Anne-Élisabeth LE BOULC’H Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de Do

Anne-Élisabeth LE BOULC’H Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de Docteur de l'Université de Nantes sous le sceau de l’Université Bretagne Loire École doctorale : Sociétés, temps, territoires Discipline : Histoire des sciences et des techniques Spécialité : (7) Unité de recherche : Centre François Viète Soutenue le 29 Novembre 2017 Thèse N° : (10) Une histoire de la greffe végétale au XIXe siècle et au début du XXe siècle Enjeux scientifiques d’une pratique horticole JURY Président du jury Olivier PERRU, Professeur des universités, Université Lyon 1 OM Rapporteurs : Christophe BONNEUIL, Directeur de recherche CNRS, Centre Alexandre Koyré, Paris M Olivier PERRU, Professeur des universités, Université Lyon 1 OM Examinateurs : Laurent LOISON, Chargé de recherche, IHPST, Paris Marie-Helène SIMARD, Docteur-Ingénieur INRA, Angers Directeur de Thèse : Stéphane TIRARD, Professeur des universités, Centre François Viète, Nantes Co-directeur de Thèse : Cristiana OGHINA-PAVIE, Maître de conférences, CERHIO, Angers 2 3 « La technique se nourrit de la science qui, en retour l’utilise pour explorer ce qui était naguère hors de portée1. » « La greffe est une branche de la Botanique appliquée trop longtemps négligée par les savants à cause de la complexité de ses effets et peut-être parce que, nécessitant des connaissances pratiques longues à acquérir, elle déroutait de bonne heure l’expérimentateur par des insuccès et des résultats en apparence contradictoires2. » Lucien Daniel 1 « Édito », Pour La Science, février 2014, n°436, p. 1. 2 L. Daniel, Études sur la greffe, Rennes, Oberthur, 1927, tome 1, p. 5. 4 5 SOMMAIRE Remerciements ....................................................................................................................... 7 Introduction ............................................................................................................................ 9 Première partie : 1820-1860, la naissance du dialogue horticulture-science autour de la greffe ................................................................................................................................. 35 Chapitre 1 : Les lieux de dialogue, la naissance de l’horticulture scientifique française ..... 37 Chapitre 2 : La greffe végétale, l’apport des sciences à un objet d’étude horticole .............. 61 Chapitre 3 : Une conception de la greffe variable, en fonction des plantes considérées ...... 83 Deuxième partie : La greffe, sa place dans les débats théoriques de la deuxième moitié du XIXe siècle ..................................................................................................................... 105 Chapitre 4 : La structuration de la botanique et de l’horticulture pendant la deuxième moitié du XIXe siècle ...................................................................................................................... 107 Chapitre 5 : Les travaux de Lucien Daniel (1856- 1940) sur la greffe végétale .................. 125 Chapitre 6 : Les hybrides de greffe, empirisme ou néolamarckisme ? ................................ 186 Troisième partie : Une étude de cas de l’enjeu pratique et scientifique de la greffe : son utilisation lors de la crise du phylloxéra (1864-1908) .............................................. 213 Chapitre 7 : La crise du phylloxéra ...................................................................................... 215 Chapitre 8 : La reconstitution de la vigne par l’utilisation de la greffe ............................... 229 Chapitre 9 : La mise en place de réseaux lors de la résolution de la crise ........................... 260 Conclusion .......................................................................................................................... 279 Annexes ............................................................................................................................... 283 Sources et bibliographie .................................................................................................... 311 Table des illustrations ........................................................................................................ 327 Table des tableaux.............................................................................................................. 329 Index des noms propres ..................................................................................................... 331 Table des matières.............................................................................................................. 335 6 7 Remerciements Ce travail effectué en parallèle de ma vie professionnelle d’enseignante a commencé il y a 7 ans. Il m’a permis de renouer avec ma formation initiale, l’agronomie, sous un angle historique et épistémologique. Je tiens ici à remercier très sincèrement Monsieur Stéphane Tirard, mon directeur de thèse, pour m’avoir proposé ce beau sujet d’étude, pour son enseignement de l’épistémologie des Sciences de la Vie et de la Terre et pour ses apports au sujet, toujours très éclairants. Je remercie également très chaleureusement Madame Cristiana Oghina-Pavie, ma co-directrice de thèse, pour son aide tout au long de ces années de recherche, ses conseils avisés et motivants, sa grande disponibilité et son soutien indéfectible dans les moments de doute. Mes remerciements vont aussi à Marie-Hélène Simard, ingénieur à l’INRA, pour sa passion communicative pour l’étude de la greffe végétale. Je remercie également les enseignants de SupAgro Montpellier pour leur accueil lors de mon déplacement dans leur école. Enfin, ce travail n’aurait pas été possible sans le soutien de ma famille. Je les remercie très affectueusement, Ludovic, pour son soutien moral sans faille et son aide dans la relecture de ce travail, Lola et Joseph, pour leur patience avec une maman étudiante. Je suis également redevable à mes parents, en particulier mon père qui n’est pas étranger à mon intérêt pour les greffes. À tous un grand merci pour m’avoir permis de mener à bien la rédaction de ce mémoire. 8 9 Introduction L’enluminure du XVe siècle représentée sur la figure 1 montre Isis, la déesse de l’arboriculture, effectuant une greffe. Semblant flotter dans les airs, elle attache avec un lien un greffon introduit dans le tronc d'un arbre. En arrière-plan plusieurs arbres d’espèces différentes sont prêts à être greffés. D’après leur feuillage, on reconnait en bas à droite, une vigne, au milieu, des feuilles de chêne, à gauche, un poirier ou un pommier. Par son apparence surnaturelle, elle symbolise la vision de la greffe véhiculée par les traités de jardinage, antiques, médiévaux et de la Renaissance. En effet, il est alors de conception courante que l’homme qui maîtrise la greffe peut créer des merveilles, faire des miracles. Les techniques sont déjà parfaitement maîtrisées. Mais l’idée de surnaturel, très présente, laisse penser qu’avec la greffe tout est possible3. Des greffes invraisemblables sont décrites, notamment un greffon enduit de miel de gingembre ou de cannelle qui donnerait des fruits parfumés. La greffe végétale est une technique complexe qui permet aux horticulteurs de transformer ou de contrôler la nature par un savoir pratique. Mais elle nécessite dans le même temps de mobiliser des savoirs scientifiques associés à la vie des plantes. Une double compétence pratique et théorique permet une bonne maitrise de la greffe végétale. Ainsi, il s’agit d’un sujet privilégié pour comprendre les transferts de connaissance entre la pratique et la théorie. Présentation et définition du sujet Notre étude débute vers 1820, date à laquelle le terme « horticole » est introduit en français, même si la pratique en est bien plus ancienne. L’essor de l’horticulture commerciale se traduit par la création d’un très grand nombre de Sociétés d’horticulture, à commencer par celle de Paris, le 11 juin 18274. De nouvelles revues apparaissent notamment Les Annales de la Société d’Horticulture de Paris ou la Revue Horticole, permettant l’accès au savoir d’un plus grand nombre. 3 F. Quellier, Histoire du jardin potager, Paris, Armand Colin, 2012, pp. 74-76. 4 C. Baltet, L’Horticulture française : ses progrès et ses conquêtes depuis 1789, Paris, Librairie agricole, 1892, p. 2. La Société d’Horticulture de Paris devient plus tard la Société d’Horticulture de France. 10 Figure 1 : Isis greffe un arbre5 5 Christine de Pisan, L'Épître d'Othéa, Maître de l'épître d'Othéa, Paris, BnF, vers 1406, département des Manuscrits Français 606, fol. 13v. allégorie XXV. Dans cet ouvrage, la poétesse imagine un dialogue épistolaire entre la déesse Othéa (la sagesse) et le héros Hector de Troie (le duc Louis d'Orléans). Les enluminures qui illustrent ce dialogue sont consacrées aux dieux et aux héros de la mythologie. Les travaux agricoles sont chargés d’un sens mystique. La greffe évoque la miraculeuse conception du Christ. La poétesse reprend ici l’idée issue de la tradition gréco-romaine qui fait d'Isis l'incarnation de la terre fertile et l'inventrice de l'agriculture. « Toutes 11 En 1821, André Thouin (1747-1824), Professeur de culture au Muséum d’histoire naturelle de Paris, définit la greffe comme « une partie végétale vivante, qui, unie à une autre, s’identifie et croît avec elle, comme sur son propre pied, lorsque l’analogie entre les individus est suffisante6.» Celui-ci reprend en la simplifiant la définition donnée par Henri Louis Duhamel du Monceau7 (1700-1782). Depuis le début du XIXe siècle, la définition de la greffe n’a pas beaucoup évolué. Pour preuve, cette description ressemble à celle donnée par Hartmann en 1990 : « le greffage est l’art de connecter deux échantillons de tissus vivants de façon à ce qu’ils s’unissent puis croissent et se développent comme une seule plante8. » La greffe est aujourd’hui, d’après la définition du Larousse, « l’opération qui permet la multiplication des arbres fruitiers, de la vigne, de nombreuses espèces ornementales (arbres, rosiers, etc…) et de certains légumes sous serre (tomate, melon) par l’insertion sur une plante (sujet) d’une partie d’une autre (greffon) dont on désire développer les caractères ». Au-delà de sa définition, il est important de rappeler en quoi consiste concrètement cette opération horticole. Elle permet d’effectuer une union entre deux végétaux et ainsi d’associer les qualités de deux individus, le porte-greffe et le greffon. L’union se fait à travers une zone de contact, le point de greffe ou bourrelet de greffe qui est en même temps, une zone de cicatrisation et une zone d’échange (figure 2). Si la continuité des tissus conducteurs n’est pas rétablie, les végétaux sont incompatibles. Au contraire, quand la cicatrisation se passe bien, on dit que les individus sont compatibles et il est alors possible d’envisager de très nombreuses associations entre des variétés, des espèces ou des genres différents. Ensemble, le greffon et le porte-greffe forment ce que l’on appelle uploads/Litterature/ une-histoire-de-la-greffe-vegetale-au-xixe-siecle-et-au-debut-du-xxe-siecle 1 .pdf

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