TRAVAUX ET DOCUMENTS 37 - 2007 Arts Lettres Sciences Humaines Sciences et Techn
TRAVAUX ET DOCUMENTS 37 - 2007 Arts Lettres Sciences Humaines Sciences et Techniques UNIVERSITé PARIS 8 VINCENNES-SAINT-DENIS L ’extrême fécondité des recherches produites par les enseignants et par les équipes de Paris 8 donne lieu, tant aux Presses Universitaires de Vincennes que dans les éditions nationales, privées ou publiques, à nombre de publications dont beaucoup font date. Mais la volonté d’assurer un échange dynamique et constant entre l’enseignement et la recherche, affirmée avec détermination à la création de notre établissement et mise en oeuvre tout au long de notre histoire, nous conduit à produire également quantité de documents de synthèse, de bilans, des chronologies... Diffusés dans le cadre des équipes ou à l’occasion d’une unité d’enseignement et de recherche, ces travaux demeurent malheureusement trop souvent confidentiels. Il importait de les mettre à la disposition plus large d’enseignants-chercheurs et d’étudiants de notre Université, mais aussi d’autres établissements, à la disposition également de spécialistes d’autres disciplines et plus simplement de lecteurs curieux. C’est ce que propose la série Travaux et Documents. Les textes publiés dans cette nouvelle collection s’adressent, bien entendu, prioritairement à nos étudiants. Ils ne sont pas pour autant des polycopiés classiques, destinés à remplacer un cours non suivi. Leur ambition est au contraire de soutenir un effort d’apprentissage en sollicitant des curiosités nouvelles et en introduisant à une méthodologie et à une démarche de recherche. Au delà, il s’agit de nourrir le débat scientifique et de faciliter les confrontations entre les idées et les disciplines, en permettant à chacun de rencontrer plus en amont les travaux de ses collègues et de découvrir, dans leur jaillissement, les avancées des divers champs d’études et les innovations pédagogiques qui fondent la vitalité de notre université. Nouvelle étape dans la prise en compte de la diversité des publics actuels, cette initiative, qui répond à la vocation pluridisciplinaire de Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, entend participer à l’élargissement que connaissent aujourd’hui les missions de l’Université. Elle sera, nous l’espérons, un moyen d’accroître la diffusion des connaissances et d’amplifier le dialogue intellectuel. Je forme des vo eux pour qu’elle rencontre l’heureux succès qui accompagne d’autres entreprises de notre université. Irène SOKOLOGORSKY Présidente Honoraire de l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis Réécritures de Médée Sous la direction de Nadia Setti Centre de Recherches en études Féminines et études de genre Université Paris 8 Avec la collaboration d’Irina Possamai Table des matières Introduction...................................................................................... 11 Nadia Setti L’invention de Médée. ...................................................................... 25 Claire Nancy L’enjeu de l’autre : Médée d’Euripide ............................................ 37 Ioanna Savvidou La Médée de Sénèque : de la virgo nefas à Medea.......................... 47 Caroline Audrain Quelques Médées tardo-antiques..................................................... 57 Marie Cerati Médée, héroïne galante de Pindare à Corneille Jeux et enjeux dans La Conquête de la Toison d’Or (1660)............ 69 Annie Collognat Hiéroglyphes et écriture énigmatique. Le cycle de Jason et Médée dans les fresques du palais Peloso Cipolla....................................... 87 Roberto Pellerey Médée dans l’art, l’exemple de Jean-François de Troy. ................... 97 Frédéric Dronne Médée dans l’opéra vénitien au XVIIe siècle : mère ou magicienne . .... 107 Françoise Decroisette Rachel, Ristori, Pezzana et la Médée de Legouvé. « La tragedia la più faticosa ch’esista per una prima donna »........................................ 121 Laura Mariani Médée de Pier Paolo Pasolini : la vengeance du sacré................... 139 Angela Biancofiore Pasolini et Médée : Un monde d’avant les Compagnies d’Assurance.............................................................................151 Jean-Paul Aubert De Cherubini à Pasolini, la « Médée » de Maria Callas : un mythe personnel ....................................................................................... 163 Alfred Caron Une poétique de l’extremisme tragique Medea de Lars von Trier. ....171 Massimo Fusillo Médée côté-femmes, Médée côté-hommes. ................................... 181 Michèle Ramond « Borrowed Robes » : Médée, Macbeth, Müller........................... 191 Marie-Dominique Garnier Fuite et utopie : le mythe de Médée chez Heiner Müller et Christa Wolf ................................................................................. 199 Eric Leroy du Cardonnoy Les paroles de Médée : Christa Wolf............................................. 211 Rita Calabrese La dernière Médée. Le mythe dans le théâtre contemporain : un parcours à l’envers......................................................................... 221 Piergiorgio Giacchè Médée, l’étrangère........................................................................ 