Le Couple Humain à travers le tantrisme et l’alchimie 1 LE COUPLE HUMAIN A TRAV

Le Couple Humain à travers le tantrisme et l’alchimie 1 LE COUPLE HUMAIN A TRAVERS LE TANTRISME ET L'ALCHIMIE Serge HUTIN, Docteur ès Lettres Article paru dans : « Initiation & Science » N° 63 de Juillet 1965, pages 26 à 33. Les grands Secrets de l' « Œuvre à Deux » Un grand ésotériste français, Valentin Bresle, nous dit : Le Grand Œuvre est un acte sacré qui réalise sur tous les plans de l'être, à tous les degrés d'âme, du tellurique au céleste, du métallique au psychique, ce que les mystiques comme les alchimistes nomment mariage divin (1). On peut dire, fort justement, que le plus grand secret hermétique, le couronnement même du Grand Œuvre, est bien celui des « Noces chimiques », c'est-à-dire de la fusion des deux natures antagonistes mais complémentaires. Qu'il s'agisse de la fusion minérale du Soufre et du Mercure ou du mariage mystique, des parties masculine et féminine de notre être incorporel. Mais cela ne jouerait-il pas aussi au niveau du couple humain lui-même ? En vertu de la grande loi traditionnelle si bien systématisée dans la Table d'Emeraude : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas » (et vice versa), un tel fait n'aurait rien d'étonnant. Reportons-nous en effet à la biographie des plus célèbres alchimistes : nous nous apercevrons qu'à côté des adeptes ayant œuvré solitaires dans leur quête de la Pierre, il en est d'autres qui ont œuvré en couple, le cas le plus célèbre étant l'union alchimique de Nicolas Flamel et de son épouse Pernelle. D'autre part, interrogeons-nous sur la raison d'être d'une règle très impérativement suivie tant par les instructeurs tantriques orientaux que par les adeptes d'Occident : pour accomplir le Grand Œuvre, il faut être un homme ou une femme normalement constitués ; l'homosexuel, de naissance ou occasionnel (voyez le lamentable échec de la grande aventure tantrique d'Arthur Rimbaud), ne pourra le réaliser non pour des raisons d'interdit moral, mais parce que sa polarité sexuelle est inversée, donc aberrante, par rapport aux normes de départ. Sans l'énergie sexuelle, la magie en général, et la magie tantrique tout spécialement, serait en fait impossible. Ecoutons Paul Grégor, initié aux pratiques de la macumba brésilienne : En y pensant certains mots s'imposent à mon esprit. Tels que : sang, sacrifice, horreur maîtrisée. Car la magie n'est ni noire, ni blanche. La couleur de la magie est rouge. Avec quelques lueurs argentines. Reflet des étoiles. Pressentiment d'une libération cosmique (2). Le même auteur n'hésitant pas à nous mettre devant l'équation : La magie = Sexualité + Volonté + Symbolisme fascinant (3). La moderne psychologie des profondeurs ayant, elle, bien mis en évidence les liens directs entre la sexualité et l'imagination, cette prodigieuse magicienne méconnue. Laissons encore la parole à Grégor : Les Archétypes de Jung sont des symboles communs à l'humanité et qui proviennent d'un passé immémorial (...). Il s'agit d'images quasiment magiques et qui remuent des couches profondes du subconscient. Leur influence libère des forces d'âme exceptionnelles (4). Le Couple Humain à travers le tantrisme et l’alchimie 2 Mais, chez l'homme ordinaire, aussi bien la sexualité que l'imagination (ces deux puissances si intimement liées) se dispersent, « coulent » anarchiquement. Le problème, pour les êtres d'exception capables de s'engager sur une voie périlleuse à l'extrême, étant le suivant : comment, donc, réussir à libérer d'une manière coordonnée, positive les si prodigieuses énergies musiques qui sont en l'être humain ? C'est un tel but que se propose l'ensemble de techniques secrètes désignées sous le nom de tantrisme, et qui ne sont pas seulement propres à certaines catégories d'hindouisme ou de bouddhisme puisqu'on en retrouve des formes bien caractéristiques dans les traditions spirituelles de l'Occident. Le mot sanscrit Tantra signifie « Livre » ou « Système », mais il a un sens plus précis et significatif sans doute, qui est « trame » : le tantrika, c'est l'être qui — par les secrets qui lui ont été transmis par son instructeur (gourou) — devient d'échapper à la «trame» même des apparences sensibles, car il en connaît dès lors tous les secrets véritables. Ainsi se conquiert l'illumination libératrice et caractérisée par Paul Grégor en ces termes : dans ses perspectives le passé ne s'évanouit pas tout à fait, et l'avenir n'est pus entièrement inconnu. Ces deux temps coexistent, en quelque sorte, dans un présent magique (5). L'illumination tantrique fera donc accéder les élus à la conscience de ce qui est au-delà des apparences : l'éternel présent, la conscience même du Divin. Citons les toutes dernières lignes du splendide roman initiatique de Gustav Meyrink, LE VISAGE VERT (6). Elles précisent : Comme la tête de Janus, Haaberisser (le héros du livre) pouvait plonger ses regards à la fois dans l'au-delà et dans le monde terrestre, et en distinguer nettement les détails et les choses. Il était un Vivant — ici-bas et dans l'au-delà. On trouve, ramassés dans cette formule, deux points capitaux. D'une part, le fait que l'illumination tantrique permet à l'initié (en attendant sa définitive libération des phantasmes de la Mâyâ) de vivre sur deux plans ; de l'autre, le fait qu'elle marque (c'est d'ailleurs la même chose) l'accession définitive d'un être humain à l'état d'éveil (il serait sans doute plus exact de dire : de réveil). Un autre passage du même roman initiatique nous dit : Ceux qui s'imaginent que la vie commence à la naissance et se termine à la mort, évidemment ne voient pas le cercle ; comment pourraient-ils le briser (7) ? Tel est, en effet, le but du tantrisme : atteindre l'unité dynamique et pouvoir ainsi briser l'Illusion (Mâyâ), ce qui entraînera pour l'adepte la sortie de la chaîne indéfinie des renaissances corporelles. On remarquera que l'ésotérisme tantrique est une voie « homéopathique » en quelque sorte : loin de chercher à engendrer chez l'initié l'oubli ou l'ignorance de l'incessante fantasmagorie des apparences, elle lui procurera la connaissance totale du mécanisme même de son déroulement, de manière à le rendre inoffensif, alors que l'homme ordinaire s'y perd comme Narcisse dans son reflet. Comme le dit une formule traditionnelle reprise par Julius Evola (et titre de l'un de ses livres), il s'agit de parvenir à «chevaucher le tigre». C'est d'ailleurs ce que précise fort bien Boris Mouravieff : Si nous savions ce qu'est l'Illusion, nous saurions- par opposition ce qu'est la Vérité. Et la Vérité nous affranchirait (Jean, viii, 32) (8). Et ce n'est pas, mais pas du tout, le prodigieux accroissement du savoir scientifique et technique qui changera quelque chose au grand problème de la sortie du cercle clos, d'une libération hors de la fantasmagorie des apparences. Mouravieff le remarque fort bien : Que l'homme meure dans son lit ou à bord d'une frégate interplanétaire, la condition humaine n'en est point changée (9). Mais essayons de mieux cerner ce qu'est le tantrisme. Celui-ci constitue une voie libératrice spéciale mais qui, répétons-le, s'est développée au sein des diverses Traditions spirituelles. Le Couple Humain à travers le tantrisme et l’alchimie 3 C'est d'ailleurs un trait constant de tout système ésotérique que de se développer ainsi —- mais avec tous les chemins se rejoignant finalement au sommet — conformément aux impératifs temporels (humains et historiques) : la Tradition, certes, est une, mais il est nécessaire que sa polarisation (c'est exactement cela) soit diversifié (10). Le tantrisme ne se présentera donc pas seulement sous des formes orientales. Nous nous bornerons à un exemple bien significatif : l'ouvrage de R. Swinburne Clymer, The Fraternitas Rosae Crucis (11), comporte un frontispice symbolique tout à fait révélateur : on y voit représentée une femme qui tient une coupe dans la main droite, un morceau de pain dans la main gauche ; chacun de ses seins porte une rosé blanche ; d'un coude à l'autre, en passant derrière elle, se déroule une draperie. Le bras ascendant réunit d'une Croix symbolique le Feu (représenté à l'emplacement du sexe) au « troisième œil » (celui de l'illumination) figuré sur le front de la femme. Mais qu'est-ce donc que le tantrisme, en faisant abstraction des différences dans sa formulation traditionnelle ? Il s'agira d'une voie magique axée sur la totale maîtrise de l'Energie divine, représentée comme l'« Epouse » (en sanskrit Shakti) du Principe divin, celui- ci étant conçu comme fixe, statique, Immuable alors que le Principe féminin — la Mère divine — sera sa grande Force de manifestation, qui, se transformant sans lin, produit tous les phénomènes existant sur les divers plans de réalité. Mais la voie tantrique sera pour ses adeptes une réintégration : il y a eu chute originelle, «emprisonnement» (si l'on veut) des âmes dans les corps, dans les apparences physiques. Pour parvenir à cette réintégration, le tantrika utilisera donc le moteur même qui ne cesse d'engendrer toutes les formes d'Illusion : il utilisera un Feu qui n'est autre que la sexualité — ou plus exactement (nous allons nous en rendre compte) son autre face — aux pouvoirs bien plus étendus. Que fait, en effet, le tantrika par ses uploads/Litterature/ tantra.pdf

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