NOUVELLES ORIENTATIONS DE LA RECHERCHE EN ICONOGRAPHIE COMMANDITAIRES ET SPECTA
NOUVELLES ORIENTATIONS DE LA RECHERCHE EN ICONOGRAPHIE COMMANDITAIRES ET SPECTATEURS Author(s): Paul Zanker Source: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Fasc. 2 (1994), pp. 281-293 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41737738 . Accessed: 15/12/2014 13:01 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Archéologique. http://www.jstor.org This content downloaded from 186.247.9.228 on Mon, 15 Dec 2014 13:01:09 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions NOUVELLES ORIENTATIONS DE LA RECHERCHE EN ICONOGRAPHIE COMMANDITAIRES ET SPECTATEURS par Paul Zanker En règle générale les archéologues ne sont pas des théoriciens. Pour cela, leur travail est trop lié à la terre et aux objets. Rares sont leur discussions de méthode explicites. Celui qu'intéressent la théorie et les nouveaux questionnements cherchera à le faire à travers l'étude d'exemples précis. La bonne raison pour laquelle, en archéologie classique, le positi- visme historique n'a jamais connu de crise, c'est que plus encore que dans les autres disci- plines, nous avons à identifier et à classer le matériel. A parcourir les principales revues spé- cialisées on retire l'impression, selon le point de vue qu'on adopte, ou bien d'un progrès continu des connaissances ou bien d'une recherche avant tout matérielle sans grande ambi- tion interprétative. Cependant, à y regarder de plus près, on doit reconnaître que même l'ar- chéologie classique n'est pas restée à l'écart des questions soulevées en sciences humaines dans les trente dernières années. Cela vaut en particulier pour cette spécialité qu'on appelle l'iconographie. Je ne veux pas m'étendre ici sur la différence entre iconographie et iconologie fréquem- ment discutée à partir de la définition donnée par E. Panofsky. Ce que j'appelle ici iconogra- phie, pour être bref, c'est l'analyse de tout ce qui touche à la signification des images : l'her- méneutique de l'image. A la suite de cette définition, les images ne sont pas conçues comme des œuvres d'art fermées sur elles-mêmes, mais comme autant d'éléments appartenant au monde du vécu, de la « réalité » politique, sociale et culturelle, comme miroir où la société se réfléchit elle-même. Pour beaucoup une telle formulation semble aujourd'hui aller de soi, mais il n'en était nullement ainsi il y a trente ans. Au moins pour l'archéologie et l'histoire de l'art de langue allemande, la question principale pour l'œuvre d'art avant et après la seconde guerre mon- diale était sa qualité, son style et sa « structure », considérés comme autant d'éléments inva- riables, indépendants du temps. Il va sans dire qu'un problème d'iconographie était, lui aussi, traité en présupposant la continuité de l'époque archaïque jusqu'au Bas-Empire et en faisant abstraction du contexte historique précis, des expériences et des représentations des contemporains. Aujourd'hui encore, pour beaucoup d'archéologues, l'iconographie ne signi- fie rien d'autre que répondre à la question : qu'est-ce qui est représenté et comment peut-on Rev. Arch., 2/1994 This content downloaded from 186.247.9.228 on Mon, 15 Dec 2014 13:01:09 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 282 Paul Zanker mettre en rapport l'image avec d'autres images antérieures, illustrant le même thème ? En lisant un certain type d'analyse iconographique, on a l'impression que le spectateur présumé de l'Antiquité était un lexique vivant à même d'avoir immédiatement à disposition, comme le chercheur moderne, tout le savoir présent dans la littérature antique de toutes les périodes et rassemblé dans le Roscher ou chez Pauly-Wissowa. Le processus qui a conduit à considérer les images comme faisant intégralement partie du vécu et de la culture d'une société a obéi a des motivations très diverses. Par exemple, dans le monde allemand, la question centrale a été celle de la fonction politique et sociale des images. Ensuite la sémiotique a attiré l'attention sur les formes et les lois de la communica- tion visuelle (mais l'usage excessif d'un vocabulaire spécialisé a obscurci les choses). En France les influences les plus fortes sont à chercher d'une part du côté de l'anthropologie his- torique, de l'autre de l'histoire des mentalités, et, dans le monde anglo-saxon, c'est plutôt la critique littéraire et surtout l'esthétique de la réception qui ont eu une influence. Dans les dernières années c'est le débat sur l'émancipation et les droits des minorités, particulièrement actif aux Etats-Unis, qui a été reçu, parfois avec beaucoup de passion, dans les études icono- graphiques portant sur l'art antique. Ces quelques indications suffisent à montrer qu'il n'est pas possible, et que cela n'au- rait pas grand sens, d'entreprendre de faire ici un tour d'horizon de la continuité et des nou- veautés dans le domaine de l'iconographie du point de vue de ces avances méthodologiques ; pas plus qu'il ne serait possible ou utile d'évaluer les orientations de la recherche ou les cher- cheurs eux-mêmes. Je me limiterai donc à quelques observations personnelles qui sont celles d'un archéologue de langue allemande, d'abord spécialiste de l'art hellénistique et romain. Pour décrire à un premier niveau les différentes situations on peut faire les observations suivantes : au cours des trente dernières années, l'intérêt s'est porté surtout vers deux figures qui auparavant ne retenaient guère l'attention pour elles-mêmes, c'est-à-dire le commandi- taire et le spectateur antique des images. « A un premier niveau », parce que la question du commanditaire et du spectateur n'est, pour finir, rien d'autre qu'un moyen permettant d'at- teindre le but final vers lequel tend cette nouvelle orientation. Et ce but ne vise à rien d'autre qu'à comprendre la totalité du monde des images d'une société, son système et sa « place dans la vie », c'est-à-dire sa signification dans l'ensemble de la culture en question. Je voudrais tenter d'indiquer les implications et les conséquences importantes de ce constat pour les études iconographiques, en m'arrêtant un peu sur la question, en apparence si simple, du commanditaire et du spectateur. 1. DES MULTIPLES COMMANDITAIRES DANS L'ART DU PRINCE Le climat politisé des universités de la fin des années soixante favorisait l'intérêt pour les dimensions politiques et sociales de l'art antique. Sur fond d'expérience des dictatures et des idéologies du xxe siècle, l'art officiel romain conduisait particulièrement à poser la ques- This content downloaded from 186.247.9.228 on Mon, 15 Dec 2014 13:01:09 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Nouvelles orientations de la recherche en iconographie 283 tion des intentions de propagande et celle des programmes idéologiques. Au premier abord, l'empereur apparaissait comme une figure très claire de commanditaire dont on pouvait ana- lyser la propagande politique et faire, à la limite, une critique idéologique. Mais, peu à peu, il est apparu qu'on ne pouvait pas simplement impliquer un modèle moderne de propagande, dans lequel les spectateurs, conçus comme « public cible », doivent être conduits, sous l'effet d'un appareil de propagande mettant en jeu des méthodes raffinées, à des comportements qui ne sont pas dans leur intérêt. Une telle organisation de la propagande n'a, d'après ce que nous savons, jamais existé dans l'Antiquité. Les monuments qu'on qualifie à tort d'art officiel (mieux vaudrait parler d'art du prince) n'ont été, pour la plupart, ni commandés ni payés par le prince lui-même. Ont bien d'avantage contribué à l'éloge du prince et à son culte les diffé- rentes associations, groupes et individus, en érigeant des monuments grands ou petits en l'honneur de l'empereur, en organisant des fêtes en son honneur et en offrant des sacri- fices, etc. Au lieu d'un commanditaire, nous en avons plusieurs : le sénat, les cités, les corpo- rations, les individus. Et tous, par leur activité en l'honneur de l'empereur, poursuivaient des intérêts différents. Pour cette raison, l'interprétation politique et idéologique ne suffit plus, comme autre- fois dans les analyses iconographiques. Il faut aussi prêter attention aux intérêts des diffé- rents commanditaires, aux choix et à la provenance des images, au lieu d'exposition et à la tradition des ateliers qui ont exécuté l'œuvre, bref, aux fonctions du monument et à son insertion dans le monde vécu. Car toutes ces conditions ont probablement influencé et en partie déterminé la conception et la réception d'une iconographie. La colonne Trajane, par exemple, est dédicacée par le sénat. Sans doute était-ce dans l'intérêt des sénateurs de repré- senter l'empereur comme un chef militaire républicain sans éléments idéalisants. Au contraire l'empereur apparaît, sur les grands reliefs du forum de Trajan qu'il a lui-même financés, comme un combattant héroïque et vainqueur des barbares. Si l'on cherche les liens fonctionnels de ce type en se plaçant du point de vue du com- manditaire, on aboutit alors à une interprétation critique de l'idéologie de chaque image et du même coup à la reconstruction d'un système d'images. Mais ce système se forme dans le cadre d'un « dialogue », à travers les images, uploads/Litterature/ paul-zanker-nouvelles-orientations-de-la-recherche-revue-archeologique.pdf
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- Publié le Jui 21, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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