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«-~--"'.._---------~"' ...........-- ---.....' - Walter Benjamin et la misan baroque trice de l'allégorie l. » La encore, a la différence des autres images littéraires de la femme lesbienne, celle de Baudelaire innove car elle représente 1'« hérolne de la modernité », la « protestation du moderne contre le technique ». Dans Paris, capitale du XIX siecle, ":;' .' ~~ Benjamin rattache cette « hérolne» au culte saint-simonien de l'androgyne. Il reprend meme certaines analyses de Claire Demar ~1! sur le contenu « féminin »des uropies. Toutefois, Baudelaire n'arrive pas a comprendre la question sociale ou personnelle de I'homo sexualité féminine. Il reste partagé, la louant et la critiquant, pris dans une « orientation contradictoire », un clivage : « Dans l'image du moderne illui trouve une place, dans la réalité il ne la reconnait pas 2. » Victime de la pression bourgeoise, mais aussi inquiet des modifications de frontiere entre masculin et féminin. Comme si la « masculinisation » de la femme renvoyait a sa propre « féminisa ríon» hystérique... A I'horizon, Mme Bovary, cet « androgyne extraordinaire », et les grands mythes de la modernité, Hérodiade, Salomé ou Lulu... Au creur de cette archéologie de la 1l1Odernité, dans les profon deurs inconscientes du voir, le féminin travaille donc et bouleverse les identités établies. L'Ange en serait-il donc le symptóme, enfoui dans une « scene de l'écriture 3 » OU Benjamin apres Baudelaire était lui-meme en jeu ? L'E5PACE DE L'ÉCRITURE 1939-1940 Arreté parce que émigré allemand, enfermé au camp de prisonniers de Nevers, déja frappé par l'« horrible eatastrophe » qui le menera au suicide, Benjamin fait « un reve d'une beauté telle »qu'il n'hésitera pas al'écrire a Gretel Adorno le 12 octobre 1939. Car « apres ce reve je ne l. C.B. Sur l'interprétation de Baudelaire, el le deuxieme chapitre du livre qui redéveloppe ces themes. 2. C.s., 1, 2, p. 594-595. 3. Au sens de Jacques Derrida dans L'Éeriture et la diffirence, Paris, Le Seuil, 1967. 54 1 Une archéologie du moderne pouvais pas m'endormir pendant des heures. C'était de bonheur 1 ». Étrange reve, d'un bonheur élégiaque et intense, OU se dessinent, a 'I! travers la « foree originaire », les figures d'une véritable « scene de l'écriture ». De cette « écriture émotionnelle» propre a l'allégorie, proche de l'écriture figurative (Bildschrift) de Freud. I Benjamin raconte qu'il était en compagnie du docteur Dausse (qui l'avait soigné du paludisme), et que, apres avoir quitté d'autres personnes, il se retrouve dans unefluille. Ameme le sol: « Un dróle de gente de couches, de la longueur des sarcophages. » Mais, en fait, 1111 « en m'y agenouillant a demi-genoux, je m'apen;:us qu'on s'y enfon <;:ait mollement comme dans un lit ». Le tout « couvert de mousse, de lierre », « l'ensemble ressemblait toujours a une foret ». Tout d'un 1111 .1111 coup, changement a vue : la foret devient construction nautique et « sur un pont se tenaient trois femmes avec lesquelles vivait Dausse ». Vision qui ne le gene pas plus que « la découverte que je I fis a l'instant OU je déposais mon chapeau sur un piano a queue. I C'était un vieux chapeau de paille, un panama, que j'avais hérité de I mon pere. Je fus frappé en m'en débarrassant qu'une large fente avait été appliquée dans la partie supérieure ». La, « des traces rouges ». Suit alors le récit d'une série d'événements liés aux femmes. La premiere, experte en graphologie, inquiere tout particu lierement le reveur. « Je crains que certains de mes caracteres intimes soient décelés. Je m'approchais. Ce que je vis était une étoffe cou verte d'images. » De cette écriture-tissu il ne peut lire que la partie supérieure de la lettre D, la plus « spirituelle ». Suivent des conver sations sur cette écriture et un souvenir textuel et oral. Benjamin raconte avoir prononcé la phrase suivante : « Il s'agissait de changer en fichu une poésie. » Mais « apeine j'avais ptononcé ces mots qu'il se passa quelque chose de tres intrigant. Je rn'aper<;:us qu'il y avait parmi les femmes nues une tres belle qui était couchée sur le lit. Entendant les paroles du reveur, elle amorce un mouvement bref comme un édair et écarte un petit bout de la couverture. Mais ce ne fut pas pour me faire voir son corps ; car le dessin du drap de lit devait offrir une imagerie analogue acelle que j'avais dll écrire il y a bien des années, pour en faire cadeau a Dausse. Je sus tres bien que 1. C. 2, p. 307. Lensemble du texte du reve est emprunté acette lettre (termes soulignés par nous). 55 1 1 ¡ 11 I Une archéologie du moderne Walter Benjamin et la raison baroque la femme fit ce mouvemem. Mais ce qui m'en était informé était une vision supplémemaire. Car quam aux yeux du corps, ils étaiem ailleurs et je ne distinguais nullemem ce que pouvait offrir le drap de lit qui s'était fugitivement ouvert POur moi ». Fin de reve, insomnie, bonheur intense. D'un coté done, 1'héritage paternel du vieux chapeau, du panama abandonné, couvert de traces rouges, et comme féminisé en sa « large fente ». Mais, de l'autre coté, la foret - l'Urwald - de l'an goisse sans fond, l'eau, la feme et les traces rouges, le lit si semblable a la mort des sarcophages, la peur d'avoir a révéler a une femme gra phologue « ses caracteres les plus intimes », le corps nu d'une femme « tres belle» révélée en un éclair mais non vue. De l'autre coté, done, deux femmes qui, par deux fois, font voir de maniere éclair en un choc - ce que le reveur ne peur pas voir, mais qu'il connait grace a une « vision supplémemaire ". Ses yeux de corps sont ailleurs. La ou se présente une éroffe couverte d'images, puis une couverture-drap de lit, lui, dans son bonheur intense et affolé, ne peut lire que la partie « spirituelle » de la lettre D, puis le souvenir d'un écrit ancien. Et surtout, de cela, tel1'Ange qui chame un ins tant, il parle: « Changer en fichu une poésie. » Aux traces écrites, il préfere done les traces rouges comme si le corps-écriture de 1'ailleurs ne pouvait exister que par cette profana tion sanglante, cette dénégation du corps vu de la mere ou de la femme qu'impose une comrainte masculine. Ces traces, ces « archi traces» selon 1'expression de Jacques Derrida, figurem ici une scene originaire, incestueuse, une violence perpétrée ou le tissu et le texte s'échangent. Comme l'écrit Benjamin dans un passage consacré a Proust; « Si texte signifie en latin tissu, il n'est guere de texte qui, plus que celui de Proust, soit effectivemem un tissu l. »Tissu de sou venirs ou l'oubli et les imermittences de la mémoire som « le patron rétrospectif de la tapisserie ». Et dans ce meme texte, le lit y définit la position d'écriture de Proust : « Le lit sur lequel Proust malade, la main en 1'air, couvrait de son écriture les innombrables feuilles 2• » Feuilles d'arbres, de foret. 1. M. V, p. 316. 2. ¡bid., p. 330. Sur cene « position d'écriture ", ef Jean-Louis Baudry, « Écri ture, mon et profanation », L'Écrit du temps, n° 1, printemps 1982. 56 ;j <i' ~ ,:.~. Mais les traces rouges som bien la, indélébiles, sur le chapeau du pere et l'angoisse du fond, de l'abime de cette « foret » originaire, que la hache castratrice de la raison doit éviter de regarder, fait tou jours retour. Répétition d'un immémorial, de 1'extreme, d'une catas trophe toujours déja survenue. Telle est cette « souffrance de l'reil » qui décide de l'écriture, ce lieu d'un non-pouvoir ou 1'imaginaire s'origine. Au point que « le souvenir d'enfance est la racine de ma théorie de l'expérience 1 ». C'est dire que face a la déperdition d'expérience vécue de la modernité, face a une véritable destitution du sujet, de sa maitrise et de sa souveraineté, seule la « rédemption du souvenir» (Rettung der Vergangenheit) peut fonder une véritable expérience (Erfahrung). Rapprochant Proust de Freud, Benjamin remarque que les rapports proustiens entre mémoire involontaire et mémoire volontaire ne sont pas sans analogie avec la distinction freudienne de Au-dela du príncipe de plaisir entre la mémoire (les traces) et la conscience. La mémoire involontaire, ou le « passé se refiete dans le miroir baptismal de 1'instant », donne seule une éter nité d'ivresse, de bonheur. Par hasard, en un instant, en un éclair, en un choco Elle est pouvoir sur 1'imaginaire, image, car son imaginaire est précisément de 1'ordre de la « non-maitrise» (le hasard). Res surgit toujours chez Proust « 1'image, seule capable de satisfaire sa curiosité, ou plutot d'apaiser sa nostalgie 2 ». i Revenir a la faveur de ce reve a une scene originaire ou la structure .1 onirique porte le jeu du texte-tissu, du sexe-écrit, du « voir-ne pas voir» le corps nu uploads/Litterature/ folie-de-voir.pdf
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- Publié le Fev 07, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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