REPÈRES DANS L'HISTOIRE DE LA FRANCOPHONIE Stélio Farandjis C.N.R.S. Editions |

REPÈRES DANS L'HISTOIRE DE LA FRANCOPHONIE Stélio Farandjis C.N.R.S. Editions | « Hermès, La Revue » 2004/3 n° 40 | pages 49 à 52 ISSN 0767-9513 ISBN 2271062462 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2004-3-page-49.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour C.N.R.S. Editions. © C.N.R.S. Editions. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © C.N.R.S. Editions | Téléchargé le 11/08/2020 sur www.cairn.info (IP: 190.27.30.86) © C.N.R.S. Editions | Téléchargé le 11/08/2020 sur www.cairn.info (IP: 190.27.30.86) Stélio Farandjis Haut Conseil de la Francophonie REPÈRES DANS L’HISTOIRE DE LA FRANCOPHONIE L’histoire de la langue française est longue, l’histoire de la Francophonie est courte. Le «roman» se dégage du bas latin entre le Ve et le VIIe siècle, l’ancien français se dégage du roman vers les IXe et Xe siècles. Le français sera en Angleterre langue officielle pendant plusieurs siècles au Moyen Âge et langue internationale aux foires de Champagne comme lors des croisades. Aujourd’hui, la Francophonie s’attache à défendre l’idée d’une langue riche et précise à l’encontre du laisser- faire linguistique surfant sur la vague d’une mondialisation dérégulée. La réflexion linguistique, le sentiment de la langue, le rôle de la langue dans la vie politique ont été des faits originaux, associés et majeurs dans l’histoire de la France. C’est le roi François Ier qui, par l’édit de Villers-Cotterets en 1539, impose le français comme langue officielle (celle de la justice et de l’administration), aux dépens du latin, de manière à rendre plus intelligible pour le peuple la langue commune (qui est encore loin d’être la langue «vulgaire» unique). Dès 1549, Du Bellay, avec saDéfense et illustration de la langue française, exprime l’affirmation identitaire, qui associe donc la créativité littéraire, le sentiment national, la volonté politique de l’État moderne. L’âge de la raison, celui de l’État centralisé, celui de la puissance française et de la période littéraire classique seront étroitement associés. 1635: création de l’Académie française; 1636: Le Cid; 1637: Discours de la méthode; 1643: victoire de Rocroi. Au siècle des Lumières, le français est la langue des cours et des salons, comme de la vie intellectuelle, pour toute l’Europe; il est la seule langue diplomatique internationale du traité d’Utrecht (1713) au traité de Versailles (1919). Avec la Révolution française, la langue française va être associée à la liberté, aux droits de l’homme et au progrès démocratique; c’est le chant de La Marseillaise que des révolutionnaires dans tous les pays vont entonner aux XIXe et XXe siècles. Il s’en est même fallu d’une voix que le français ne devienne la langue officielle de la nouvelle république des États-Unis d’Amérique! Quand la France sera vaincue par la Prusse qui prend la tête de l’Empire allemand en 1871, elle doit regarder dans le monde ailleurs qu’en Europe; un géographe républicain et patriote, Onésime Reclus (1837-1916), va forger en 1880 le mot «francophonie» pour désigner les habitants de la planète qui parlent français; c’est un terme nouveau de géolinguistique HERMÈS 40, 2004 49 © C.N.R.S. Editions | Téléchargé le 11/08/2020 sur www.cairn.info (IP: 190.27.30.86) © C.N.R.S. Editions | Téléchargé le 11/08/2020 sur www.cairn.info (IP: 190.27.30.86) et, dès 1887, il distinguera les francophones pour qui le français est langue maternelle de ceux qui sont «francophones par destination». Curieusement, le mot francophonie va presque disparaître de l’usage durant toute la période 1880-1960, alors même que se créera l’Alliance française en 1883. Trois erreurs historiques sont souvent colportées au sujet du rapport entre francophonie et ère coloniale. Le mot «francophonie» n’est pour ainsi dire pas employé pendant la période coloniale, d’autre part la francophonie n’a pas été un argument pour justifier la colonisation (à la différence des arguments politiques, économiques, militaires, philosophiques ou religieux), enfin l’Empire ne «francophonisait» qu’une très mince pellicule sociale destinée à devenir la domesticité supérieure (soit on n’alphabétisait pas ou très peu et on ne scolarisait pas, soit on le faisait dans les langues locales; les masses de jeunes écoliers francophones datent de la période post-coloniale). Pendant cette même période, les francophones de France se soucient peu du sort des francophones belges soumis aux poussées flamingantes et du sort des francophones suisses soumis aux poussées alémaniques. Si le général de Gaulle et Georges Pompidou manifestent leur souci de défendre la langue française en créant le 1er décembre 1965 le Haut Comité de la langue française, la revitalisation du concept de francophonie et l’explosion dans la fréquence