1 Paul Verhuyck Universiteit Leiden / Université de Leyde (Pays-Bas) Vakgroep F
1 Paul Verhuyck Universiteit Leiden / Université de Leyde (Pays-Bas) Vakgroep Frans / Département de français Cours d’université LITTERATURE FRANÇAISE DU MOYEN AGE deuxième année: textes dramatiques, lyriques, allégoriques + annexe p.m. littérature didactique Edition longue 1995-1998 légèrement corrigée 2006 2 LITTERATURE FRANÇAISE DU MOYEN AGE 2e année PROGRAMME LITTERATURE DRAMATIQUE Lectures - théâtre religieux - théâtre profane Adam de la Halle, Jeu de la Feuillée - fin moyen âge Farce de maistre Pathelin LITTERATURE LYRIQUE - poésie courtoise Anthologie Dufournet - Villon Lais, Testament, Poésies diverses ROMAN DE LA ROSE Guillaume de Lorris A LIRE - Adam de la Halle, Le Jeu de la Feuillée, éd. et traduction J. Dufournet, Paris: Flammarion, 1989, collection «GF» n 520; ou Adam de la Halle, Oeuvres complètes, éd. P.Y. Badel, Paris: Le Livre de Poche, 1995, collection «Lettres gothiques» n 4543: pp. 286-375. - La Farce de maistre Pathelin, éd. et traduction G. Picot, Paris: Nouveaux Classiques Larousse, 1972, réimpression 1984; ou: éd. et traduction J. Dufournet, Paris: Flammarion, 1986, collection «GF» n 462. - J. Dufournet [éd. et traduction], Anthologie de la poésie lyrique française des XIIe et XIIIe siècles, Paris: Gallimard, 1989, collection «Poésie» n 232. - François Villon, Poésies complètes, éd. C. Thiry, Paris 1991, Livre de Poche, «Lettres gothiques» n 4530; ou texte et traduction A. Lanly, Villon: Oeuvres, Paris: Champion, 1991; ou texte et traduction J. Dufournet, Villon, Poésies, Paris: Flammarion, 1993, collection «GF» n 741. - Guillaume de Lorris, Le Roman de la Rose, 1e partie, traduction A. Lanly, vol. 1er, Paris: Champion, collection CFMAT; ou Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. & traduction A. Strubel, Paris: Le Livre de Poche, 1992, collection «Lettres gothiques» n 4533: pp. 42-267: 4056 vv. + 79 vv. 3 Littérature dramatique: le théâtre français du moyen âge Introduction Pour distinguer le dramatique du narratif/épique, on peut dire que - le narratif présente une action - le dramatique représente une action (littéralement la «rend présente»). On parle parfois d’impersonation (jouer un rôle = entrer dans la peau d'un autre). Le théâtre est un art hybride: texte + spectacle: - le texte appartient à la littérature, - le spectacle comporte toutes les conditions de représentation, p.ex. aire de jeu, public, gestes, pantomime, effets de voix, mise en scène, occupation de l'espace scénique, costumes, accessoires, musique, trucages, rideau (derrière la scène), encadrement festif. Le spectacle pur: p.ex. le cirque. Partout dans le monde le théâtre semble avoir des origines religieuses (le plus souvent préchrétiennes: rites saisonniers ou initiatiques, rituels animistes, union cosmique dans l'extase, exorcismes païens): un exemple: la naissance de la tragédie grecque, avant Eschyle (cf. Nietzsche): processions de faunes ivres, revêtus de peaux de bouc, criant ou psalmodiant des textes incantatoires. D'où le mot tragédie < tragos [bouc] + ooidij [chant], littéralement «chant de bouc». Nous prenons ici donc le terme «religieux» au sens le plus large: une combi- naison de mythe et de rite. Le premier théâtre était chanté, et donc versifié. Le théâtre médiéval procède de la liturgie. La messe est déjà un drame: dialogue, rôles (le prêtre joue le rôle du Christ), costumes, accessoires, séparation acteurs/public... Le sujet essentiel est la destinée de l'humanité, ni plus ni moins, de la genèse à l’apocalypse, depuis la création du monde jusqu'à la fin des temps. Les sujets religieux sont distribués sur l’axe «Chute-Rédemption»: - La chute: d'Adam et Eve qui mangent la pomme au paradis terrestre. Ils sont chassés du Jardin d'Eden pour se retrouver sur notre terre, où ils travailleront et enfanteront dans la douleur. Leur péché = le péche originel, dont les humains héritent la malédiction (cf. néerlandais «erfzonde»). Cela se confirme déjà chez leurs enfants, Caïn et Abel, les frères ennemis: Caïn commet le premier fratricide. C'est le domaine de l'ancien testament, du Père, de la Loi. - La rédemption: pour que les hommes soient «sauvés», Dieu leur a montré le chemin du retour en prenant, par son fils, la forme humaine: incarnation, 4 Noël. Dieu s'est fait homme, souffre avec les hommes, se fait crucifier, mais ressuscite: Pâques. Sa résurrection aurait valeur de promesse: les hommes retourneront dans la maison du père, le ciel, le paradis éternel. C'est le domaine du nouveau testament (surtout évangile et apocalypse), du Fils, de la Grâce et de l'amour-charité. D’après cet axe, le Christ est le «nouvel Adam» et la Vierge Marie (mère de Dieu, Notre Dame) est opposée à Eve: AVE-EVA. Dans ce schéma, la vie du Christ, Dieu le Fils, de sa naissance à sa mort et sa résurrection, est le point- charnière entre l’axe descendant et l’axe ascendant. Cf. la terminologie platonicienne : anakatabasis = anabasis + katabasis. Le premier théâtre