231 Irina Possamai Le long voyage de Médée jusqu’à nous......................................... 241 Manuela Fraire Une haine nécessaire à la re-naissance : les mères des adolescents............................................................... 245 Gianna Candolo Après-coup « Réécritures de Médée »........................................... 259 Françoise Duroux Bibliographie. ................................................................................. 267 Les auteurs. ..................................................................................... 277 Introduction Nadia Setti Remember, Mηdeia! Elle est toujours là, et elle revient. Décidément on ne peut pas s’en défaire; mille fois chassée, elle résiste, elle lutte, elle se débat. C’est peut-être la figure même du conflit intérieur et extérieur à la fois. Elle suscite la guerre, elle coupe et recoupe, se sépare, part, partage, met les uns contre les autres, jusqu’au plus intime, jusqu’aux viscères. Comment appeler ce qui tranche sœur de frère, mère d’enfant : il n’y a pas de mots pour ce crime, pour ce meurtre ? Il doit y en avoir, tout le monde a tenté de mettre des mots, de dire, de raconter, et puis à nouveau de raconter, de récrire. Une fois ne suffit pas. Il faut recommencer. Mais quoi ? La coupe ? l’assassinat ? Médée est impossible. Aussitôt l’on fait tout son possible pour la rendre possible. Vous voyez, elle est là au milieu de la scène : elle pleure, elle aime, elle est furieuse, la passion extrême jusqu’aux limites et au-delà. Mais elle est imprenable. Prise, elle continue, imprenable. Elle résiste à toutes les prises, à toutes les réécritures. Elle crie sous l’écrit, sous les écriteaux qu’on voudrait lui faire porter. 12 Est-ce cela qui nous attire, où se trouve son aimant caché ? son aimant de magicienne impénitente ? Elle doit avoir un pouvoir caché. Pas le pouvoir de là-haut, celui de la cité, le pouvoir des hommes, mais un autre, celui qu’elle dit avoir perdu lorsque elle a suivi Jason. Séduc- tion, conquête, ou amour d’une femme pour un homme, un héros ? Elle s’est mise en veille, l’étrangère a sommeillé en elle, pendant qu’il lui faisait des enfants, une forme d’auto-hypnose, pour faire croire qu’on a compris les règles de la société, un semblant d’assimilation, de normalisation. Mais elle vit encore en marge de la ville, loin de son centre à elle, qui est loin derrière, au passé. Elle vit parmi ceux qui n’ont pas de omphalos, de mémoire ni d’intérieur ni d’antérieur. En 1970 elle a le visage de Maria Callas, le chant d’une énigme silen- cieuse. La beauté, l’énigme, que la camera est en train de sonder. Si on pouvait regarder, une fois, une seule, cela suffirait, le Mystère (tout en un : l’amour, la passion, la mort). Histoire de femme ? Histoire d’une étrangère : la femme qui autrefois habitait dans l’archaïque féminin est aujourd’hui, dans ce monde de la présence à soi, inimaginable. Dans ce lieu, ici, l’ailleurs ne peut exister. Oublie, Medea, oublie, et dort, berce les enfants, et oublie ta force, ton pays, ton passé, les choses invisibles ici. Mais un jour elle se réveille : il n’est plus là. Le lit est vide, la chambre est vide : le corps érotique a cessé. Cette absence d’amour, de caresses, est insupportable. Jamais on aura entendu de solitude si criante, ce vide esseulé, désolé. Medea est ce cri depuis une désertion. Jason est le nom du déserteur. Il abandonne, elle est abandonnée. Comment rester l’épouse fidèle quand l’aimé se dérobe jour après jour. Il oublie, aussi. Elle redevient étrangère, tous les regards l’expulsent, l’exilent. On n’a pas oublié qui elle est, elle est marquée par cet ailleurs. Mais cela 13 ne suffit pas à la chasser : il faut qu’elle devienne abominable, abjecte, criminelle, coupable. Il n’y qu’à trouver quel est le pire des crimes : l’infanticide, celui qu’aucune femme ne pourrait commettre sans aussitôt en mourir. Comment fabrique-t-on une criminelle ? Christa Wolf montre bien toutes les ficelles du complot : ce parce qu’elle a déjà tué (son frère, Apsirte, Pélias) qu’elle tuera encore. On dit que là-bas on fait encore des sacrifices humains tandis que chez nous, dans le monde civilisé, on ne fait plus de choses pareilles. On dit que. Autour, les récits se multiplient, ce sont là ses véritables murs qui l’emprisonnent dehors : pas de droit d’entrée. Ce n’est pas étonnant qu’elle cherche un droit d’asile. Quand on est femme + étrangère + étrange + métèque comment cela va se terminer ? On dit qu’elle voulait sauver au moins les enfants mais dans la fuite, ils l’ont rattrapée, et ils ont abattu les enfants. Comment dénommer cela : meurtre ? crime ? sacrifice ? par où le sacré, le crime fondateur ? A qui croire ? Le procès recommence, peut-être pour définitivement oublier, pour ne pas oublier, pour ne jamais recommencer, nous-dit- on. Mais ça recommence. Suite d’oublis, d’abandons, d’effacements : Jason l’oublie, elle n’oublie pas, elle rappelle les enfants, elle lui rappelle, puis elle coupe, elle re- tranche dans la chair de sa chair ; cela nous ne pouvons pas l’oublier, tout ce qu’en elle est lui, elle le retranche. Elle pourrait changer de nom. Non. Ego sum Medea. Elle ne résiste pas à la vengeance. Elle ? C’est encore elle qui parle : la destructrice. uploads/Litterature/ reecritures-de-medee-pdf.pdf
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- Publié le Sep 14, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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