FRANÇAIS Culture littéraire et artistique Informer et accompagner les professio
FRANÇAIS Culture littéraire et artistique Informer et accompagner les professionnels de l’éducation CYCLES 2 3 4 eduscol.education.fr/ressources-2016 - Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche - Mars 2016 1 Retrouvez Éduscol sur Le débat littéraire interprétatif Qu’appelle-t-on « débat interprétatif » ? Le débat interprétatif est un dispositif didactique qui a été introduit dans les documents d’accompagnement des programme de l’école primaire de 2002 pour développer les compétences de lecture littéraire, à côté, notamment, des lectures en réseau et du carnet de lecteur. Dans la lignée des recherches qui se sont développées en didactique de la littérature, la pratique du débat interprétatif prend acte du fait que le sens d’un texte se construit dans la relation entre ce texte et un ou plusieurs lecteurs. La classe est le lieu où peuvent émerger et se confronter ces différentes lectures individuelles en vue de construire une lecture commune ouverte à différentes interprétations, mais néanmoins respectueuse de ce que Umberto Eco nomme les « droits du texte » : ceux-ci circonscrivent les limites de l’interprétation, car il n’est pas possible de faire tout dire à un texte. Dans ce cadre, le débat interprétatif repose sur une conception de la lecture littéraire qui donne toute sa place au sujet lecteur à qui il appartient, dans son activité de compréhension et d’interprétation, de remplir les non-dits ou les silences qui sont la condition même de tout texte. Comme l’écrit Hélène Crocé-Spinelli (2009), cette approche « se situe en rupture avec la conception sous-tendue par l’enseignement traditionnel des textes littéraires, qui planifie par avance le questionnement propice à diriger la maîtrise du contenu textuel ou la découverte de la «bonne» interprétation du texte ». À rebours de cette conception, le débat interprétatif veut permettre, dans l’interaction, de mobiliser et d’enseigner les multiples compétences que requiert la lecture littéraire, conçue comme une expérience interprétative où se croisent des lectures « psycho-affectives, émotives, projectives, mais aussi réalistes, symboliques, critiques, appréciatives » pour reprendre les termes d’Hélène Crocé-Spinelli. Contrairement aux textes fonctionnels, le texte littéraire est en effet très rarement monosémique. L ’œuvre, ou certains de ses passages, peuvent être compris et interprétés différemment selon l’expérience du monde, les repères culturels ou les connaissances encyclopédiques du lecteur : chaque lecture est singulière, (r)appelle des émotions, évoque des connaissances, une histoire personnelle. Le débat mobilise, dans l’interaction, différentes postures de lecture. Par exemple, en ce qui concerne les fables, l’action est le plus souvent identifiable (le renard attrape le fromage, la fourmi renvoie la cigale…), mais les interprétations peuvent être fort différentes en ce qui concerne la « morale » ou le sens de la fable. L ’une « Un livre n’a pas d’auteur, mais un nombre infini d’auteurs. Car à celui qui l’a écrit s’ajoutent de plein droit dans l’acte créateur l’ensemble de ceux qui l’ont lu, le lisent ou le liront. » Michel Tournier, Le Vol du Vampire, Mercure de France, 1981, pp. 10-11. eduscol.education.fr/ressources-2016 - Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche - Mars 2016 2 CYCLE I FRANÇAIS I Culture littéraire et artistique 3 Retrouvez Éduscol sur des caractéristiques de la lecture littéraire est précisément d’accepter qu’il n’y ait pas de réponse univoque à certaines questions posées par le texte et de pouvoir en proposer une interprétation que l’on pourra défendre mais aussi faire évoluer lors d’échanges organisés, étant entendu que le texte et le débat lui-même demandent toujours à être situés pour éviter surinterprétations et propositions aberrantes. Comme son nom l’indique, le débat interprétatif vise à développer chez les élèves une compétence d’interprétation, mais compréhension et interprétation ne peuvent facilement être séparées, en particulier pour de jeunes lecteurs qui rencontrent des difficultés de compréhension (identification des personnages, inférences, mots ou expressions inconnus). Là où le lecteur expert sait trouver dans le texte ou dans ses connaissances les réponses pour résoudre des questions de compréhension, le lecteur en formation peut être amené à faire des hypothèses pour donner du sens à ce qu’il lit et donc à interpréter, alors même que le texte est sans ambiguïté ni obscurité pour le lecteur expert. D’autres textes, en revanche, ont une part importante d’implicite, laissent subsister une part d’indétermination ou d’ambiguïté, suggèrent sans expliquer, bref demandent au lecteur de faire des choix d’interprétation pour comprendre. On pourra enfin parler d’interprétation