médiéval (conservé) se présente d’abord comme quelques mots ajoutés à la liturgie, pour développer ou expliquer certains passages: ce sont les tropes musicales (des gloses ou commentaires introduits dans le texte de la messe; à l’origine la trope est le chant sur le e final du Kyrie). Note: contre la thèse liturgique L’origine liturgique du théâtre est contestée par certains historiens: pour eux le caractère liturgique des plus anciens textes dramatiques conservés ne prouve pas que des pièces profanes plus anciennes n’ont pu exister. Ces jeux profanes (peut-être dans la tradition des mimes, histrions et joculatores latins, ancêtres des jongleurs) se seraient perdus. Au début du moyen âge seule l’église avait le souci d’archiver des écrits. Il y aurait une continuité entre le théâtre latin et les pièces médiévales en langue vulgaire. En général, on imagine mal une culture sans théâtre profane. Une autre filière possible est la tradition du charivari: un bruyant rituel moqueur où les associations de jeunes gens fustigeaient les comportements 5 sexuels indésirables, aberrants, mettant en cause la survie du groupe, p.ex. l’adultère féminin, la complaisance du cocu, le mariage entre un vieillard et une jeune femme. Dans les milieux urbains le charivari se serait formalisé, théâtralisé et politisé! L’hypothèse anti-liturgiste n'est ni impossible ni improbable. Elle appelle pourtant deux remarques: - pour des raisons didactiques, tenons-nous en aux textes conservés; - l’origine liturgique ou rituelle de la «fonction représentatrice» (le théâtre au niveau anthropologique) est à comprendre au sens le plus large et dépasse la seule liturgie chrétienne: cf. supra les rites saisonniers, magiques, primitifs, préchrétiens, panthéisme truqué, récupérations de l’animisme, la culture festive, folklorique, carnavalesque... 6 Premier stade: le drame liturgique Lié au calendrier liturgique. Caractéristiques: - chanté; - en latin; - joué dans l’église. 1. Pâques: dès avant l'an 1000 apparaît le premier drame européen conservé, le Quem queritis: les trois Maries veulent aller honorer le tombeau du Christ, mais trouvent le saint sépulcre vide après la résurrection: Les anges: quem queritis in sepulcro, o christicolae? Les Maries: Jhesum Nazareüm, o caelicolae. Ensuite: beaucoup d’autres drames pascaux. 2. Noël: drames de Noël, p.ex. Ordo Stellae. Remarquons le mot ordo: le plus ancien terme technique pour indiquer une pièce de théâtre en Europe. 3. Saint-Nicolas: quatre jeux (manuscrit de Fleury). 4. Daniël: le prophète jeté par Nabucodonosor dans la fosse aux lions. 5. Ordo Prophetarum: défilé de prophètes (de l'ancien testament) annonçant l’incarnation et la résurrection du Christ-Sauveur. Ce théâtre liturgique se signale par l’idéalisation, l’abstraction, l’universalité (et peut-être encore une fonction rituelle), cf. p.ex. la tragédie grecque ou le théâtre no japonais. Peu de psychologie, peu d’introspection, peu d’analyse des motivations. Evolution générale (selon la thèse liturgique): de plus en plus d’éléments profanes vont s’ajouter, obligeant le théâtre à quitter progressivement l’église. 2e stade: le drame semi-liturgique Caractéristiques (en principe): - moitié chanté, moitié déclamé; - bilingue: latin et français; - joué sur le parvis. 1. Le Sponsus ou «drame de l'époux»: adaptation scénique de la parabole évangélique des cinq vierges sages et des cinq vierges folles, d'après Matthieu 25. A une noce sont invitées plusieurs personnes, e.a. les dix vierges. Les cinq folles s’endorment et laissent brûler l’huile de leurs lampes: elle ne pourront pas venir à la fête. Au moyen âge elles symbolisent les pécheurs et la noce 7 représente le paradis. Au premier vers de la pièce on voit que l’époux était considéré comme le Christ: Adest Sponsus qui est Christus, vigilate virgines. Les vierges folles se plaignent dans un refrain en langue vulgaire: Dolentas, chaitivas, trop i avem dormit! (Hélas, pauvres de nous, nous avons trop dormi) Ce «français» est en réalité un mélange de français et d’occitan: le manuscrit, avec musique, vient de Limoges (actuellement conservé à Paris, Bibliothèque Nationale). Le Sponsus, du XIe siècle, était probablement encore joué dans l’église (ou au monastère de Saint-Martial de Limoges)! 2. Ordo representationis Ade ou «Jeu d'Adam», XIIe siècle. Ce drame est aussi bilingue, mais d’une autre façon: - en français (anglo-normand): le drame même, le texte des acteurs; - en latin: les didascalies (indications scéniques) et les chants liturgiques. Joué sur le parvis, c'est-à-dire avec la façade comme décor, l’église servant de coulisses. Trois parties: a. Adam et Eve au paradis terrestre ou: le péché originel. Le diable/serpent séduit Eve. Elle mange la pomme et la donne à uploads/Litterature/ verhuyck-paul-litterature-francaise-du-moyen-age-2eme-annee.pdf
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- Publié le Jan 16, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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