! Le passage que nous avons lu est Genèse 18, versets 1 à 16. Il est en lien av
! Le passage que nous avons lu est Genèse 18, versets 1 à 16. Il est en lien avec les épisodes qui l’entourent grâce à un réseau de symétries : le rire de Sarah au chapitre 18 fait écho à celui d’Abraham au chapitre 17. La visite des hommes à Loth (à Sodome) au chapitre 19 fait écho à celle de ces hommes (ils sont trois cette fois) à Abraham (à Mamré). Le thème de l’Alliance et de la génération est partout présent au cours des chapitres suivant le Déluge. Il présente pourtant une claire unité narrative, unité aménagée à l’aide d’un système très cohérent d’éléments encadrants. ! L’épisode qui précède notre passage est le chapitre 17, qui est un moment capital dans l’histoire biblique : Abram devient Abraham, Saraï devient Sarah, la circoncision est instituée et Dieu engage une alliance avec Abraham (et avec Sarah). Cette alliance promet à Sarah et Abraham une descendance (tu seras le père d’une multitude de peuples) lointaine et proche : la naissance d’Isaac doit avoir lieu (Mais je maintiendrai Mon alliance avec Isaac que Sarah t’enfantera, à cette époque, l’année prochaine) dans un délai cette fois bien précis (la première annonce de Dieu à Abram a lieu alors qu’il a 75 ans -chap. 12-, il en a maintenant 99 !). On le voit donc, notre passage est délimité en amont par le chapitre 17 qui constitue une très forte unité. ! Immédiatement après notre passage, vient l’intercession d’Abraham en faveur de Sodome. Puis viendront, chapitre 19, les épisodes de la visite des Anges à Loth, la fuite de Loth, de sa femme et de ses filles, puis le difficile épisode de l’inceste de Loth aviné avec ses filles. Ensuite, au chapitre 20, l’épisode de l’enlèvement de Sarah par Avimélekh, du traité de ce dernier avec Abraham et de sa guérison subséquente. Enfin, au chapitre 21, la naissance d’Isaac (Hachem s’était souvenu de Sarah comme il l’avait dit...) est l’aboutissement concret de notre passage qui est celui d’un renouvellement de la promesse de Dieu concernant la descendance de Sarah et d’Abraham. Nous le voyons, la distribution des épisodes en aval est clairement définie ; notre passage est ainsi mis en contraste (de digression apparente jusqu’au chapitre 20 : Dieu doit se rappeler le fil principal de sa narration !) avec les suivants. ! Si nous regardons les marqueurs d’entrée et de sortie du passage nous avons au début : Dieu lui apparut dans les plaines de Mamré, alors qu’il était assis à l’entrée de la tente, dans la chaleur du jour. Cette phrase est une sorte de résumé du passage, alors que ce dernier commence vraiment avec l’apparition des hommes à Abraham (verset 2). À la fin, nous avons l’annonce d’une rupture narrative avec, au verset 16, le départ des hommes raccompagnés par Abraham. Il est ensuite question de Sodome et Gomorrhe. Le thème du regard boucle le passage : Il (Abraham) leva et vit au verset 2, Les hommes se levèrent de là et portèrent leur regard en direction de Sodome au verset 16. ! Si nous ne savons pas où se passent les événements qui précèdent notre passage, nous savons que ce dernier a pour cadre les chênes de Mamré (v.1). En effet, dès le verset 17, Abraham accompagne les hommes, vraisemblablement vers Sodome. Le cadre temporel est tout aussi clair : puisque Sarah n’est pas encore enceinte d’Isaac (son incrédulité quant à l’annonce de sa fécondité à venir semble sincère) et que Dieu a annoncé à Abraham un délai d’un an avant la naissance d’Isaac au chapitre précédent, cela signifie que l’on se trouve dans les trois mois qui suivent la circoncision d’Abraham. Ce dernier a toujours 99 ans et Sarah, 89. Au plus chaud du jour, à midi donc arrivent les hommes. Ils repartent on ne sait trop quand, mais ils arrivent à Sodome le soir (chap.19, v. 1) même (les trois hommes sont devenus deux anges...). Le temps de la préparation du repas et celui de la marche jusqu’à Sodome nous laisse supposer que notre passage se déroule sur une après-midi. ! Notre passage présente deux mouvements, nettement dessinés : Le premier du verset 2 au verset 8 est centré sur l’accueil qu’Abraham fait aux étranger, au service zélé qu’il leur offre. Le deuxième, du verset 9 au chapitre 18 est, lui, consacré à l’annonce faite à Sarah, à sa réaction, à la leçon que Dieu/les étrangers lui donnent. Au chapitre précédent, Dieu bâtissait son alliance en face d’Abraham, même si elle concernait aussi Sarah. Ici, l’alliance est affirmée en face de Sarah : Non, tu as ri (v.15). Vu sous l’angle de cette symétrie, on peut se demander si toute cette rencontre de voyageurs, d’accueil du Patriarche (dont la stature ne saurait être remise en cause par un si modeste événement : Abraham évidemment ne peut que se montrer accueillant envers des étrangers), n’a pas été “inventée” pour forcer une confrontation, une rencontre entre Dieu et Sarah. ! Dans le premier mouvement, nous pouvons préciser les différents moments de la geste d’Abraham. Aux versets 1-2, reconnaissance d’Abraham et mobilisation physique (on remarque le volontarisme dans la progression anaphorique : Il était assis/il leva les yeux/il vit/il vit/il courut/il se prosterna). Aux versets 3 à 5, il s’agit de l’invitation d’Abraham et de l’acceptation des voyageurs (c’est un moment de dialogue, ouvert par Abraham -il dit- et fermé par les voyageurs : Tu feras ainsi que tu as parlé). Aux versets 6 & 7, Abraham prépare le repas, en mobilisant Sarah et un seul serviteur (on remarque sa diligence : Abraham se hâta/hâte- toi/courut Abraham/il prit/il donna/il se hâta). Au verset 8, Abraham sert le repas (on remarque la posture de respect presque soumis d’Abraham : il se tient debout pendant qu’ils mangent, il a donné le meilleur de ses provisions sans participer au repas). Nous voyons donc que chaque moment met en valeur le dévouement infini d’Abraham (malgré l’âge et peut-être le fait qu’il souffre encore de la première circoncision de tous les temps). ! Le deuxième mouvement est plus difficile à comprendre, pour deux raisons. Tout d’abord le glissement entre les voyageurs (Ils lui Dirent, v. 9) et Dieu (Il dit, v.10) : on ne sait pas toujours si l’on se trouve dans l’ordre de narration “réaliste” ou dans l’ordre de la Prophétie, ni qui parle. Ensuite, on ne sait pas réellement quand Sarah devient pleinement destinataire de l’Annonce. Du verset 9 au verset 12 au moins, Sarah est dans la tente et ne se montre vraisemblablement pas aux étrangers (lorsqu’elle rit en son sein, elle n’émet aucun son, elle ne trahit pas son statut d’auditrice). Les questions surgissent : Sarah observe-t-elle en cachette - depuis la tente- le dialogue auquel participe son époux, et si oui, que voit-t-elle : les voyageurs, ou Dieu ? Et dans les deux cas, qu’est-ce qu’elle entend, une autorité naturelle suscitant une crainte naturelle (car elle craignait), ou une autorité divine suscitant une crainte révérencielle ? Pourquoi Dieu interroge-t-Il Abraham au sujet de l’incrédulité de Sarah (versets 13 & 14, une longueur de texte non négligeable) au lieu de S’affirmer directement face à Sarah. Sarah ne mérite-telle pas que Dieu lui confie face à face -comme Il le fait à Abraham- les termes de l’Alliance ? Au fond, qu’est-ce qui nous prouve, dans le texte, que Sarah a réellement compris qui lui a dit : Non, tu as ri ? ! Concluons. Tout d’abord, notre passage s’insère de façon cohérente dans l’enchaînement des chapitres du récit génésiaque des trois Patriarches. Ensuite, nous devons lire ce texte conjointement à celui de l’alliance de Dieu à Abraham dans le chapitre précédent, et conjointement aussi à celui de la visite des anges à Loth dans le chapitre suivant. Ensuite, le fait que le premier mouvement du texte, centré sur Abraham, semble fluide et facile à lire est le signe que la capacité d’accueil d’Abraham aux voyageurs comme à la Parole (dans les deux sens) de Dieu n’est pas problématique. En revanche, le fait même que la lecture du deuxième mouvement soit difficile semble bien prouver que la relation de Sarah avec Dieu n’est pas... simple. Sarah n’a-t-elle pas après tout tendance, face à une problématique d’ordre surnaturel, à chercher une solution naturelle (la constitution d’une descendance “fabriquée” via Hagar par exemple) ? C. L. uploads/Litterature/ une-lecture-minimale-de-genese-18-1-16.pdf
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- Publié le Mai 27, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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