REVISTA DE LA SOCIEDAD «AMIGOS DE LA ARQUEOLOGÍA» 2 - 1 - 4 345 REVISTA DE LA S

REVISTA DE LA SOCIEDAD «AMIGOS DE LA ARQUEOLOGÍA» 2 - 1 - 4 345 REVISTA DE LA SOCIEDAD AMIGOS DE LA ARQVEOLOGIÁ MONTEVIDEO, 1930 TOMO IV LES DERNIERS CHARRÚAS PAR PAUL RIVET EVoFiiris'-ur ail Musiinm Xttf.ional (l'Histoirn Xaturtillp ili; Paris. Socrôtaire (ïoniji'al ili; la Somier.'- iios Ajiióriuaiiistes. Au cours des années 1832 et 1833, quelques Indiens Cha- rrúas, derniers survivants de la fameuse" tribu indienne de l'Uruguay, furent amenés en France; jusqu'ici, personne ne s'est préoccupé de faire l'histoire de cette émigration forcée, ni de rechercher les traces que l'arrivée de ces "sauvages" à pu laisser dans la littérature scientifique ou dans la presse de l'épo- que. Étant donnée la pénurie des renseignements que nous avons sur les Charrúas; une telle enquête valait la peine d'être faite; je l'ai donc entreprise et ce sont les résultats qu'elle m'a don-* nés, que je me propose d'exposer dans ce mémoire. On jugera sans doute, et avec raison, que ces résultats sont assez maigres. J'avoue que j'attendais mieux. Il est certain que le gôut des études ethnologiques n'était pas encore très développé à cette époque, pourtant si proche de la nôtre; rien ne marque mieux le progrès réalisé dans cette voie au cours des cent dernières an- nées que la pauvreté et la médiocrité des observations faites sur íes Charrúas pendant leur séjour en France. Le premier Charrúa (1) qui passa l'Atlantique fut rame- (1) On. lit dans Le National (Paris, 4èmc année, N," 18 5, 4 juillet 1833): "Un Charrúa amené. . . en France sur !a Favorite, et mort depuis " à Toulon, a assuré à M. Roux-Martin, chirurgien-major du bâtiment, (l REVISTA DE LA SOCIEDAD «AMIGOS DE LA ARQUEOLOGÍA» né par le lieutenant de vaisseau Louis, Marius, Barrai, comman- dant la gabare "L'Émulation" qui avait été chargé d'une mission hydrographique sur les côtes du Brésil et du levé détaillé du Río de la Plata. (2) Parti de Montevideo le 16 janvier 1832, ce navire arriva à Toulon le 19 avril. Le commandant avisa le mê- me jour, en ces termes, le Ministre de la Marine de la présence à son.bord de l'insolite passager: "M'étant trouvé à Montevi- deo à l'époque de la dernière expédition du, général Fructuo- so Rivera contre la nation indienne des Charrúas, j'ai pensé qu'il serait peut-être agréable à Votre Excellence d'offrir au Ministre de l'Intérieur un des individus de cette nation, choi- si parmi ceux qui furent faits prisonniers. En conséquence je sollicitai et j'obtins du gouvernement de la République de la bande orientale de l'Uruguay, un indien-charrua, de l'âge de " 18 à 20 ans, et l'embarquai sur "L'Émulation" le 15 janvier, veille de mon départ pour France. Il est maintenant à Tou- " Ion à la disposition de votre Excellence. . . L'Indien Ramon " Mataojo, ainsi nommé à cause de la rivière de Mataojo- grande où il fut pris, est marié à plusieurs femmes. En arri- vant à bord, il forma le projet de refuser toute nourriture •" pour me forcer à emmener ses femmes. J'en parlai aussitôt à " M. le Capitaine Versillac qui avait eu la bonté de faire les " démarches nécessaires à l'embarquement de cet indien; il me " rassura en me disant que l'amour des Charrúas pour leurs " femmes était peu durable. En effet, les jours suivants Ma- ." taojo mangea et parut s'accoutumer à son veuvage. Comme qu'il avait tâté six fois d^ la chair des blancs. . .". Il y à là une confu- sion évidente avec le Charrúa, dont je donne ici l'histoire. Dans le rôle d'équi- page de la Favorite, pour les années en question, il n'y à pas de médecin du nom indiqué, tandis que le médecin de l'Émulation s'appelait Charles Jean- Baptiste Roux, fils de Jean, Joseph, André Roux-Martin. (2) Journal de la Marine, des Colonies, des Ports et des Voyages. Pa- ris, t. I, 1ère partie, N.9 IV, juillet 1833, p. 32. "L'Émulation" était une ga- bare de 3 80 tonneaux. LES DERNIERS CHARRÚAS i L Ramon-Mataojo disait avoir vingt-neuf soleils, qu'il comptait sur les doigts. . . ". (11) Cuvier n'eut pas le temps de s'occuper de cette affaire, puisqu'il mourut le 13 mai. Barrai, qui avait quitté son com- mandement à son arrivée, à Toulon, et avait été attaché avec le grade de Capitaine de Corvette au Dépôt général des Car- tes et Plans de la Marine, rue de l'Université, n." 13, à paris, fit une dernière tentative; il écrivit le 7 septembre 1832 à Geof- froy St.-Hilaire, la lettre suivante: • (12) "J'ai amené de Montevideo à Toulon, sur la corvette "L'É- mulation" que je commandais, au mois d'avril dernier, un in- dien-charrua que Monsieur le Ministre de la Marine a mis à la disposition de feu Mr'. le Baron Cuvier. Ce savant devait le faire venir à Paris comme objet de curiosité pour l'histoi- re naturelle de l'homme. " Cet indien charrúa est encore à Toulon à la disposition du successeur de Mr. le Baron Cuvier. Je crois que s'il pre- nait le parti de le faire conduire dans la Capitale, il pourrait " l'employer au jardin des Plantes. Les frais de route seraient " minimes, cet indien pouvant être amené de brigade en bri- " gade jusqu'à Paris par la gendarmerie. " Si vous vous décidiez, Monsieur, à ce parti, il suffirait " d'en prévenir M. le Vice-amiral Préfet maritime à Toulon, " afin qu'il remît l'indien en question à la disposition de M.' le Capitaine de la gendarmerie. " J'ai adressé dans le temps à Mr. le Ministre de la Mari- " ne une notice sur les indiens-charruas. Les journaux l'ont " publiée, et je crois que Mr. le Ministre de la Marine l'a en- " voyée à l'Académie des sciences. De toutes les manières, Mon- " sieur, vous devez connaître mieux que qui que ce soit, cette (11) Le Charrúa Ramon-Mataojo. Nouvelles Anuales Jes Voyages, op. cit., pp. 389-390. (12) Archives du Muséum national d'histoire naturelle de Paris. 12 REVISTA DE LA SOCIEDAD «AMIGOS DE LA ARQUEOLOGÍA» nation d'indiens que "d'Azara regarde comme une des plus " belliqueuses de l'Amérique méridionale. Le Cap.ne King, au retour de son exploration de la Terre de Feu, a amené en " Angleterre trois indiens qui m'ont paru de la corpulence, de la couleur, et de la- conformation du mien. J'ai cru donc bien faire, dans l'intérêt de l'histoire naturelle, d'imiter l'e- xemple du Capitaine anglais. " Je serais trop flatté, du reste, Monsieur, si vous daigniez accepter l'offre que j'ai l'honneur de vous faire. Je pense que les officiers de la marine français doivent saisir toutes " les occasions d'augmenter les richesses de notre magnifique Jardin Royal." Les professeurs du Muséum reçurent communication de cette lettre le II septembre. (13) La proposition semble les avoir assez embarrassés; ils prirent le temps de la réflexion, puis, dans leur réunion du 18 septembre, décidèrent de décli- ner l'offre qui leur était faite. (14) Leur réponse, dont j'ai pu retrouver la minute, (15) mérite d'être reproduite (elle est datée du 24 septembre) : L'Assemblée des professeurs du Muséum a eu sous les- yeux dans sa dernière séance la lettre que vous avez adressée à l'un de ses membres Mr. le Prof. Geoffroy St.-Hilaire pour lui offrir de faire conduire au Muséum, pour y être employé, un jeune indien Charrúa que vous avez amené de " Montevideo. Nous avons l'honneur de vous informer qu'il n'existe au Muséum aucun emploi vacant qu'il soit possible de don- ner à ce jeune homme et que l'état des fonds de l'établisse- ment ne permet pas d'en créer un pour lui. (13) Procès-verbaux des séances de l'Assemblée des professeurs du Mu- séum, 3ième volume, séance du II septembre 1832, p. 146. (14) Ibid., Séance du 18 septembre 1832, p. 151. Dans les deux pro- cès-verbaux, Barrai est appelé Barrât. La même erreur se retrouve dans l'ar- ticle paru dans les Nouvelles Annales des Voyages, op. cit. p. 388. • (15) Archives du Muséum national d'histoire naturelle de Paris. LES DERNIERS CHARRÚAS 1 3 L'Assemblée a donc regretté de ne pouvoir accepter l'offre que vous avez bien voulu lui faire et elle nous a char- "gé, Monsieur, de vous prier d'en agréer se remerciments". Cette réponse déconcertante dut causer une amère dé- ception au Commandant Barrai. Mais, même si elle avait été favorable à sent projet, elle serait arrivée trop tard. Du fait" de l'indifférence des savants et du public, Ra- mon Mataojo avait dû sans doute au grand ennui des autori- tés navales, rester à bord de "L'Emulation", commandée par le lieutenant de vaisseau François Charles Chauchiprat. Il est inscrit au rôle d'équipage comme matelot; il fait une courte maladie, qui nécessite un séjour à l'hôpital de Toulon du 22 au 29 avril, puis il participe aux divers voyages du navire en Mé- diterranée. "L'Émulation" part avec des troupes le 24 juin pour Alger, y arrive le 28, quitte cette ville le 3 juillet pour rejoin- dre Toulon le 8, appareille à nouveau le 16 uploads/Litterature/ rivet-les-derniers-charruas-pdf.pdf

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