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Erik,l’adieuauxlivres p r i è r e d ’ i n s é r e r LamagieBlake «Trésornational»britannique,l’illustrateurQuentinBlake fêteses80ans,dontplusdecinquanteàémerveillerlajeunesse. Troislivresparaissent,illuminésparsontrait vif et sautillant Jean Birnbaum Florence Noiville I ls ont de la chance, les nouveaux nés de la maternité d’Angers. Lors- que, pour la première fois, leurs fragiles pupilles s’ouvrent sur le monde, que voient-ils ? Des femmes aux cheveux d’an- ges, des bébés qui virevoltent, des poissons qui se gaussent, des canards qui sourient… Ils voient la grâce, l’humour, la vie… Ils voient les dessins de Quentin Blake. Plus tard, ils retrouve- ront le génial illustra- teur britannique dans ses albums célèbres, Les Cacatoès, Clown, Armeli- neFourchedrue.OudansZaga- zou, cette facétieuse parabole du temps qui passe, où les enfants se trans- forment en dragons coléreux ou en pha- cochères boueux, avant de devenir ces géantes créatures hirsutes plus connuessouslenomde(pré)adoles- cents. Plus tard encore, ils dévoreront les romans de Roald Dahl, avec qui Quentin Blakea étroitementtravaillépourmettre en images Le Bon Gros Géant, James et la grosse pêche, Charlie et la chocolaterie… Ou encore l’irrésistible Matilda, qui repa- raîtcesjours-cidansunetrèséléganteédi- tion à l’occasion des 40ans de Gallimard Jeunesse (272p., 13,90¤). Enfin, comme il n’y a qu’un pas entre les classiques pour enfants et les classi- ques tout court, on peut espérer qu’une fois adultes, nos nour- rissons d’Angers découvriront que leur illustrateur fétiche a égalementmissonartauservi- ce des grands. Cervantes, Rostand, Dumas… et récemment Voltaire. Devant l’étonnant Candide (Folio, 194p., 6,95¤), ils compren- dront que Blake est bien plus qu’un simple illustrateur. C’est un artiste dont la pro- duction peut nous accompa- gner depuis la pouponnière jus- qu’à la maison de retraite (voir Vive nos vieux jours, Gallimard, 2007). Un humaniste auquel on revient à tous les stades de l’existence. Et dont on ne se lasse pas. En Grande-Bretagne d’ailleurs – et plus encore à la veille de ses 80 ans, le 16décembre –, Blake est fêté comme un «trésor national». Né dans une banlieue de Londres en 1932, il publie son premier dessin à l’âge de 16ans dans le magazine satirique Punch. Passionné par Honoré Daumier et André François – Blake est très francophile –, il sort son premier livre pour enfants avec John Yeoman, en 1960. Pendant vingt ans, il dirigera le département«Illustration»duRoyalCol- lege of Art, mais ne cessera jamais d’écri- re et d’illustrer – on dit qu’il a plus de 300ouvrages à son actif. En 1999, Quentin Blake devient égale- ment le premier «Children’s laureate» du Royaume-Uni. Une fonction officielle qui,pendant deuxans, exige de se rendre disponible auprès des petits Britanni- ques pour leur expliquer que rien n’est plus beau que le plaisir de lire. De cet ambassadeur infatigable, la reine fera un commandeur de l’ordre de l’Empire pour ses«servicesrendusà lalittératurede jeu- nesse». Depuis les années 2000, pourtant, les activitésdeBlakedépassentlargementce terrain. C’est ce que retrace le livre d’art Quentin Blake Beyond the Page, publié par la Tate Gallery de Londres, qui mon- tre que son trait est désormais partout. Il s’est échappé de l’univers imprimé pour pénétrer dans les musées, les hôpitaux, lesmaisonsmédicalisées,les centrespsy- chiatriques.Etmêmeàlamaternitéd’An- gers… Voici que Blake illustre non plus seulementdespagesmaisdesmurs!L’ef- fet reste cependant le même. Si l’on s’in- terroge sur «ce que ça nous fait», à nous lecteurs, de nous laisser glisser dans le graphisme blakien, on arrive à cette réponse sim- ple : ça nous aide. A pui- ser l’énergie dans l’humour, età nous améliorer dansl’artdenaître,de vivre et de ne pas trop nous rabougrir. Dans Le Cheval magi- que, cosigné avec Russell Hoban,un cheval s’est échap- péd’uneboîteàcigares.Aveclui, nous galopons à cru, dans la nuit, à travers océans et déserts. Vers quoi? Une montagne de piè- ces d’or gardée par des pirates trop gourmands et qui se tordent de rire. Nousgaloponspoursau- ver les parents de Lucie qui, eux, croulent sous uneautremontagne,un monceau de factures. Il y a ce trait rapide, à l’en- cre de Chine, si caracté- ristique de Quentin Bla- ke. Et puis de grands à-plats à l’aquarelle, qui nous emportent joyeu- sement vers le rêve. Dommage que la chute deHobansoitunpeufai- ble, car c’est sans doute le seul cas en littérature oùlepersonnageprinci- pal d’un livre est… un bâtonnet de crème glacée. Métaphoriquement,il y a peu de diffé- rence du reste entre le vieux bâtonnet de Russell Hoban et le Monsieur Kipu de David Walliams. Tous deux ont été mis aurebut,oubliés,mépriséspar une socié- té pressée ne recyclant ni les bouts de bois ni les êtres. Jusqu’à ce que la main d’une petite fille vienne les ramasser dansl’égout…SouslaplumedeDavidWal- liams, Monsieur Kipu n’a pas volé son nom. Il empeste. Il cocotte. Il schlingue. «Et si le verbe “schmoutter” figurait dans le dictionnaire, on écrirait ici qu’il sch- mouttait.» Ajoutons que Monsieur Kipu est seul sur son banc, jusqu’à ce qu’une fillettetrouvelecouraged’allerluiparler. Et c’est là que l’histoire commence –une histoire qui débouchera sur une autre, mais chut… D’accord,danscesdeuxcas,onestplus dans le registre des bons sentiments que dans celui de la subversion. Tout est bien qui ne finit pas si mal –à condition que le lecteur se bouche le nez… Pour Monsieur Kipu, la presse anglaise a déjà fait de David Walliams son « nouveau Roald Dahl». Venu tardivement à l’édition jeu- nesse, ce dernier n’en «revient pas, dit-il dans son livre, d’avoir collaboré avec une légende comme Quentin Blake». Cela, on le comprend. p 10 aLe feuilleton Eric Chevillard chante Zbigniew Herbert 12 aRencontre Antoine Compagnon, forte tête 7 aTribune Appel international: l’urgence de lire «Le Monde des livres» s’associe à l’ONG Bibliothèques sans frontières pour relayer son appel 6 aHistoire d’un livre Dans le jardin de la bête, d’Erik Larson aEntretien Gilles Bachelet, auteur de Madame le Lapin blanc, prix Pépite de l’album 2012 page 2 aTraversée Aventures en littérature page 3 aEnquête Pourquoi les ados décrochent-ils de la lecture? page 4 aLivres jeunesse Les choix du Monde page 5 8 9 aLittérature Enrique Vila-Matas, Philippe Riviale D ire adieu à Erik Izraelewicz, à l’instant du profond chagrin, c’est saluer un ami des livres. Un ami fidèle et exigeant, qui s’en remettait à tel roman, à tel essai, comme on se fie à un compagnon de toujours. Oui, il était en confiance au milieu des livres. Son goût pour l’autodérision masquait mal une immense culture, dont témoignent ses propres publications. Et les rares moments où il évoquait ses lectures étaient marqués par une allégresse presque enfantine. La veille de sa mort, en début de soirée, je m’apprêtais à prendre un Vélib’ en bas du journal, quand une voiture s’est arrêtée à mon niveau: Erik me proposait de m’avancer jusqu’à Denfert-Rochereau. Notre expédition n’a pas duré dix minutes, mais il avait déjà placé les désarrois de Philip Roth au cœur de la conversation: «Alors, c’est donc vrai, il a définitivement cessé d’écrire?» Le patron du Monde, qui avait pourtant d’autres chats à fouetter, posait cette question avec la curiosité fervente et la douce prévenance dont il n’aura jamais cessé d’entourer les livres. Erik avait tenu, du reste, à réaffirmer toute leur place au sein du Monde comme tradition et comme collectif. En 1992, alors qu’on célébrait les 25 ans du supplément, la fondatrice du «Monde des livres», Jacqueline Piatier, rappelait comment était née «la décision d’accorder aux livres une place prééminente dans Le Monde, en leur consacrant un supplément de huit pages». Deux décennies plus tard, et alors que la presse écrite et l’édition traversent une zone de turbulences, la direction du Monde a porté la pagination de son supplément littéraire à 10 pages, voire à 12, comme c’est le cas aujourd’hui. De cette décision, qui n’avait rien d’évident, Erik Izraelewicz se disait fier. Elle engageait un rapport au journalisme, à la littérature et aux idées, bref toute une vision du Monde. Plus que jamais, et bien au-delà du simple «Monde des livres», elle oblige toutes celles et tous ceux qui en héritent aujourd’hui.p 11 aCorrespondance Hannah Arendt- Gershom Scholem Le Cheval magique, de Russell Hoban et Quentin Blake, traduit de l’anglais par Anne Krief, Gallimard jeunesse,36p., 12,50¤. Monsieur Kipu, de David Walliams et Quentin Blake, traduit de l’anglais par Valérie Le Plouhinec, Albin Michel jeunesse, «Witty», 272p., 12,50¤. Beyond the Page, de Quentin Blake, Tate Publishing,256p., 25¤. En anglais. s p é c i a l S a l o n d e M o n t r e u i l 28-11/3-12 2012 et aussi... CINQ PAGES SUR LE SALON DU LIVRE JEUNESSE © QUENTIN BLAKE Cahier du « Monde » N˚ 21108 daté Vendredi 30 novembre 2012 - Ne peut être vendu séparément aPépite dulivre BD/Manga Choisis quelque chose mais dépêche-toi! (Such dir was aus, aber beeil dich!), de Nadia Budden, traduit de l’allemand par Vincent Haubtmann, L’Agrume, 190p., 20 ¤. Récompensé à la Foire de Bologne en 2010, ce roman graphique, dynamique et fausse- ment naïf, revient sur les dernières années de Berlin-Est avant la chute du Mur. Une petite fille vit avec ses grands-parents un quotidien parfaitement anodin. Et pour- tant. La gravité n’est jamais loin dans ce récit d’enfance amusé et hanté par le temps qui passe.p N. C.A. aPépite dulivre ovni Dictionnaire fou du corps, uploads/Litterature/ supplement-le-monde-des-livres-2012-11-30.pdf

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