USAGE IMPLlCITE DEL' 'AL TIQRE DANS LE TARGUM DE JOB DE QUMRÁN? Cette contribut

USAGE IMPLlCITE DEL' 'AL TIQRE DANS LE TARGUM DE JOB DE QUMRÁN? Cette contribution amicale a l'hommage rendu au Prof. Díez Macho tente de mieux déterminer la nature de 11 QtgJob (désormais TQ) en tant que version, en mettant en lumíere un aspect de ses écarts par rapport au TM. La liste de ceux-cí a été bien des fois établie I et une partie seulement nous intéresse ici, a cause des explications qu'on en a donné: "lectures différentes". TQ a été généralement caractérisé comme un targum de type littéral, jugement répété sous bien des formes depuis l'editio prínceps de 19712• Encore faudrait-il s'entendre sur ce que l'on entend par "littéralisme". Une analyse de J. Barr a apporté des précisions utiles en ce domaine, en identifiant les méthodes qui caractérisent la traduction littérale et en montrant qu'une version peut étre a la fois littérale et libre 3• Conclusion qui parait s'applí- quer aussi a TQ qui combine les deux méthodes. Certains auteurs ont · fondé leur jugement sur des comparai- sons globales fort discutables. Ainsi, on n'aura pas d'hésitation a qualifier TQ de "littéral", si on le confronte avec les targums rab- biniques dont certains sont si évidemment paraphrastiques qu'íls se situent á la lísíere du genre midrashique { cf. T II Esther ou T Cant.). En fait, on est en présence de compílations tardives oú les ínterprétatíons successives s'additionnent et font boule de neige; le matériel transmis ne permet plus d'étudier le phénomene de traduction á l'état pur; il s'agít déjá d'interprétation au sens pro- pre. Une comparaison du contenu est encore plus problématique: 1 Ainsi E. W. Tuinstra, Hermeneutische aspecten van de Targum van Job uii grot XI van Qumrán, Díss, (Groningen 1970); Fr. J. Morrow, "11 Q Targum Job and the Massoretic Text": RdQ 8 (1973) 253-256; R. Weiss, Studies in the Text and Language of the Bible (hébreu), Jé- rusalem 1981, 241-244. Pour une Bibliograplhie générale sur IIQTgJob, voir J. A. Fitzmyer/D. J. Harrtngton, A Manual of Palestinian Aramaic Texts (Rome 1978), 195-19,7. 2 J. P. M. van der Ploeg/ A. S. van der wouce, Le Targum de Job de la grotte XI de Qumrán (Leiden 1971); M. Sokoloff, The Targum to Job from Qumran Cave XI, Ramat-Gan 19,74; R. Weiss, Studies 246; J. A. Fitzmyer, A Wandering Aramean (Míssoula 1979). 164 et 174. 3 The Typology of Literalism in ancient biblical translations, oot- tingen 1979 (NAW, I Philologisch-Historische K,lasse), 2179-325. L'exem- ple fameux de littéralisme d'Aquila ('et lu 'it; d'oú aúv) repose en fait sur une technique mídrashíque. Cf. 300. 420 R. LE DEAUT des siecles séparent TQ et la "théologie" des targums postérieurs et un probleme de continuité se pose 4• C'est ainsi qu'on a vraiment beau jeu a comparer TQ et le targum rabbinique (désormaís TR) de Job. Mieux vaudrait done prendre en considération d'autres textes de Qumran (4Q 157, 4Q 1516, avec 1QapGen) et les versions ancíen- nes (d'abord LXX, Onqelos, Peshitta) et chercher á préciser leurs méthodes de traduction. Elles relévent déjá de principes et de techniques qui auront cours, développés et raffinés, dans les écrits rabbiniques. En tout cas, l'usage qui était fait du texte hébreu (TH), avant sa fixation massorétique, montre que l'on ne pourrait s'attendre a la production d'une traductíon, au sens moderne du terme. L'intention des auteurs était bien de traduire, de transposer (trans-latio) le contenu du texte tel qu'ils l'entendaient. Maís leur approche du texte n'était pas la nótre, C'est ainsi qu'une comparaison -entre TM et IQisaª revele I'ímpact de l'herméneutique sur 'ie texte et l'étude des variantes témoigne de la présence constante d'une tradition exégétíque qui finit méme par s'y inscruster 5• S. Talmon 6 a montré, de Iacon convaincante, que ces traditions herméneutiques (que l'on ne voulait pas laisser perdre) se sont perpétuées, en partie par le systerne du Qeré/Ketib {Q/K) et, surtout dans l'exégese aggadique, par la technique de l' 'al tiqré ("ne lis pas... mais ... ") 7• Il note qu'á l'origine l' 'al tiqré était, par définition, en relation avec une va- riante, maís que ce systeme a ensuite dégénéré, ~u point de devenir un pur Spielelement exégétique 8• 4 Cf. P. S. A1Iexander, "Rabbinic Judaisin and the New Testament"; ZNW 74 (198'3) 237-2·46. s Multiples exemples dans E. Y. Kutscher, The Language and the Linguistic Badkground of the Isaiah Scroll, Leiden 1974; J. Koenig, L'herméneuiique analogique du [tuiaisme antique d'aprés les témoins textueis d'Isa'ie (VTSup XXXIII; Leiden 1982) 201-376. · 6 "Double Readings in the Massoretic Text", Textus 1 (1960) 144- 184; "Aspects of the Textual Transmission of tne Bíble in the Light of Qumran Manuscripts", Textus 4 (1964) 95-132 (surtout 12 15-132); "The Old Te-s1Jament T,ext" in Cambridge History of the Bible, I (1970) 186- 189 (= CHB). 