la réalisation de ce livre qui lui doit beaucoup, en termes de soutien et de conseil. Notre amitié et notre complicité intellectuelle ont été parmi les moteurs de mon écriture ; son aide en a été le support. Je remercie aussi Élisabeth Lau pour son amical et efficace accompagnement dans l’édition du manuscrit. Table Introduction 1. - L’échec de la décolonisation Une occasion manquée Variations contrôlées Un processus entravé par la violence coloniale, les institutions postcoloniales et les libérateurs eux-mêmes Contre-socialisation par l’islam Un nationalisme de combat plus que de projet L’échec de l’« État importé » 2. - Comment le vieux monde résiste au nouveau L’insertion des « intrus » La résistance des organisations internationales Les puissances se replient : l’ère des « clubs » et des groupes Valeurs d’un autre âge et décisions tièdes De nouveaux modes scabreux de domination postindépendances Rapports asymétriques et présidents « clientélisés » 3. - La politique de la faiblesse De la puissance à l’hégémonie « bienveillante » Comment la faiblesse est devenue sujet de l’histoire L’effet de faiblesse La nuisance, nouvelle arme du faible « Pour la première fois dans l’histoire, les moins puissants exigent quelque chose des plus puissants » 4. - Sociétés en guerre et sociétés guerrières Guerres d’hier, conflits d’aujourd’hui L’essor de la déviance, violence sociale internationale Boko Haram, ou la contre-socialisation violente Entre militantisme politique et simple criminalité Les exportateurs de violence Des sociétés guerrières 5. - Interventions d’hier, interventions d’aujourd’hui La transgression de la souveraineté, un certain goût pour le péché Nouveau contexte, nouvelles formules Sociologie d’un échec L’usage de la puissance, ou le cercle vicieux Intervenir par-delà la puissance ? 6. - Réinventer le système international Adaptation douce ou réaction violente Un espace public de discussion métasouveraine Les piliers de la reconstruction Dépolarisation, multilatéralisme réel, intégration sociale,… Conclusion Introduction Le système international est une œuvre humaine qui reproduit de façon troublante les traits les plus courants de la sociologie, voire de la psychologie. Ainsi son histoire est-elle faite de changements subis ou provoqués, de résistances désespérées et de conservatismes invétérés. Comme toujours, cependant, l’audace du changement cède devant la crainte qu’il inspire. Quelques-uns des acteurs ou des observateurs, parmi les plus téméraires, prennent la mesure des transformations qui s’annoncent, mais la plupart préfèrent le déni de réalité. Il faut dire qu’en la matière le conservateur est gâté : notre système international, sa grammaire, ses pratiques, son droit, dans leurs bases, remontent jusqu’à la Renaissance. Certes, de nombreux aménagements sont intervenus au fil des siècles, mais les principes constitutifs restent les mêmes. Pourtant, quand ce système fut pensé, la population mondiale s’élevait à quelque 500 millions d’âmes : on dépasse aujourd’hui les 7,5 milliards. Sa géographie correspondait à celle d’une Europe entourée de terres sinon inconnues, du moins marginalisées, angles morts du jeu international, si l’on excepte le Proche-Orient et ses lieux saints. La communication était rudimentaire, et l’autre était par définition proche… Le progrès technique fit pourtant son œuvre. Les Grandes Découvertes effectuées par les navigateurs ont peu à peu construit un monde fini, et pourtant rien de fondamental n’a changé : le Vieux Continent a rencontré l’Amérique sans modifier ses principes ; il se contenta de s’enrichir de son or et d’élargir le champ de sa domination. Quand vint le tour de l’Asie, celle-ci fut installée dans une périphérie assez hétérogène, où coexistèrent des genres variés de domination européenne, de la simple colonisation à de plus prudentes férules, à l’instar de celle qu’eut à subir la Chine au XIXe siècle, à travers concessions et capitulations, expéditions et trafics de toute espèce. La prudence n’avait pas en revanche le même cours en Afrique, où les Européens mirent au point un régime beaucoup moins subtil de soumission. En fait, jusqu’à la décolonisation, les seuls accommodements concédés au principe d’altérité se limitaient à la reconnaissance formelle qu’on octroyait, avec un hautain mépris, aux rares souverains « barbares » qui subsistaient, et peut-être aussi à l’engouement mondain témoigné par épisodes aux arts d’Asie, à leurs porcelaines et à leurs terres cuites, plus rarement à ceux d’Afrique. L’autre demeurait un simple espace de manœuvre qui permettait l’épanouissement et l’extension de la compétition entre princes européens… Le système international d’alors, dit « westphalien » (du nom de la paix de Westphalie, conclue en 1648, inaugurant un nouveau type d’ordre européen, ancêtre de notre système international moderne) s’ossifiait, se formalisait, se complexifiait, mais restait fidèle à ses principes, faits d’État, de souveraineté, de territorialité et de guerre frontale. Quand vint la décolonisation – qui ouvrait la voie à un monde global – peu de changements furent réellement opérés : les autres furent priés de faire comme nous faisions auparavant. Rien de plus normal en somme, puisque l’Europe avait inventé l’universel. Et ce club que les souverains du Vieux Continent constituaient autrefois était naturellement appelé à se proroger, à renaître, à peine modifié, sous les formes que nous lui connaissons aujourd’hui encore : P5 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies), G7, groupes de contact de toute nature… Rien de décisif n’a été bouleversé depuis le congrès de Vienne (1814-1815) et le Concert européen qui en découla : à l’aube malheureuse de chaque nouveau conflit éclatant à l’un des quatre coins du monde, les vieilles chancelleries continuent à prendre leur air le plus grave et le plus condescendant pour « appeler les parties à la retenue » ; le lendemain, elles décrètent leur plan de paix, pour bientôt exiger puis imposer son exécution. Le résultat de l’éternelle tutelle n’est jamais concluant, mais on recommence dès qu’une nouvelle occasion se présente. Rien ne change dans la pratique internationale, uploads/Litterature/ quand-le-sud-reinvente-le-monde.pdf

  • 30
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager