DU MÊME AUTEUR Aux Éditions Gallimard DU CÔTÉ DE CHEZ JEAN UN AMOUR POUR RIEN A
DU MÊME AUTEUR Aux Éditions Gallimard DU CÔTÉ DE CHEZ JEAN UN AMOUR POUR RIEN AU REVOIR ET MERCI LA GLOIRE DE L'EMPIRE AU PLAISIR DE DIEU LE VAGABOND QUI PASSE SOUS UNE OMBRELLE TROUÉE DIEU, SA VIE, SON ŒUVRE ALBUM CHATEAUBRIAND(« Bibliothèque de la Pléiade ») GARÇON DE QUOI ÉCRIRE(entretiens avec François Sureau) HISTOIRE DU JUIF ERRANT LA DOUANE DE MER PRESQUE RIEN SUR PRESQUE TOUT CASIMIR MÈNE LA GRANDE VIE LE RAPPORT GABRIEL C'ÉTAIT BIEN Aux Éditions J.-C. Lattès MON DERNIER RÊVE SERA POUR VOUS (une biographie sentimentale de Chateaubriand) JEAN QUI GROGNE ET JEAN QUI RIT LE VENT DU SOIR TOUS LES HOMMES EN SONT FOUS LE BONHEUR À SAN MINIATO Aux Éditions Robert Laffont VOYEZ COMME ON DANSE ET TOI MON CŒUR POURQUOI BATS-TU UNE FÊTE EN LARMES LA CRÉATION DU MONDE QU'AI-JE DONC FAIT DISCOURS DE RÉCEPTION DE SIMONE VEIL À L'ACADÉMIE FRANÇAISE ET RÉPONSE DE JEAN D'ORMESSON C'EST UNE CHOSE ÉTRANGE À LA FIN QUE LE MONDE Aux Éditions NiL UNE AUTRE HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE (deux volumes) Aux Éditions Julliard L'AMOUR EST UN PLAISIR LES ILLUSIONS DE LA MER Aux Éditions Grasset TANT QUE VOUS PENSEREZ À MOI (entretiens avec Emmanuel Berl) Aux Éditions Héloïse d'Ormesson ODEUR DU TEMPS SAVEUR DU TEMPS L'ENFANT QUI ATTENDAIT UN TRAIN (conte pour enfants) LA CONVERSATION (théâtre) Jean d'Ormesson de l'Académie française UN JOUR JE M'EN IRAI SANS EN AVOIR TOUT DIT roman © Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 2013 ISBN numérique : 9782221138670 Remerciements À Malcy Ozannat sans qui ce livre n'aurait pas pu voir le jour. TOUT PASSE Παντα ‘ρει Héraclite Chapitre premier Où l'auteur s'inquiète brièvement du sort d'un genre littéraire si longtemps triomphant et où il entre avec audace dans le vif du sujet. Vous savez quoi ? Tout change. Le climat, à ce qu'on dit. Ou la taille des jeunes gens. Les régimes, les frontières, les monnaies, les vêtements, les idées et les mœurs. Une rumeur court : le livre se meurt. Voilà près de trois mille ans que les livres nous font vivre. Il paraît que c'est fini. Il va y avoir autre chose. Des machines. Ou peut-être rien du tout. Et le roman ? Il paraît que le roman est déjà mort. Ah ! bien sûr, il y a encore de beaux restes. Des réussites. Des succès. Des... comment dites-vous ?... des bestsellers. Pouah ! Les romans aussi, c'est fini. Nous les avons trop aimés. Gargantua, Pantagruel, Don Quichotte, Athos, Porthos, Aramis, d'Artagnan, Gavroche, Fabrice et Julien, Frédéric et Emma, le prince André, Natacha et Anna, les frères Karamazov, la cousine Bette, le Père Goriot et ses filles, Anastasie et Delphine, les familles Rougon-Macquart, Forsyte, Buddenbrook – on dirait un faire-part –, Vautrin, Rubempré, Rastignac, le narrateur et Swann et Charlus et Gilberte et Albertine et Rachel-quand-du-Seigneur et la duchesse de Guermantes, lord Jim et lady Brett, Jerphanion et Jallez, mon amie Nane et Bel-Ami, Aurélien et Gatsby, le consul sous le volcan, Mèmed le Mince, l'Attrape-cœurs, le pauvre vieux K à Prague et Leopold Bloom à Dublin qui se prend pour Ulysse : ce monde de rêve et de malheurs changés soudain en bonheur ne durera pas toujours. Ses silhouettes de femmes, de maîtresses, de jeunes filles, ses fantômes de géants s'éloignent dans le passé. L'herbe a du mal à repousser derrière eux. Les seconds couteaux s'agitent. Les truqueurs déboulent. Les poseurs s'installent. L'ennui triomphe. Tout le monde écrit. Plus rien ne dure. On veut gagner de l'argent. Presque une espèce de mépris après tant d'enchantements. Le genre s'est épuisé. L'image triomphe et l'emporte sur l'écrit en déroute. Voici pourtant encore un livre, quelle audace ! voici encore un roman – ou quelque chose, vous savez bien, qui ressemble à un roman : des histoires, quelques délires, pas de descriptions grâce à Dieu, un peu de théâtre, pourquoi pas ? et les souvenirs, épars et ramassés pêle-mêle, d'une vie qui s'achève et d'un monde évanoui. Peut-être ce fatras parviendra-t-il, malgré tout, à jeter sur notre temps pris de doute comme un mince et dernier rayon ? Et même, qui sait ? à lui rendre enfin un peu de cette espérance qui lui fait tant défaut. Chapitre II Où l'auteur reconnaît qu'il n'est ni Benjamin Constant, ni Émile Zola, ni François Mauriac. Il s'en désole, bien sûr – et il s'en console. Autant l'avouer tout de suite. Je n'ai aucune intention de vous proposer quelque chose dans le genre d'Adolphe, de Nana ou de Thérèse Desqueyroux. Et pour deux raisons au moins. La première : je ne peux pas. La deuxième : je ne veux pas. Je ne peux pas. J'aurais du mal à être aussi subtil (et aussi changeant) que Constant, aussi puissant (et aussi pesant) que Zola, aussi tourmenté (et aussi faux jeton) que Mauriac. Ils étaient très patients. Je le suis beaucoup moins. Ils travaillaient beaucoup. Je ne déteste pas m'amuser. Ils avaient comme du génie. Ce n'est pas le genre de la maison. Ils sont arrivés, toutes voiles déployées, sous les acclamations, dans la lumière du port. Je rame encore à l'ombre. Ce n'est pas seulement que je ne peux pas. Je ne veux pas. Pourquoi ? C'est tout simple : ils appartiennent au passé. J'invente autre chose. Ils sont morts. Je suis vivant. Ah ! pas pour toujours. Mais pour encore un peu de temps qu'il faut tâcher de ne pas perdre. Et le comble : je suis bon garçon. Voilà déjà un bail qu'à notre époque de dérision et de contestation je fais – et peut-être presque seul – profession d'admiration. Je les admire. Plus que personne. On dirait un benêt toujours prêt à les applaudir. Je les admire, mais je ne les imite pas. Je ne marche pas dans leurs traces. J'admire aussi, et plus encore, Homère, Ronsard, La Fontaine, Racine, et quelques autres. Il ne me viendrait pas à l'esprit, même si j'en étais capable, d'écrire une épopée, un sonnet, une ode ou une tragédie classique. Laissons les morts enterrer les morts. Nous en avons trop vu. Après tant de désastres et de ruines, le théâtre est méconnaissable. La pièce n'est plus la même. Les décors ont changé. L'histoire galope. Nous n'avons plus le temps. Il n'est pas impossible que les raisins d'hier soient trop verts aujourd'hui. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que nous sommes rassasiés. Il nous faut autre chose. Pour être tant bien que mal et si peu que ce soit à la hauteur de nos maîtres vénérés et trahis, il s'agit d'abord de nous éloigner d'eux, de les combattre, de trouver des chemins qu'ils n'aient pas parcourus. Vous savez ce que nous voulons, ce que nous espérons, ce que nous essayons de faire avec une espèce de désespoir ? Du nouveau. Encore du nouveau. Toujours du nouveau. Chapitre III Où l'auteur, à la surprise du lecteur, et peut-être à son indignation, dénonce les mutins de Panurge et se refuse avec obstination à se prétendre moderne. Le piège à éviter, c'est de se jeter dans le moderne. Tout le monde veut être moderne et, comme si ça ne suffisait pas, tout le monde veut être rebelle par-dessus le marché. Pour être au goût du jour, tout le monde cherche à grimper dans le train déjà bondé des mutins de Panurge. C'est un joyeux tintamarre, plein d'argent comme jamais, ou plutôt comme toujours. Les mauvaises manières en plus. Tournent dans ce manège non pas tant, comme on pourrait s'y attendre, les plus déshérités, les hors-la-loi, les laissés-pour-compte de l'histoire, mais surtout, sans vergogne, ceux qui ont déjà tout et qui veulent encore le reste, les banquiers ivres de Chine, les milliardaires en perdition qui, à défaut de rendre l'argent, en disent au moins du mal. Le comble du moderne, c'est à la fois de passer pour rebelle, d'avoir le pouvoir et d'être plein aux as. Ah ! bravo ! Quel chic ! Être résolument moderne est une tentation que j'ai fini par repousser. Pour la bonne raison que le moderne sent déjà le moisi. Il y a cent ans, l'histoire s'est emballée. L'avenir, tout à coup, a été autre chose que le passé. Au point que les mots nous manquent pour tenter de nous définir. Le nouveau, à peine né, est aussitôt une vieille lune. Le moderne est hors d'âge et déjà derrière nous. Le postmoderne est dépassé et un peu ridicule. Le contemporain, à son tour, est tombé dans les oubliettes. Nous sommes des écureuils qui courent de plus en plus vite dans une roue sans fin et qui se mordent la queue. Les événements, les livres, les spectacles, les sentiments, les idées passent à bride abattue, comme l'herbe et comme le vent. La tête nous tourne. Quelques-uns crient qu'ils veulent descendre et essaient de sortir. Mais sortir est interdit. Nous sommes enfermés dans le système et il n'est pas permis de s'échapper. Même si nous le voulions. Et nous ne le voulons pas vraiment. Le système, c'est ce monde que nous avons tricoté tous ensemble uploads/Litterature/ un-jour-je-men-irai-sans-en-avoir-tout-dit-jean-dormesson-z-lib-org.pdf
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- Publié le Sep 01, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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