Monsieur Bernard Sergent Les troupes de jeunes hommes et l'expansion indo-europ

Monsieur Bernard Sergent Les troupes de jeunes hommes et l'expansion indo-européenne In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 29 N°2, 2003. pp. 9-27. Résumé Apogante sin sur la kompara etnologio de la popoloj el hindeuropaj lingvoj, tiu artikolo substrekas la rolon de la grupoj da junnuloj, organizitaj en militistaj frataroj, en la ekspansio de la hindeuropaj popoloj. Ghi elvokas la simbolecon de la koloroj kaj tiun de la bestoj en tiuj frataroj, kaj ankau ilian eventualan rilaton kun la genezo de la hindeuropa trifunkcia teorio. Abstract Based on the compared ethnology of the Indo-European speaking populations, this article underlines the role of the youth groups, organised in warlike brotherhoods, in the expansion of Indo-European populations. It evokes the symbolics of colours and of animals in these confraternities, as well as their possible relation with the genesis of the Indo-European trifunctional theory. Apogante sin sur la kompara etnologio de la popoloj el hindeuropaj lingvoj, tiu artikolo substrekas la rolon de la grupoj da junnuloj, organizitaj en militistaj frataroj, en la ekspansio de la hindeuropaj popoloj. Ghi elvokas la simbolecon de la koloroj kaj tiun de la bestoj en tiuj frataroj, kaj ankau ilian eventualan rilaton kun la genezo de la hindeuropa trifunkcia teorio. Citer ce document / Cite this document : Sergent Bernard. Les troupes de jeunes hommes et l'expansion indo-européenne. In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 29 N°2, 2003. pp. 9-27. doi : 10.3406/dha.2003.1560 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_2003_num_29_2_1560 Dialogues d'Histoire Ancienne 29/2, 2003, 9-27 Les troupes de jeunes hommes et l'expansion indo-européenne* Résumés • S'appuyant sur l'ethnologie comparée des peuples de langues indo-européennes, cet article met en lumière le rôle des groupes de jeunes, organisés en confréries guerrières, dans l'expansion des peuples indo-européens. Il évoque la symbolique des couleurs et celle des animaux dans ces confréries, ainsi que leur éventuel rapport avec la genèse de la théorie trifonctionnelle indo-européenne. • Based on the compared ethnology of the Indo-European speaking populations, this article underlines the role of the youth groups, organised in warlike brotherhoods, in the expansion of Indo-European populations. It evokes the symbolics of colours and of animals in these confrat ernities, as well as their possible relation with the genesis of the Indo-European trifunctional theory. • Apogante sin sur la kompara etnologio de la popoloj el hindeuropaj lingvoj, tiu artikolo substrekas la rolon de la grupoj da junnuloj, organizitaj en militistaj frataroj, en la ekspansio de la hindeuropaj popoloj. Ghi elvokas la simbolecon de la koloroj kaj tiun de la bestoj en tiuj frataroj, kaj ankau ilian eventualan rilaton kun la genezo de la hindeuropa trifunkcia teorio. I - HISTOIRE Toute l'histoire de l'expansion des peuples indo-européens, lorsqu'elle est connue, et qu'elle est antérieure à In formation des États disposant d'armées orga nisées, montre que celle-ci a d'abord été le fait de troupes de jeunes guerriers. Des Scythes, dont les prodigieux mouvements à travers toute l'Anatolie et le Proche-Orient aux VIIIe et VIIe siècles sont décrits par Hérodote1, il a été récemment reconnu par Askold Ivantchik, spécialiste des Ossètes, descendants des Scythes, que ces derniers se livraient ainsi à des expéditions à valeur initi atique qui constituaient une épreuve indispensable avant leur accès à l'âge adulte, et s'écoulaient sur des années2. Les peuples italiques pratiquaient le ver sacrum, consécration de tous les êtres nés dans une année, et qui prenait la forme, pour les humains, * Bernard Sergent. 3 rue Saint Laurent. 75010 Paris. 1. Histoires, IV, 11. 2. Ivantchik, 1993. Cf. ci-dessous, p. 21-22. DHA 29/2, 2003 10 Bernard Sergent du départ de toute une classe d'âge en vue de fonder une "colonie", c'est-à-dire un nouveau peuple, ce dont les sources fournissent de nombreux exemples3. Dans sa fameuse étude sur le ver sacrum, de 1957, Jacques Heurgon a montré qu'il s'agissait de jeunes gens, comme cela est explicitement dit dans l'histoire des Mamertins et dans le ver sacrum romain dédié en 217 par les decemviri sacris faciundis et réalisé en 195 ou 1944. Les Viking terrorisèrent l'Europe de l'Ouest pendant trois siècles : il a été montré également qu'il s'agissait de bandes de jeunes hommes, commandés par un adulte plus âgé, et qui n'attirèrent des hommes faits - les "anciens jeunes" - que lorsqu'il s'agit de s'installer sur des terres conquises5. Pour les bandes de Celtes qui se jetèrent sur l'Italie au IVe siècle, sur la Grèce et l'Anatolie au IIIe, Polybe (II, 17) emploie l'expression hétairies ; le