lorsqu’il s’agit d’aller au-delà du texte et d’en rechercher des significations secondes. À partir de l’exemple du texte de Victor Hugo qui suit (extrait de L ’Année terrible, 1871), on peut distinguer trois niveaux possibles de débat qui interviennent à des degrés divers dans la caractérisation littéraire de ce texte, sans préjudice d’autres éléments (il s’agit d’un poème en alexandrins narratif et dialogué qui donne à voir une scène saisissante à l’enjeu émotionnel particulièrement fort, etc.) : Sur une barricade, au milieu des pavés Souillés d’un sang coupable et d’un sang pur lavés, Un enfant de douze ans est pris avec des hommes. — Es-tu de ceux-là, toi ? — L ’enfant dit : Nous en sommes. — C’est bon, dit l’officier, on va te fusiller. Attends ton tour. — L ’enfant voit des éclairs briller, Et tous ses compagnons tomber sous la muraille. Il dit à l’officier : Permettez-vous que j’aille Rapporter cette montre à ma mère chez nous ? — Tu veux t’enfuir ? — Je vais revenir. — Ces voyous Ont peur ! Où loges-tu ? — Là, près de la fontaine. Et je vais revenir, monsieur le capitaine. — Va-t’en, drôle ! — L ’enfant s’en va. — Piège grossier ! Et les soldats riaient avec leur officier, Et les mourants mêlaient à ce rire leur râle ; Mais le rire cessa, car soudain l’enfant pâle, Brusquement reparu, fier comme Viala, Vint s’adosser au mur et leur dit : Me voilà. La mort stupide eut honte, et l’officier fit grâce. • Le niveau de l’anecdote ou du scénario qui peut-être plus ou moins explicite ou qui peut offrir quelques résistances pour des raisons diverses (souvent de vocabulaire mais pas seu lement). Par exemple à la fin du texte, l’enfant s’adosse au mur des fusillés dans l’attente de son exécution. Et le poète écrit : « La mort stupide eut honte, et l’officier fit grâce ». Que se passe-t-il vraiment à ce moment-là ? L ’intervention de la mort personnifiée, son attitude — la honte —, l’expression « faire grâce » ne sont pas parfaitement limpides pour un jeune lecteur contemporain. Mais c’est aussi l’ensemble de la scène ici racontée, à travers un échange de paroles dont il faut inférer qui les prononce, qui peut être difficile à reconstituer pour le lecteur novice. eduscol.education.fr/ressources-2016 - Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche - Mars 2016 3 CYCLE I FRANÇAIS I Culture littéraire et artistique 3 Retrouvez Éduscol sur • Le niveau des motivations des personnages, quand il est implicite, prête lui aussi à discus sion : pourquoi l’officier laisse-t-il l’enfant partir ? Pourquoi l’enfant revient-il alors qu’il aurait pu s’échapper ? Pourquoi les soldats rient-il ? Et finalement, pourquoi l’officier l’épargne-t-il ? Les réponses ne figurent pas explicitement dans le texte et cela mérite aussi discussion. • Enfin, on peut se demander quelle est la signification de ce texte, et sur la base de quelles valeurs. Quelles places respectives y occupent la représentation de la violence guerrière, celle de l’enfance, celle de l’héroïsme ? On peut éclairer ce débat en recourant à d’autres textes du même auteur (la mort de Gavroche dans Les Misérables) ou d’autres auteurs. Et inévitable ment, quand il s’agit de valeurs, Ces trois niveaux permettent de distinguer trois types de débats : • le premier vise à résoudre un problème de la compréhension (à partir, par exemple, de la question « Que se passe-t-il dans ce texte ? ») et peut être tranché de façon univoque (nous savons ce que veut dire « l’officier fit grâce ») ; • le deuxième concerne les données implicites du texte et nécessite un premier type d’in terprétation : nous pouvons faire des hypothèses sur les motivations des personnages, des hypothèses plus ou moins assurées qui s’appuient sur l’ensemble du texte ou sur des observa tions de plus en plus fines. Mais la mobilisation de savoirs extérieurs peut s’avérer aussi très éclairante : des savoirs historiques (à quel moment ce texte a-t-il été écrit ? à propos de quel événement ?), des savoirs concernant l’écrivain, sa biographie, son œuvre, des savoirs sur les types de personnage, etc. La mise en réseau de plusieurs textes ou œuvres permet, grâce à la comparaison, d’émettre de nouvelles propositions interprétatives. Dans l’exemple proposé, la mise en réseau avec d’autres textes de l’auteur peut être très éclairante. Répondre aux ques tions soulevées ci-dessus, c’est peu à peu éclaircir le propos de l’auteur, percevoir son point de vue sur les évènements qu’il raconte, les valeurs qu’il défend. • D’autres questions surgissent ainsi à un troisième niveau, questions qui ne trouvent pas de réponses dans le texte ni même autour du uploads/Litterature/ sobre-interpretacao-literaria-na-franca.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 11, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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