INTRODUCTION Ecrire, c'est rédiger, élaborer des phrases, du texte ; mais c'est
INTRODUCTION Ecrire, c'est rédiger, élaborer des phrases, du texte ; mais c'est aussi former des lettres et les lier. C'est dans cette seconde acception du terme que l'écriture nous intéresse ici, c'est-à-dire en tant qu'acte graphomoteur, que geste graphique, que mouvement qui laisse des traces signifiantes conventionnelles sur un support. L'école primaire a depuis longtemps pour mission d'apprendre à écrire aux enfants. Si des programmes détaillés et des instructions précises guidaient autrefois les maîtres dans cette tâche, il n'en est plus de même aujourd'hui. Cette évolution des textes officiels leur donne ainsi une liberté accrue pour concevoir leur action pédagogique. L'enseignant ne peut plus être simple exécutant des consignes que lui fournit le législateur. Il doit être concepteur de sa pratique, ce qui suppose qu'il ait les repères suffisants pour le faire. Est-ce le cas en ce qui concerne l'enseignement de l'écriture ? Il ne le semble pas. Pourtant, on dispose aujourd'hui de résultats de recherches et de réflexion de nature à permettre de concevoir une pratique pédagogique dans le domaine de l'écriture, mais les enseignants les connaissent peu ou, en tout cas, ne s'y réfèrent pas explicitement. On assiste actuellement à une véritable crise de la pédagogie de l'écriture. Sans doute n'est- ce pas nouveau puisque Ferdinand Buisson déplorait déjà, en 1887, le désintérêt des enseignants pour cette discipline : 'Ils en font une partie machinale qu'ils surveillent de loin et ne dirigent guère. Les élèves copient les modèles sans attention parce que les défauts dans l'exécution ne sont point relevés et qu'aucun principe ne leur est donné pour les guider. Ils voient rarement le maître tracer devant eux la lettre qu'ils ont manquée et leur donner la clef d'une écriture régulière' 1 . Participant à la formation initiale des enseignants du premier degré et ayant l'occasion d'effectuer des visites de stage, je constate que les remarques que fait Buisson sont toujours d'actualité. Pourtant, si vous interrogez des maîtres qui enseignaient l'écriture il y a trente ou quarante ans, ils vous diront qu'ils savaient comment faire : ils ne doutaient pas de leur pratique à ce sujet. Les normes étaient connues et il s'agissait de les inculquer aux élèves. L'histoire n'est peut-être qu'un éternel recommencement puisque Buisson reconnaissait la disparition 'des méthodes d'écriture à principes bien déterminés' 2 . En tout cas, des enseignants d'aujourd'hui semblent bien avoir perdu ce savoir-faire. Les normes, les méthodes à principes bien déterminés pour apprendre à écrire semblent bien avoir, une nouvelle fois, disparu. Il est, de ce fait, difficile pour les enseignants de savoir comment apprendre à écrire à leurs jeunes élèves et comment aider un enfant qui a des difficultés dans cet apprentissage. La maîtrise de l'acte graphique constitue pourtant un enjeu important pour l'apprenant. Elle conditionne en effet pour une grande part la réussite scolaire et sociale. Ecrire avec aisance facilite l'expression, libère l'attention de l'acte graphomoteur et permet ainsi à la pensée de se consacrer pleinement au contenu du discours, au texte à rédiger. De plus, la lisibilité et l'esthétique de l'écriture influencent l'évaluation. Elles peuvent contribuer à l'obtention de meilleures notes, ne serait-ce que parce qu'elles facilitent le travail de l'enseignant qui, n'ayant pas d'effort à faire pour déchiffrer ce qui est écrit, peut être plus attentif au texte. Les qualités de l'écriture entraînent aussi une appréciation de la part du lecteur sur l'émetteur du message, indépendamment du contenu de celui-ci. A travers l'écriture, on se fait une idée de la personnalité du scripteur, même si l'on n'utilise pas la graphologie. Et on sait aussi que celle-ci sert parfois pour des décisions d'embauche et peut par conséquent conditionner l'insertion professionnelle. Cela nous semble justifier notre préoccupation concernant la pédagogie de l'écriture. Car la réussite de l'apprentissage de l'écriture n'est pas assurée d'emblée. En témoignent les dysgraphies. En tant que psychomotricien, je suis fréquemment confronté à ces désordres de l'écriture. Dans le meilleur des cas en effet, lorsqu'un enfant se trouve en difficulté dans son apprentissage de l'écriture, l'enseignant conseille aux parents de consulter. Même si ce n'est pas directement vers le psychomotricien que l'enfant est dirigé, c'est lui en dernier ressort qui sera chargé de la rééducation ou de la thérapie 3 . Celle-ci sera entreprise à la suite d'un bilan psychomoteur, le plus souvent à raison d'une séance par semaine, parfois une séance par quinzaine, d'une durée de trente à quarante-cinq minutes. Qu'est-ce qui permet, dans ce cadre particulier, de résoudre les problèmes graphomoteurs, en tout cas le plus souvent, car une rééducation ou une thérapie, se solde malheureusement parfois par un échec ? Parmi ces moyens de rééducation ou thérapie utilisés pour lutter contre les troubles graphomoteurs, certains pourraient-ils être également utilisés dans le cadre scolaire pour remédier aux difficultés que rencontrent les enfants pour apprendre à écrire ou pour les prévenir ? Dans quelle mesure ce transfert du rééducatif ou thérapeutique à l'éducatif est-il pertinent ? Plusieurs méthodes conçues à l'origine pour des enfants en difficulté ont été utilisées, et semble-t-il avec succès, pour des enfants 'normaux', dans le cadre scolaire. C'est le cas, par exemple, de la méthode gestuelle de Madame Borel-Maisonny pour l'apprentissage de la lecture. Ne pourrait-il pas en être de même pour la psychomotricité ? En tant que psychomotricien, ancien instituteur et formateur d'enseignants du premier degré, il me semble pertinent d'examiner la question. La psychomotricité n'est pas exclusivement d'ordre rééducatif ou thérapeutique. Elle comporte aussi un versant éducatif. Si j'ai entrepris des études de psychomotricien, c'est d'ailleurs parce que, alors que j'étais instituteur, les écrits d'éducation psychomotrice ont commencé à interroger ma pratique et mes conceptions éducatives et pédagogiques. Et la formation en psychomotricité m'a donné un autre regard sur l'enseignement. Bien qu'étant une formation de rééducateur ou thérapeute, elle a aussi profondément changé ma conception du rôle de l'enseignant par une meilleure compréhension de la réalité de l'enfant. Cela constitue un argument supplémentaire pour s'interroger sur l'apport spécifique de la psychomotricité à la pédagogie de l'écriture. Si j'ai choisi l'écriture comme objet de mon travail, ce n'est pas que les autres domaines disciplinaires de l'école ne sont pas concernés par l'évolution de mes représentations. Mais l'écriture met en jeu des éléments perceptifs, moteurs, cognitifs ; elle est donc une activité dont la dimension psychomotrice est évidente. De plus, les troubles de l'écriture constituent un motif fréquent de consultation du psychomotricien, trop peut-être. En tout cas, on peut se demander si une pédagogie de l'écriture s'appuyant davantage sur la psychomotricité ne pourrait pas éviter d'entreprendre parfois un suivi rééducatif ou thérapeutique. Notre problématique consiste donc à chercher les fondements d'une pédagogie de l'écriture, particulièrement ce que peut lui apporter spécifiquement la psychomotricité. Celle-ci constitue aujourd'hui le moyen de traiter les troubles de l'écriture en dehors du cadre scolaire, c'est-à-dire dans le cabinet du psychomotricien. Mais elle est aussi l'éducation psychomotrice qui concerne l'enfant à l'école. Nous allons donc nous mettre en quête des données de la psychomotricité éducative et rééducative ou thérapeutique car elles peuvent, à notre avis, aider les enseignants à construire leur pédagogie de l'écriture. Mais il nous fait d'abord mieux appréhender la réalité de cette crise actuelle de la pédagogie de l'écriture. Nous chercherons donc à en identifier les origines. Puis nous analyserons les manuels d'écriture élaborés par des enseignants, conseillers pédagogiques, rééducateur en psychomotricité et inspecteurs départementaux de l'Education Nationale 4 . Ecrits dans le but de résoudre cette crise, ils ont fourni aux enseignants des indications pour enseigner l'écriture aux enfants. Ayant été moi-même enseignant, je comprends que de tels ouvrages aient paru ; il est vraisemblable que, concerné par la question à l'époque, j'aurais souhaité en trouver. Ils disent en effet ce qu'il 'faut' faire et, lorsque l'on rencontre des difficultés dans une classe, on est en quête de tels conseils. Intervenant dans la formation initiale des enseignants du premier degré, je constate fréquemment cette même demande de conseils pratiques. Et ces manuels comportent des indications intéressantes. Ils considèrent l'acte d'écrire dans sa complexité psychomotrice, prenant en compte qu'il comporte des éléments perceptifs, moteurs, cognitifs. Nous pourrons constater qu'ils font parfois référence à la psychomotricité dont ils utilisent certains concepts et certaines pratiques. Malheureusement, nous le verrons, ils comportent aussi des incohérences qui constituent à nos yeux une manifestation de la crise qu'ils veulent contribuer à résoudre. L'existence de cette crise de la pédagogie de l'écriture a conduit à des publications d'un autre type, dans le domaine de la psychologie et des sciences de l'éducation. Ainsi, c'est parce qu'elle estime que l'enseignement de l'acte graphique est trop délaissé que Liliane Lurçat a écrit plusieurs ouvrages pour communiquer le résultat de ses recherches. Pour elle, il faut préparer et accompagner l'apprentissage de l'écriture en s'appuyant sur le développement de l'enfant. Ce qui suppose connaître celui-ci, savoir comment l'acquisition de l'écriture se réalise progressivement. C'est aussi la position de Marguerite Auzias qui a travaillé dans l'équipe de Julian de Ajuriaguerra 5 dans le domaine de la rééducation de l'écriture, prenant aussi appui sur l'évolution génétique de l'écriture. D'autres chercheurs prennent le contre-pied de la position commune uploads/Litterature/ these-test.pdf
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- Publié le Nov 04, 2022
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