mythe aussi est parlant : selon un récit de Tite-Live6, un ancien roi celte, Ambigat, engagea ses deux neveux, Bellovèse et Sigovèse, à prendre la tête d'expéditions militaires : le premier partit vers la Gaule du sud et l'Italie, le second en Germanie (de fait, toute la moitié sud de l'Allemagne fut celtique pendant des siècles). Des colons grecs qui, pendant une immense période, avec une intensité particulière dans les époques dites géométriques et archaïques (Xe-VIe siècles avant notre ère), colonisèrent des terres situées outre-mer, les textes disent souvent que c'étaient des jeunes, une partie d'une classe d'âge, choisis par exemple par decimation (un sur dix devait partir) ; Tarente aurait été fondée par un groupe de jeunes Spartiates auxquels on refusa la citoyenneté, pour les engager à partir et aller fonder une cité ailleurs - ils avaient alors vingt ans7. L'expansion des peuples de langues indo-aryennes à travers l'Inde du nord, en provenance d'Afghanistan, est à peine connue, les sources indiennes étant muettes sur ce sujet. Mais un texte du Mahâbhârata indique tout de même clairement qu'elle fut le fait de jeunes : le roi Yayâti ayant été vieilli prématurément en raison d'une faute, il appelle au secours ses quatre petits-fils, 3. Strabon, V, 4, 12 (249-250), pour les Samnites ; Denys d'Halicarnasse, Histoire Romaine, I, 16, 4 et II, 49, 2-3, d'après Caton, pour les Sabins ; Festus, p. 424 L., pour les (Sabins) Sacrani ; Id., p. 235 L., et Pline, Hist. Nat., Ill, 110, pour les Picenii ; Alfius, cité par Festus, p. 150 L., pour les Mamertins. 4. Heurgon, 1957, 25-26, 36-37. 5. Weiser, 1927, pp. 60-62 ; De Vries, 1928-1929. 6. Histoire Romaine, V, 35. 7. Polybe, Histoire, XII, 6 b, 5 et 9 ; Strabon, Géographie, VI, 3, 2-3 (278-280) ; Denys d'Halicarnasse, Histoire romaine, XIX, 1,1-2; Justin, III, 4, 3-11. DHA 29/2, 2003 Les troupes déjeunes hommes et l'expansion indo-européenne 11 leur demandant de prendre sa vieillesse, et promettant sa royauté à celui qui accepterait. Seul le plus jeune, Pûru, accepte. Il devient donc vieux et roi, tandis que ses frères sont expulsés, vers les limites de la terre, et vont y fonder divers peuples : "De Yadu sont nés les Yâdava, de Turvasu les Yavana, de Druhyu les Bhoja, et d'Anu les variétés de Mleccha"8. Il est donc tout à fait exact, c'est-à-dire incontestable, malgré les dénégations d'auteurs qui veulent faire du "politiquement correct" avec les Indo-Européens9, que l'expansion des peuples de langue indo-européenne a d'abord été violente, qu'elle a été faite de conquêtes militaires, et que cette conquête avait comme fer de lance des bandes de jeunes gens. En fait, chaque fois qu'une indication d'âge est donnée pour les guerriers conquérants de ces peuples, leur jeunesse est mise en évidence. II - MYTHE Pour tout spécialiste du domaine indo-européen - ce que ne sont pas, en général, les tenants du "politiquement correct"10 -, ce surgissement guerrier de bandes de jeunes sur les marges de leur peuple ne fait pas mystère. On sait, depuis les années 20 du siècle précédent, grâce aux travaux comparatistes desavants allemands -Lily Weiser11, Otto Hôfler12 -, puis suédois - Stig Wikander13 -, et français - Georges Dumézil14, Henri Jeanmaire15 - que des groupes initiatiques semblables à ceux que l'ethnologie observait en Afrique ou en Amérique du Nord, et caractérisés par le secret, l'organisation militaire solidaire, la guerre de coups de main à titre d'épreuves, avaient existé dans l'antiquité indo-européenne. Les auteurs allemands avaient mis l'accent sur des formes d'organisation de ce type dans l'antiquité germanique, et le terme qu'ils employaient pour 8. Mhbh., I, 85, 3533, cité par Dumézil, 1971, 261. Sur l'origine des Indo-Arya, Sergent, 1997, passim. 9. Le plus célèbre est Colin Renfrew, auteur d'un livre spéculatif sur les Indo-Européens (1987, 1990). 10. Cf. note précédente : Renfrew n'est pas, bien qu'il s'en donne des airs, et qu'on l'en crédite indûment, un spécialiste du domaine indo-européen, cf. Sergent, compte rendu du livre de Renfrew cité à la n. précédente, dans Annales. Economies, sociétés, civilisations, 1992, 388-394. 11. Cf. ci-dessus, n. 3. 12. Hôfler, 1934. 13. Wikander, 1938. 14. Dumézil, 1929 ; 1942 ; 1944, pp. 23-54 ; plus tard le beau Heur et malheur du guerrier de 1969. 15. Jeanmaire, 1939. DHA 29/2, 2003 12 Bernard Sergent les désigner, Mannerbund, a été retenu internationalement pour désigner ce type de groupes, en particulier pour ceux qui ont existé dans le domaine indo-européen. Ces Mannerbunde ont laissé d'abondantes traces dans la tradition : à la fois parce qu'ils ont frappé l'attention et parce qu'ils formaient un élément déterminant de la structure sociale. Je mentionnerai d'abord quelques éléments de cette tradition. 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