d’usage du mot, durant les années 1960, ne doivent rien à l’initiative politique des gouvernants français, mais tout à l’initiative d’individualités isolées venues en particulier du Canada, d’Afrique, du monde arabe et de l’Asie; les pionniers de la Francophonie internationale vont s’appeler Norodom Sihanouk, Habib Bourguiba, Hamani Diori (Nigérien), Leopold Sedar Senghor et Jean-Marc Léger (Québécois). La résurgence foudroyante du mot «francophonie» dans les années 1960 obéit en fait à une convergence de trois grands phénomènes historiques: les progrès des moyens de transport et de transmission (qui facilitent les contacts et les rencontres entre francophones très dispersés géographiquement), la décolonisation qui donne naissance à une vingtaine de pays africains indépendants choisissant le français comme langue officielle, l’affirmation politique des identités culturelles (illustrée notamment par la volonté des Québécois de revendiquer une souveraineté en matière linguistique et éducative). Depuis cette revitalisation des années 1960 jusqu’à nos jours, le mot «francophonie» a été marqué par une singulière polysémie. Trois significations peuvent être distinguées, même si elles sont souvent liées. Il y a tout d’abord la signification d’un fait brut de démographie linguistique: la répartition dans l’espace d’une masse de locuteurs s’exprimant en français (ou qui peuvent le faire si l’occasion se présente), c’est une donnée objective (même si elle recouvre des situations fort diverses allant du français langue maternelle au français langue étrangère en passant par le français langue seconde); il y a ensuite la signification politique, c’est une volonté de s’organiser sur le plan associatif ou diplomatique à partir du critère francophone; il y a enfin la signification philosophique ou spirituelle, c’est l’idée ou, mieux encore, l’idéal de la Francophonie, tel que le président Senghor l’a exprimé dès 1962: «un humanisme intégral qui se tisse autour de la terre, une symbiose des énergies dormantes de toutes les races et de tous les continents qui se réveillent à leur chaleur complémentaire», et aujourd’hui, quand les langues et les cultures de l’espace francophone se mêlent dans la musique, le théâtre, la littérature, le cinéma et la vie en commun avec un esprit de dialogue ou de métissage, cet idéal symbiotique devient une réalité vivante pour toutes nos provinces et nos banlieues, nos écrans et nos antennes. Dans un premier temps, c’est sur le plan associatif et non intergouvernemental que la Francophonie1 internationale va prendre corps: les initiatives sont venues d’horizons très différents de la société civile, suivant des critères géographiques ou professionnels ou bien thématiques et idéologiques; mais les pionniers des années 1960 furent souvent de simples militants décidés mais isolés. Notons que cette effervescence associative des années 1960 se poursuit encore aujourd’hui et dans des secteurs très variés de tout l’univers francophone2. Notons aussi que la France politique marquera de la prudence, de la réserve, des hésitations par rapport à l’engagement dans l’aventure d’une Francophonie internationale organisée, institutionnelle et multilatérale. Pourquoi? Des hypothèses peuvent être avancées: hantise du soupçon de néocolonialisme; séquelle de la guerre d’Algérie (1953-1962); désir de voir plus loin que le «pré carré», vers l’Europe, vers le monde; américanisation des esprits… 50 HERMÈS 40, 2004 Stélio Farandjis © C.N.R.S. Editions | Téléchargé le 11/08/2020 sur www.cairn.info (IP: 190.27.30.86) © C.N.R.S. Editions | Téléchargé le 11/08/2020 sur www.cairn.info (IP: 190.27.30.86) En 1958 naît l’Association internationale des sociologues de langue française, en 1961 se crée à Montréal l’AUPELF (Association des universités partiellement ou entièrement de langue française) qui se nomme aujourd’hui AUF (Agence universitaire de la Francophonie). En 1967, l’AIPLF (Association internationale des parlementaires de langue française) voit le jour, elle se nomme aujourd’hui APF (Assemblée parlementaire de la Francophonie). En 1969 apparaît la FIPF (Fédération internationale des professeurs de français) qui tient ses congrès tous les quatre ans (Rio, Québec, Lausanne, Salonique, Tokyo, Paris, Atlanta) et qui fédère des associations présentes dans presque tous les pays du monde. La période des années 1960 fut donc la période héroïque de la Francophonie où ont foisonné des initiatives émanant d’individus ou de petits groupes. Sur le plan politique, signalons cependant trois nouveautés: la CONFENEM (Conférence des ministres francophones de l’Éducation nationale) en 1960; la CONFEJES (Conférence des ministres francophones de la Jeunesse et des Sports) en 1969; uploads/Litterature/ texte-stelio.pdf

  • 20
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager