INSTITUT D'HISTOIRE UNIVERSELLE ,N. IORGA" REVUE HISTORIQUE DU SUD-EST EUROPEEN

INSTITUT D'HISTOIRE UNIVERSELLE ,N. IORGA" REVUE HISTORIQUE DU SUD-EST EUROPEEN BUCAREST 1946 a XXIII www.dacoromanica.ro REVUE HISTORIQUE DU SUD-EST EUROPnEN XXIII FONDEE PAR N. IORGA 1946 COMITE DE DIRECTION: I. NISTOR N. BANESCU DIRECTEUR: G. I. BRATIANU SECRETAIRE: M. BERZA SOMMAIRE Pages HISTOIRE ET HISTORIENS G. I. BRATIANU: Un savant et un soldat: Marc Bloch (1886-1944) 5 D. M. PIPPIDI: Une ceuvre inedite de Nicolas Iorga: l'e Historiologie Humaine 21 G. I. BRATIANIT: Formules d'organisation de la paix dans l'histoire uni- verselle. Deuxieme partie 31 ROME ET BYZANCE EM. CONDURACHI:. Quelques considerations sur la 4 renaissance)) des arts plastiques a, l'epoque d'Hadrien 57 V. LAURENT: L'idee de iguerre sainte a la tradition byzantine 71 EUROPE BALKANIQUE ET DANUBIENNE D. M. PIPPIDI: Niceta di Remesiana e le .origini del cristianesimo daco- romano 99 V. COSTACHEL: La formation du benefice en Moldavie 118 MARIA GOLESCU: Danses et danseurs dans la peinture des églises rou- maines 1$1. G. I. BRATIANU: L'histoire roumaine &rite par les historiens hongrois beuxième partie '142 . . www.dacoromanica.ro REVUE HISTORIQUE DU SUD-EST EUROPREN XXIII www.dacoromanica.ro INSTITUT D'HISTOIRE UNIVERSELLE ,N. IORGA" REVUE HISTORIQUE DU SUD-EST EUROPtEN XXIII BUCAREST 1946 www.dacoromanica.ro HISTOIRE ET HISTORIENS UN SAVANT ET UN SOLDAT: MARC BLOCH (1886-1944 *) Tous ceux qui ont pris part a rune ou l'autre des grandes guer- res de notre siecle sans compter ceux qui ont eu le privilege de faire les deux se rappelleront sank doute la sensation qu'éprouvent les survivants, lorsqu'ils se comptent apres la fin de l'action. II apparait que personnellement, l'on s'en est tire une fois de plus ; mais autour de soi, que de pertes cruelles et irrempla cables, et toujours parmi les meilleurs1 A. la joie de se sentir gneore vivant, qui malgré tout s'impose aux moins egoIstes, d'autant plus qu'elle peut etre courte, s'attache l'amertume de tes vides soudains, on sombrent par la faute d'un éclat egare ou d'une balle perdue, les amities les plus rares et les qualités les plus nobles. C'est un sentiment du même genre qui s'empare de l'historien lorsqu'il tente, au lendemain de l'une des plus grandes catastrophes que ses annales aient eu a enregistrer, de faire l'appel des hommes avec lesquels il etait accoutume d'echanger, jadis, ouvrages et projets, dans cette grande communauté de travail que l'on pouvait dénommer a juste titre la Cite de Clio, au-dessus de la mêlée quoti- dienne des disputes et des passions humaines. Il en est dont aucune nouvelle n'est parvenue jusqu'à nous ; sont-ils toujours vivants, ou bien leur ceuvre a-t-elle subi l'interruption fatale de la Parque? Il en est qui se sont-eteints clans l'intervalle, a la fin d'une longue et glorieuse carrière, tel Charles Diehl que nous commémorions l'an passé et dont notre collegue I. D. tefanesco vient d'évoquer A nouveau le souvenir. Il en est qui, tel le grand fond.ateur de notre *) Communication a l'Institut d'Histoire Universelle 4 N. Iorga i de Huca- rest. www.dacoromanica.ro 6 G. I. BRATIANU Institut, ont disparu en pleine force de travail, en pleine vigueur, sous les coups d'ennemis .jures de toute liberté, comme de toute civilisation. II en est d'autres que le souffle des bombardements a emporté dans sa tourmente ; il en est enfin qui sont tombés en soldats, defendant a la fois le pays dont ils portaient les couleurs, et l'idee a laquelle ils avaient voué leur existence. C'est parmi ces derniers qu'il convient de placer Marc Bloch, le grand médieviste francais, dont nous voulons honorer aujourd'hui la mémoire. * * * Mais ce n'est pas le combattant que je voudrais d'abord évoquer ici, tel que sa fin heroique le marque d'une empreinte aussi inef- facable que glorieuse. Il nous faut parler d'abord du savant et de l'écrivain, qui sut réaliser pleinement, ce qui pour la plupart de ceux de notre profession demeure une tendance, ou un vaeu, trop souvent formule et presque jamais atteint: l'histoire vivante. Marc Bloch y etait plus qu'un autre admirablement prepare. Dans l'avant-propos qui precede le plus volumineux de ses ouvrages, Les rois thaumaturges9, sa piete filiale se plait a rendre hommage a son pere, auquel il declare devoir ((le meilleur d,e sa formation d'historien * et dont les le cons, commencées pour le fils des l'enfance, n'ont cesse qu'a sa mort. Il evoque egalement, l'étroite commu- nauté intellectuelle, on, de longue date, il avait vécu avec son here: <( médecin et passionné de son art, nous dit-il, il m'a aide a réfléchir sur le cas des rois-médecins ; attire vers l'ethnographie comparee et la psychologie religieuse par un gont singulièrement vif ... il m'a aide a comprendre l'intérêt des grands problemes que j'effleure ici... )). Les souvenirs et ces exemples, dont il était le premier a relever l'importance, nous aident egalement a mieux saisir la formation complexe, et pourtant d'une si grande harmonic dans sa diversité, de l'un des esprits les plus souples et des talents les plus nuances qui se soient consacres aux sciences historiques. Plie a une disci- pline dont il possédait a fond tous les elements, il a dil patiemment 1) Etude sur le caractère surnaturel attribu6 a la puissance royale particu- lièrement en Prance et en Angleterre. Public. de la Faculté des Lettres de l'Univ. de Strasbourg, 19, 1924, VIII + 542 p. www.dacoromanica.ro MARC BLOCH 7 accumuler ces années d'analyse des chartes et des textes, sans lesquelles il ne saurait exister de synthese vraiment féconde ; mais quelle que flit la conscience de son enquête et la richesse de sa biblio- graphie, il n'est jamais demeuré le prisonnier de ses references ou de ses fiches. Il venait a nos etudes d'un autre horizon, et l'on sent passer dans ses écrits jusque dans ses notes sur un point de detail ce souffle du large que le géographe ou le sociplogue sont plus a même de ressentir dans leurs travaux, que l'historien trop attaché a la lettre des archives. Hâtons-nous du reste d'ajouter que sa formation historique corrigeait la ;endance des tenants de ces autres specialités, a une simplification excessive ou une schématisation trop sommaire. Dans le grand ouvrage que nous venons de men- tionner, oil il analyse avec une science et une penetration vraiment admirables, t le caractere surnaturel longtemps attaché a la puis- sance royale, ce que l'on pourrait, en usant d'un terme que les sociologues ont legérement detourne de sa signification premiere, nommer la royauté (( mystique *1), son esprit critique réagit aussitat contre l'extension trop facile de certains faits constatés chez les peuples primitifs de notre temps, a l'histoire du Moyen Age europeen, rapprochement dont beaucoup ont emprunte l'idée au Rameau d'Or de Sir James Frazer. t Parmi les premiers missionnaires, ecrit a ce sujet Marc Bloch, beaucoup croyaient retrouver chez les t sau- vages *, plus ou moins effacées, toutes sortes de conceptions chré- tiennes. Gardons-nous de commettre rerreur inverse et ne trans- portons pas les Antipodes tout entiers a Paris et a Londres * 2). Observation judicieuse, dont il convient assurément de faire état, non seulement au sujet du toucher et de la guérison des écrouelles par les rois de France et d'Angleterre, mais dans bien d'autres domaines, trop facilement ouverts a la fantaisie de l'ethnographe ou aux categories arbitraires du classement sociologique. Et cepen- dant, comment ne pas reconnaitre dans le plan et la redaction de ce gros volume qui (( touche * d'une maniere presque aussi miracu- leuse, h la fois au, rite et au prestige dynastique, a revolution du sacre, aux explications legendaires et aux origines magiques, au probleme de l'onction et a rhagiographie, sans compter l'histoire 1) Les rois thaumaturges, p. 19. I) Ibid., p. 84. www.dacoromanica.ro 8 G. I. BRATIANU de la médecine et des aventures pathologiques du corps humain un chercheur qui embrasse du premier coup d'ceil un ensemble de problemes hien plus vaste, que ne pouvaient lui reveler la seule lecture des documents et des chroniques? ,Aussi bien avait-il deja fait paraitre, avant l'interruption de la premiere guerre mondiale, qu'il fit d'un bout a l'autre en premiere ligne, un essai sur l' I le de France, dans une collection sur Les régions de la France 1), oil se marquait son gat pour l'etude du sol et aussit8t apres la conclusion, de la paix, un chapitre d'histoire capetienne, Rois et Serf s 2), oil se manifestait sa predilection pour les problemes d'his- toire sociale. C'est armé de tous ces elements divers d'information et de recherche, l'esprit ouvert aux problemes d'histoire comparée auxquelles l'attachait désormais sa parfaite connaissance des lan- gues modernes de toute l'Europe Occidentale, qu'il était venu reprendre au lendemain de la guerre de 1914-18, a l'Université de Strasbourg, la tradition qu'y avait créé jadis l'enseignement de Fustel de Coulanges. * * * C'est également de cette double direction de sa pensée que procede le second, dans l'ordre chronologique, de ses grands travaux, le volume consacré aux <( Caracteres originaux de l'hisioire rurale fran gaise *, qui est bien davantage encore que son titre ne l'indique, l'apercu d'ensemble le plus complet et le plus original de l'histoire de la propriété uploads/Litterature/ v-laurent-revue-historique-du-sud-est-europeen-1946-pp-233-247 1 .pdf

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