GEORGES VAJDA OR HA-SEKHINA COMPLÉMENTS ET AUTOCRITIQUE Dans un livre publié il

GEORGES VAJDA OR HA-SEKHINA COMPLÉMENTS ET AUTOCRITIQUE Dans un livre publié il y a peu d’années1, j’ai relevé deux exemples de l’expression 'ôr ha-sekhïnâ chez le Karaite Yefet b. eElï, en faisant remarquer que je n’en connaissais pas d’exemples dans le Talmud et le Midrâs. Je n’en ai pas trouvé davantage, est-ce un effet de mon impéritie, depuis lors? Quoi qu’il en soit, les lecteurs compétents me disculperont difficilement d’en avoir négligé, par oubli, plusieurs autres attestations datant sans aucun doute, toutes ou la plupart d’entre elles, du siècle qui vit naître le commentateur karaïte. Qu’il me soit permis de les rappeler ici, en priant les experts de signaler par la suite les autres, qu’ils ne manqueront pas de repérer dans la littérature rabbanite et karaïte du xe-xie siècle. L’expression se trouve au moins deux fois chez Sa'adia, une fois en arabe, une autre fois dans une citation présentée en hébreu par Abraham Ibn 'Ezra. I. — Dans le texte arabe de son Kiiâb al-Amânâl wal-i'tiqâdât, Sa'adia désigne par nür al-sekhïnâ la lumière divine qui se lèvera sur le Temple reconstruit à l’époque messianique2. IL — Au cours d’un développement inspiré par l’idée de la correspondance entre le microcosme et le macrocosme, Sa'adia, 1. Deux commentaires karaites sur rEcclésiaste, Leyde, 1971, p. 216, n. 2. 2. Amânât VIII, 6, éd. S. Landauer, p. 245 ; éd. Y. Qâfih, p. 251 (traduction anglaise de S. Rosenblatt, p. 310) ; ’ôr ha-sekhïnâ dans la version de Juda Ibn Tibbon (impression de Leipzig, 1859, p. 156 ; ce texte hébreu reproduit par Y. Even-Shmuel, Midresey Ge'ülâ, 2e éd., Jérusalem, 1954, p. 127, lig. 132 du morceau ; cf. la consultation attribuée à Hay Gâ’ôn, ibid., p. 140, lig. 166-172 du texte) ; je n’ai pas trouvé (mais cela ne prouve rien) de passage parallèle dans l’ancienne traduction paraphrasée pour laquelle je n’ai disposé que du ms. Hébreu 669 de la Bibliothèque Nationale de Paris. Revue des Études juives, CXXXIV (1-2), 1975, pp. 133-135. 134 NOTES ET MÉLANGES cité par Abraham Ibn 'Ezra3, compare le Tabernacle du Désert avec les parties de l’un^^rs et les composantes somatiques et psychiques de l’homme. Nous y lisons, entre autres : 3. Commentaire (recension brève) sur l’Exode, à XXV, 7, éd. Y. L. Fleischer, Vienne, 1926 (reproduction Jérusalem, 1970), p. 232, lig. 9-10. 4. Përüs Sëfer Yesïrâ, éd. S. J. Halberstam, Berlin, 1885, p. 16, lig. 3 sq. ; cf. 119, 21-22 ; 174, 36 sq. ; 175, 25-26 ; 176, 18-35 ; 198, 37 sq. ; 199, 11-12. Principaux passages traduits dans le livre de Colette Sirat, Les théories des visions surnaturelles dans la pensée juive du Moyen Age, Leyde, 1969, pp. 94-96. Il n’y a pas lieu de s’arrêter ici aux ques­ tions soulevées par ces spéculations. msn 'niKi ms ai « lumière (physique) dans le monde, lumière de la Sekhïnâ, lumière de l’âme ». Dans son commentaire sur le Livre de la Création, rédigé vers 1100, mais compilé, sans compter les sources talmudiques et midrasiques, à l’aide de matériaux remontant à la période gaonique, Juda Ben Barzilay de Barcelone expose une théorie de la vision prophétique4. La première créature, écrit-il, mise en existence afin d’être signe de la divinité de l’Auteur des choses, fut l’Esprit Saint (rüah ha-qôdes), également dénommé «Gloire» (Kâbôd), «splen­ deur éclatante et grande lumière » (hôd bôhëq we-ôr qâdôl), auquel « l’apparence du Trône de la Gloire » (cf. Ez. I, 26 et X, 1) sert, si l’on peut dire, de support. Lumière, Gloire, Trône, ce sont là des signes que Dieu montre aux prophètes afin d’authentifier comme venant de Lui le message qu’Il leur confie. Cette grande lumière que Moïse avait en vain sollicité de percevoir, les Docteurs l’appe­ lèrent Sekhïnâ', aucun mortel ne la peut contempler face à face, même Moïse n’en eut qu’une vision lointaine (Ex. XXXIII, 23 : «tu verras mes arrières »). Des prophètes comme Habacuc (III, 4) et Isaïe (XXXIII, 17) parlent de cette vision lointaine, et c’est notamment la péricope du livre d’Isaïe qui évoque ’ôr ha-sekhïnâ (p. 17, lig. 39). Et si le Talmud (Pes. 8a) dit à propos du verset d’Habacuc : np1I3K « En face de la Présence, les justes sont comme [la faible lueur d’]une lampe [à huile] devant un flambeau » (nos éditions portent il faut en déduire que le verset en question parle de la lumière de la Sekhïnâ xnp ‘’KH Kp HrSWH La face que même à Moïse il ne fut pas donné de contempler était « l’intense rayonnement de la lumière de la Présence à son commencement » (p. 18, lig. 18). TiS n^nn 021V NOTES ET MÉLANGES 135 Dans le même contexte, il est également parlé de hôd ha-sekhïnâ (p. 19, lig. 28-29, 31, 38 ; cf. p. 39, lig. 7, 21-22 [où "issôt we-ôrôt mehôd ha-sekhïnâ} ; p. 41, lig. 7). Quelques pages plus loin (à partir de 24, lig. 18), l’auteur revient au verset d’Habacuc, et nous retrouvons "ôr ha-sekhïnâ aux lignes 24 et 25. Ensuite, il élargit l’interprétation de ’ôr yeqârôt weqippâ’ôn de Zach. XIV, 6 que l’on lit dans le Talmud, Pes. 50a, lig. 3-6. La lumière «facile à trouver» (répandue, commune), qâfüy, selon l’explication de Rabbênü Hanan’êl (reprise aussi par Nathan ben Yehi’ël ; cf. Aruch Complétant, à l’article qp1, éd. A. Kohut, VII, réimpr. 1955, p. 155) se- rapporterait d’après une exégèse à la Tora (cf. Prov. VI, 23), selon d’autres «à la lumière de la Présence » dont la manifestation réservée dans l’éon actuel aux prophètes sera visible à tous les justes (bienheureux) dans le monde à venir (p. 25, lig. 11, 19, 24). Les deux interprétations sont certes distinctes, mais il demeure que le mérite acquis par l’étude de la Tora donne droit à la contemplation du hôd ha-sekhïnâ (p. 25, lig. 14) ou du ’ôr ha-sekhïnâ (lig. 16). Fussent-elles incomplètes, ces quelques références montrent que Yefet b. eElï s’est servi, mais sans insistance ni approbation formelle, d’une expression employée sinon dans la littérature talmudique et midrasique proprement dite, du moins dans les milieux rabbanites du xe siècle (à partir de Sa'adia?)5. 5. Compte tenu de ces données, la présence de l’expression dans le Zôhar Hâdâs, avec une signification toute différente du reste, est moins curieuse que je ne le pensais (Deux commentaires..., p. 238) ; la question de la filiation demeure cependant ouverte jusqu’à plus ample informé. Revue des etudes juives Publication subventionnée par le Centre national de la Recherche scientifique et le Fonds social juif unifié tome cxxxiv • janvier-juin 1975 • fascicule 1-2 uploads/Litterature/ vajda-g-or-ha-shekhinah.pdf

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