REPORTAGE Initiales - Dossier n°24. Je reste convaincu que l’on peut essayer de

REPORTAGE Initiales - Dossier n°24. Je reste convaincu que l’on peut essayer de comprendre et faire comprendre un pays, ses peuples, son histoire, ses drames comme ses bonheurs, en parlant simplement de ceux, et avec ceux, que l’on rencontre le long de la route. A un kilomètre de chez soi ou à mille. Parmi mes grands moments de traducteur, je compte ceux où j’ai traduit les livres de John Reed, qui écrivait au début du XXe – Le Mexique insurgé et la Guerre dans les Balkans – parce que, de ces récits au jour le jour, la vie jaillit, déborde et restitue un monde avec toutes ses couleurs, une humanité dans tous ces états. Ils ne sont pas si nombreux, ces témoins qui ont reçu la grâce de savoir tout exprimer d’eux-mêmes en faisant s’exprimer avant tout les autres.” Francis Maspero Les abeilles et la guêpe 4 Chaque reportage est l’œuvre de plusieurs auteurs, même si une tradition ancienne veut que le texte soit signé d’un seul nom. En fait, le reportage est le genre littéraire le plus collectif qui soit puisque des dizaines de gens – les interlocuteurs que nous rencontrons sur notre route – contribuent à sa création en nous racontant des histoires de leur vie, de leur communauté, des évènements auxquels ils ont participé ou dont ils ont entendu parler. Ces étrangers que nous ne connaissons pas toujours bien sont pour nous une inépuisable source de connaissance, mais ils nous aident aussi dans notre travail : ils nous servent de médiateurs, nous ouvrent les portes de leur maison, quand ils ne nous sauvent pas la vie.” Ryszard Kapuscinski Cet Autre 5 6 REPORTAGE REPORTAGE AGE RTAGEREPORTAGE REPORTAGE ORTAGE REPORTAGEREPORTAG REPORTAG REPORTAGE REPORTAGE TAGE ORTAGEREPORTAGE REPORTAGE PORTAGE REPORTAGEREPORTAG REPOR RE REPORT REP RE REPORTAG RE E 6 GE GE GE RTAGE PORTAGE TAGE ORTAGE EPORTAGE REPORTAGE E EPORTAGE REPORTAGE Reportage est une invitation à découvrir ou redécouvrir une littérature, une littérature qui interroge le monde. Des écrivains se frottent au réel, en ramènent des histoires, des journalistes bousculent leur langue pour mieux rapporter la voix de l’autre. Une littérature que l’on distinguera cependant de celle du voyage. L’écrivain de reportage cherche à dire soi et le monde à travers la parole de l’autre quand l’écrivain voyageur dit avant tout comment son intériorité est éprouvée par le voyage et la rencontre des autres. Reportage propose un panorama de la littérature de reportage depuis le début du XXe siècle à travers une succession de portraits d’auteurs. Pour parler de ces écrivains, nous avons sollicité d’autres écrivains, d’autres journalistes. Nous ne voulions pas de portraits académiques, mais par l’évocation de l’univers de l’autre, faire révéler des affi nités, des correspondances entre deux regards. Les choix sont donc aff ectifs. Certains parmi les noms que nous avons proposés, auraient pu être choisis plusieurs fois, d’autres, peut-être trop intimidants, n’ont pas été retenus. Nous avons opté pour une présentation chronologique. Le métier de reporter, le monde de l’information ont évolué dans le temps, l’écriture aussi. En introduction, un texte resitue cette littérature dans son cadre historique. Par ailleurs, pour éclairer les pratiques plus contemporaines, nous avons réalisé deux interviews, l’un avec une grande reporter et l’autre avec les créateurs d’une revue dédiée au reportage. Dans cette suite de portraits en échos et ces entretiens on lira une multitude de voix, autant de façons d’envisager le rapport entre littérature et réel, et de rendre hommage au courage et à la solitude du reporter, ce porteur de paroles. Une littérature 7 10 Le grand reportage, en deux temps trois mouvements par Myriam Boucharenc 13 Albert Londres - Une présence assumée par Marion Van Renterghem 17 Gaston Leroux - Le mystère de la main rouge par Michel Lafon 21 Léon Werth - Inclassable Léon Werth par Christophe Prochasson 24 Andrée Viollis - L’élégance de l’engagement par Piotr Smolar 27 Jack London - Construire un feu par Hubert Mingarelli 30 Joseph Kessel - L’ami Jef par Mathias Enard 33 Blaise Cendrars - Blaise Cendrars ou le je du reporter par Arthur Bernard 37 Pierre Mac Orlan - Déshabillant l’aventurier par Philippe Claudel 41 Colette - Très chère Colette par Françoise Folliot 46 Georges Simenon - Le fl euve Simenon par Jean-Paul Kauffmann 49 Annemarie Schwarzenbach - La première fois par Leïla Sebbar 53 George Orwell - Orwell le politique par Jean-Jacques Rosat 56 Truman Capote - Une vertigineuse tricherie par Emmanuel Carrère 60 Henri Calet - Calet