7 Cf. H. Torcz,yner, art. Al Tikre, Ene. Judaica, vol. II (Berlín 1928) 74-87; I. Heinemann, Darké ha' Aggiidiih (Les méthodes de l'Aggadah) (Jérusalem 31970) 127-129; C. McCarthy, The Tiqqune Soph.erim. (OBO 36) (Frtbourg-Gotttngen 1981) 139-166 (excellent). Ces interprétations n'ont ríen á voir avec la critique textuelle. Il ne s'agit pas d'offrir une oonjecture meilleure, mais de tirer du texte une signification .supplé- mentaíre en proposant une "autre lecture". 8 CHB, I, 188. Il renvoie ,a I'artícíe capital de I. L. Seeligmann, "Voraussetzungen der Mídraschexegese", in VTSup I (Leiden 1953) 150-181 (fournit aussi de nombreux exemples au níveau de l'A.T. Iuí-méme). L' 'AL TIQRE DANS LE TARGUM DE JOB DE QUMRAN? 421 Parcourant les études déja nombreuses sur TQ, nous avons été frappés par la fréquence de la formule: "le traducteur a lu ... au lieu de ... " (plus de 50 exemples). Parfois il s'agit de lecture différente du méme texte consonantique; parfois on fait appel a un terme tres voisín, hébreu ou araméen. Rarement est posée une question fondamentale: s'agit-il de lecture intentionnelle (auquel cas nous aurions une sorte de 'al tiqré) ou d'une simple erreur? !) Cette derniere explication est insuffisante; les exemples sont trop nombreux. On doit sans doute concéder aux scribes et, a fortiori,. aux traducteurs anciens, une part d'initiative tout a fait [ustiñable a cette période ou un canon proprement dit et un textus receptus n'avaient pas encare fait leur apparition 10• L'auteur de TQ a pu. délibérément mettre a profit la pluralité de sens que l'on attríbuait alors au texte sacré. Pour les découvrir, il a usé de techníques dont I'usage a Qumran est clairement attesté. Le péshér, en particulier,. pratique une exégese par pluralité de lectures, assez proche dans sa nature de I' 'al tiqré rabbínique 11• Il pourrait rendre compte de certaines déviations de TQ 12• Une étude de la Septante, sous cet aspect particulier, a aussi montré 1'existence de ces techniques dans l'oeuvre de traduction et fourni nombre d'exemples, parfois confirmés par la tradition exégétíque postérieure 13• L. Prijs, en particulier, a retrouvé dans le grec toutes les modalités de I' 'al tiqré classique: choix entre mots homophones ou homographes, changement de voyelles ou de consonnes: division d'un mot en plusieurs ou regroupement de 9 On a trop tendance a prendre les scribes anciens pour des ignares, au surplus voyant et entendant mal ("a mal lu", "a mal entendu"), et souvent somnolents. On n'est guére plus bienveillant pour les traduc- teurs! J. Koenig (op. cii., 406) parle de "critique empirico-accidentaliste". ro Cf. S. Talmon CHB I, 1,86; Textus 4 (1964) 12,5; "The Textual Study of the Bíble", in Qumran and the History of the Bib.le-A New Outlook, (ed. F. M. Cross-S. Ta'lmon; Cambridge Mass, 1975) 379. La raison que J. Barr (290) donne du caracbere "free" de LXX-Job/Prov., a savoir qu'ils se situent "near to the edge or the biblical canon", vau- drait aussi sans doute pour TQ. Selon Fitzmy,er (Wandering 165), TQ seraít antérieur á la "canonisation" de Job hébreu. · 11 Cf. W. H. BrownJee, "Bíblícal Interpretation among the Secta- ríes of the Dead Sea Scrolls": BA 14 (1951) 54-7•6; S. Talmon, "As- pects ... " 130-132; M. Fishbane, "The Qumran Pesher and Traits of Ancient Hermeneutics", in Proceedings of the V'h Congress ot Jewish Studies (1973) (Jérusalem 1977) 101-110. 12 Mais nous ri'avons pas vu d'auteur qui aít explicitement rattaché certaines exégáses de TQ a un 'al tiqré. 13 L. Prijs, Jüdische Tradition in tier Septuaginta (Leiden 1948); A. Kaminka, "Studien zur Septuaginta an der Hand der zwolf kleinen Prophetenbücher": MGWJ 72 (1928) 242-273; J. Gray, "The Massore- tic Text of the Book of Job and the Septuagint Version in the Light; of the Qumran Targum (llQtargJob)": ZAW 86 (1974) 331-350. 422 R. LE DEAUT plusíeurs mots en un seul: métatheses: lecture pleine ou défective, etc. 14• Elles 'apparartront dans la liste (íncompléte) que nous pro- posons d'exemples relevés dans divers commentaires sur TQ. Beau- coup de cas mériteraient une étude approfondie. Mais notre but est plus général: découvrir un trait de l'attitude du traducteur face a son texte. Une questíon prélímínaíre se pose dans une comparaison tex- te/versíon: celle de la Vorlage. Pour notre propos, nous pourrons nous contenter de l'accord des spécialistes qui font écho aux édi- uploads/Litterature/ r-le-deaut-usage-implicite-de-l-x27-x27-al-tiqre-dans-le-targum-de-job-de-qumran.pdf

  • 14
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager