Textes littéraires et enseignement du français FLE-S-M Marie Berchoud Professeu

Textes littéraires et enseignement du français FLE-S-M Marie Berchoud Professeure des universités (1) Conçu à l’origine pour le FLE, ce cours convient aussi désormais en FLM ! Sommaire Présentation I - Texte littéraire et classe de langue 1. Le texte littéraire, la langue et la culture 2. La communication littéraire 3. Littérature et enseignement II - Notions et savoirs essentiels en littérature 1. Les bases pour l’analyse du texte littéraire 2. La question des genres littéraires et discursifs 3. Rappels : les siècles littéraires (idées, théories, œuvres) III - La poésie en classe de langue 1. La poésie : la langue, l’œuvre, l’apprentissage 2. Des formes poétiques, des modes d’approche 3. Exemples d’analyse et attention didactique PRESENTATION 1. LE CONTEXTE ACTUEL DE L’APPRENTISSAGE DU F. L. E ET LE ROLE DE LA LITTERATURE 1.1. La littérature et le CECR1 Aujourd’hui, l’enseignement et l’apprentissage des langues (et cultures) sont harmonisés par le biais du Cadre européen commun de références pour les langues du Conseil de l’Europe (2001) dans leurs évaluations formatives et sommatives et donc dans leurs contenus et la définition des niveaux de maîtrise de la langue visée : on ne distingue plus les apprenants débutants et faux-débutants / intermédiaires / avancés, établis sur la base du Niveau-Seuil du Conseil de l’Europe (…) mais trois niveaux subdivisés en deux et correspondant à un développement des capacités langagières : Niveau A : A1, niveau introductif ou de découverte (breakthrough) A2, niveau intermédiaire ou de survie (waystage). Ici noter que le mot « intermédiaire est employé là où précédemment on disait plutôt « débutants » Niveau B : B1, niveau-seuil (threshold ; cf. le Treshold level du Conseil de l’Europe dès les années 80) B2, niveau avancé, ou utilisateur indépendant (Vantage level) Niveau C : C1, autonomie (effective operational proficiency) C2, maîtrise (mastery) Source : Cadre européen commun de référence pour les langues (page 34), version en français et version en anglais. La progression des apprenants au fil de ces niveaux se fait selon cinq compétences (et non plus les 4 compétences ou skills, habiletés traditionnelles) : réception de l’écrit, production de l’écrit, réception de l’oral, production orale monogérée, production orale en interaction (c’est la nouvelle compétence ajoutée aux quatre traditionnelles). A ces compétences s’ajoute un champ de pratiques nouveau, celui de la médiation : il s’agit d’aider à la compréhension mutuelle entre personnes de langues et/ou cultures différentes, selon une vision active et positive de la sociabilité. Les activités de classe ou hors la classe destinées à développer ces compétences sont des activités déjà connues, mais réemployées dans une perspective de développement personnel et social en contexte plurilingue pour une éducation à la citoyenneté. Ainsi, on retrouve des activités nécessaires comme : - le travail en phonétique (en réception et en production) ; - la chanson - le théâtre (lecture, jeu théâtral, mise en scène, jusqu’aux jeux de rôles, etc.) - l’écriture et la réécriture 1 Vous pouvez télécharger le CECR à l’adresse du Conseil de l’Europe : http://www.coe.int - la lecture (silencieuse, individuelle, collective, oralisée…) - l’utilisation ludique de la langue (jeux, créativité, devinettes, charades…) - l’utilisation esthétique et poétique de la langue 1.2. Et les textes littéraires ? Dans ce contexte (européen, mais pas seulement, car l’évaluation par les compétences décrites dans le CECR gagne les méthodes et les pays extra- européens), quelle peut être la place des textes littéraires en classe ? Les uns disent qu’ils sont de moins en moins nécessaires, au motif qu’ils n’intéresseraient pas les apprenants. Nous ne le croyons pas, car nous avons expérimenté le contraire : et quand je dis nous, cela signifie des collègues en FLE-S, des étudiants avancés, et moi aussi. Certes, le CECR prône l’approche actionnelle, c’est-à-dire mettant l’élève en activité et considérant la classe et l’apprentissage dans leurs dimensions sociales. Or la lecture, l’expression personnelle et collective sont bien des activités personnelles et sociales. Que serait une société dans laquelle l’intimité, le quant-à- soi ne seraient plus préservés et valorisés comme demeure de l’être dans son identité ? Très exactement une société totalitaire. Simplement, il faut que chaque enseignant trouve les voies pour bien choisir les textes, les activités à développer en fonction de son public. C’est là tout le propos de la didactique. Gustave Lanson, qui contribua à réformer l'enseignement littéraire en France, écrivait en 1909 :"Le mal consiste en ce que nous donnons à des élèves de moins en moins aptes à le recevoir, un enseignement de moins en moins propre à leur être communiqué». Vous l’aurez compris, il s’agit pour le professeur de faire partager aux élèves de beaux textes, de les mener à mieux écrire, mieux lire, mais pas n’importe comment et seulement selon soi. Au fil de ce cours, nous vous proposerons des activités de classe avec des textes littéraires, et nous vous demanderons même d’en inventer de nouvelles. Nous vous ferons connaître des textes, des auteurs – et vous aussi vous pourrez faire connaître les auteurs que vous aimez. 2. LE COURS « TEXTES LITTERAIRES ET APPRENTISSAGE DU FLE » Ce cours est une unité optionnelle du Master 1 de français langue étrangère, il ne s’agit donc pas d’un cours de littérature au sens strict, mais d’un cours qui examine les relations entre textes littéraires de langue française et lecteurs / apprenants de FLE. Ces lecteurs / apprenants ont pour la plupart d’entre eux une idée à eux de ce qu’est un texte littéraire, ils ont des préférences, une culture préalable ; ils ont aussi des zones d’incertitude en matière de textes littéraires français et de culture littéraire, ce dont il faut tenir compte. Des éléments de repérage seront donnés pour les lecteurs qui en ont besoin. L’intitulé du cours même postule que les textes littéraires peuvent jouer un rôle positif dans l’apprentissage du FLE, nous verrons pourquoi et comment. On s’interrogera sur : - ce qu’est un texte littéraire, - les textes littéraires en tant que porteurs d’une culture et leurs potentialités interculturelles ; - les textes littéraires dans l’apprentissage d’une langue étrangère, leur lecture et les outils d’analyse utiles, mais aussi les essais d’écriture à visée littéraire. - la réception du texte littéraire par des lecteurs apprenants de FLE (ou FLS), donc lecteurs non natifs. Pourquoi choisir de travailler sur les textes littéraires en FLE ? Parce que nous aimons la littérature, en particulier certains textes qui nous ont émus, que nous trouvons beaux, voire capitaux, et que nous avons envie de les faire partager à d’autres. D’emblée, avec la littérature, il est question de transmission et de communication, intra- et surtout trans- ou inter-culturelle. Mais transmission de quoi ? Une émotion commune, de belles histoires, la musique de la poésie, notre histoire, celle du lecteur, un imaginaire commun…. Or, pour cela, il faut connaître la langue employée dans ces textes littéraires ; mais nous allons voir (si vous ne le savez déjà) qu’avec la littérature, on peut se perfectionner dans la langue, mieux comprendre son fonctionnement de l’intérieur, par l’expérience esthético-émotionnelle de la lecture / écriture, tout en approchant de beaux textes. La langue. Telle est en effet la matière première de la littérature, qui donne forme à l’humain, à ses réflexions et à ses aventures de vie. À l époque des méthodologies SGAV2, la littérature était présentée plutôt comme un élément de la culture dominante du pays (Louis Porcher3 dirait « la culture cultivée »), et donc comme tel, néfaste à l’apprentissage qui devait être basé sur les savoirs et savoir-faire de la vie quotidienne. Mais après la première vague des méthodes communicatives, la littérature est progressivement revenue dans le champ du FLE : d’abord avec la chanson, la poésie (voir le succès des textes de Jacques Prévert), le théâtre, et enfin la nouvelle, le roman - des textes parfois longs. Les éditeurs ont conçu des textes littéraires dotés d’aides à la lecture (explications, exercices), puis des adaptations de textes en français plus simple. En tout cas, entre langue et littérature, il semble y avoir une opposition forte. La langue ne serait appréciée que sous l’angle du style, et le reste appartiendrait aux grammairiens, ces mécaniciens de la langue. Cette conception est souvent partagée aujourd’hui en France (cf. l’opposition entre linguistique et littérature dans les études universitaires), mais il n’en a pas toujours été ainsi : Émile Zola, Paul Valéry, Jean- Paul Sartre, pour ne citer que ces trois-là, furent des écrivains attentifs à la langue ; c’est ce que rappelle opportunément l’ouvrage de Gilles Philippe, Sujet, verbe, complément : le moment grammatical de la langue française4. Le cours que nous aurons en commun se situe dans cette optique de complémentarité entre langue et littérature. En FLE, c’est bien le moins ! Cette position est justifiée par les besoins des apprenants, mais aussi par la nature même de la littérature : pas seulement un patrimoine, pas seulement un témoignage de l’humain, mais aussi un véritable « laboratoire de la langue »5, comme le rappelle 2 SGAV est l’abrégé commun de (méthodologie) structuro-globale-audio-visuelle. 2 Dans Le français langue étrangère, éditions uploads/Litterature/ textes-litteraires-et-enseignement-du-francais-1 1 .pdf

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