l’affranchi par Michèle Lesbre Sommaire 8 63 Jean-Paul Clébert, Robert Giraud, Jacques Yonnet Les derniers mystères de Paris par Olivier Bailly 67 Paul Bowles - Paul Bowles, de New York jusqu’au silence par Robert Briatte 70 Entretien avec Laurent Beccaria, directeur et Patrick de Saint Exupery, rédacteur en chef de la Revue XXI, propos recueillis par Nicolas Trigeassou 73 John Berger - John Berger en fenêtre ouverte par Patrick Cloux 77 Lieve Joris - Femme du monde par David Fauquemberg 80 Ryszard - L’éloge du dénuement par Raphaël Krafft 84 Ian Sinclair - Sinclair en ligne droite par Philippe Vasset 87 Jean Rolin - L’homme enfant par Tanguy Viel 91 Svetlana Alexievitch - A l’écoute du malheur ordinaire par Anne Brunswic 94 Báo Ninh - Au pays des âmes hurlantes par Jean-Paul Mari 96 Jean Hatzfeld - Quelques idées fi xes par Guillaume Jan 99 Andrzej Stasiuk - Eloge du mouvement par Gilles Ortlieb 102 Anna Politkovskaïa - Irremplaçable Anna par Anne Nivat 105 Roberto Saviano - L’exercice de la liberté par Fabrizio Gatti 108 Entretien avec Anne Nivat, propos recueillis par NicolasTrigeassou. 112 Bibliographie 117 Remerciements 9 LE REPORTAGE INITIALES N°21 10 Aux origines ... LE GRAND REPORT AGE EN DEUX TEMPS TROIS MOUVEMENTS Projeté sur le devant de la scène culturelle et médiatique par l’essor de la presse d’information, le grand reportage connaît, durant l’entre-deux-guerres, une vogue sans précédent. Cette nouvelle forme « de littérature active », selon la formule de Pierre Mac Orlan, séduit nombre d’écrivains qui, dans le sillage de Londres et Kessel, couple- vedette incontesté du genre, endossent l’habit de celui que Henri Béraud baptise alors « fl âneur salarié ». Avec plus ou moins de constance, ils se lancent dans l’aventure g é o g r a p h i q u e , e s t h é t i q u e e t idéologique de ce que l’on appelait également « l’enquête », ou encore, en souvenir de Victor Hugo, la « chose vue ». D e s m i l l i o n s d e lecteurs, abonnés des grands quotidiens (Le Matin, Paris-Soir, le luxueux Excelsior ou le très populaire Petit- Parisien…) comme des nouveaux hebdomadaires photographiques qui envahissent la presse du teamps (Voilà, Vu, Détective, Le Miroir du monde…) assistent au procès de Landru en compagnie d’André Salmon, suivent la traversée inaugurale du paquebot Normandie avec les yeux de Cendrars et de Colette ; ils se laissent captiver par les tribulations de Kessel en Abyssinie, de Dorgelès en Indochine et accomplissent le tour du monde en quatre-vingts jours avec Cocteau ; aux côtés de Jean-Richard Bloch et de Malraux, ils tremblent pour l’Espagne… Bagnes, prisons, asiles, bas-fonds, milieux interlopes, toutes les lisières ténébreuses d’une société – que ce soit celle de Marseille, de Paris ou de Berlin – n’offrent plus désormais de secrets pour eux. C’est, en somme, toute l’actualité qui leur a été racontée, en feuilleton, par les meilleurs auteurs du temps. Cette expansion de l’« industrie » du témoignage – qui prend volontiers, à l’occasion, 10 par Myriam Boucharenc 11 ■ Pour aller plus loin : Myriam Boucharenc, L’écrivain-reporter au cœur des années trente, Presses du septentrion, 2004. Myriam Boucharenc, Joëlle Deluche (dir), Littérature et reportage, Pulim, 2001. Myriam Boucharenc (dir), Mélusine n°25, L’universel reportage, éditions L’Âge d’Homme, 2005. Marc Martin, Les grands reporters : les débuts du journalisme moderne, Audibert, 2005. François Naud, Profession reporter, Atlantica, 2005. 11 des allures de « roman vécu » – semble même sur le point de détrôner la fi ction et le traditionnel récit de voyage. Il n’est que de dresser la liste du nombre fl orissant de collections qui, aux Éditions de France, chez Albin Michel ou Grasset recueillent avec succès ces « récits véridiques » qui n’ont pas tous – loin de là – passé la rampe de la postérité. S’il est hors de doute que les années trente coïncident avec l’apogée du grand reportage littéraire, reste à s’interroger sur les raisons de ce brillant mais fragile – et, somme toute, assez éphémère – « âge d’or ». Ce genre paraît avoir alors atteint un point d’équilibre inédit entre les exigences contradictoires dont son histoire a été tiraillée. Devrait-on retracer cette dernière à grands traits qu’elle se résumerait à ce paradoxe : dans les dernières décennies du XIXe siècle, à l’époque héroïque de ces pionniers que furent Gaston Leroux, Jules Huret ou encore Pierre Giffard, le reportage ne songe qu’à acquérir ses lettres de noblesse en se rêvant littérature. Au lendemain de la Seconde Guerre, en uploads/Litterature/ reportage.pdf

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