LE RÉALISME MAGIQUE DANS LA LITTÉRATURE CONTEMPORAINE QUÉBÉCOISE by Stéphanie W

LE RÉALISME MAGIQUE DANS LA LITTÉRATURE CONTEMPORAINE QUÉBÉCOISE by Stéphanie Walsh Matthews A thesis submitted in conformity with the requirements for the degree of Doctor of Philosophy Graduate Department of French University of Toronto © Copyright by Stéphanie Walsh Matthews (2011) ii LE RÉALISME MAGIQUE DANS LA LITTÉRATURE CONTEMPORAINE QUÉBÉCOISE Stéphanie Walsh Matthews Doctor of Philosophy Graduate Department of French University of Toronto 2011 Abstract La présente thèse est une exploration du genre réaliste magique de la littérature contemporaine québécoise. Fondée sur quatre romans exhibant de manière saisissante des aspects du réalisme magique, informée par des ouvrages théoriques ainsi que des analyses de textes réalistes magiques séminaux, et éclairée par la sociocritique québécoise, cette étude vise à élucider le fonctionnement du genre et ses particularités dans la littérature québécoise de 1975 à l’époque actuelle. Pour mener ce travail, nous analysons: Les Enfants du sabbat d’Anne Hébert, Le Trou dans le mur de Michel Tremblay, L’Ombre de l’épervier de Noël Audet et La Tribu de François Barcelo. Chaque roman a été choisi afin de démontrer les modalités et les spécificités québécoises du genre. Le réalisme magique étant un terme dont les origines sont problématiques et variées, nous présentons d’abord un historique du genre. À la suite d’une présentation des concepts théoriques, nous identifions les caractéristiques principales du réalisme magique. Notre analyse des Enfants du sabbat met en lumière le rôle des codes antinomiques (le réel et le surnaturel) et quelques thèmes fondamentaux du réalisme magique propre au contexte de production. Nous nous penchons ensuite sur le personnage fantôme, un dispositif réaliste magique qui déclenche un iii commentaire sur le contexte social dans Le Trou dans le mur. Dans L’Ombre de l’épervier, en plus du personnage-écrivain qui s’impose dans la diégèse, tout un réseau de personnages est marqué par l’altérité notamment la figure de la femme et de la sorcière. La Tribu, dont les caractéristiques réalistes magiques sont incontestables, s’avère un roman ludique. Après une analyse du jeu onomastique, nous comparons La Tribu au roman de Gabriel García Márquez, Cien años de soledad. Dans un dernier temps, nous démontrons comment les multiples représentations de la femme et de l’oralité traversent l’ensemble du corpus tout en indexant des particularités du réalisme magique dans la littérature contemporaine québécoise. iv Table des matières INTRODUCTION 1 CHAPITRE I Le réalisme magique : origines, théories et problématiques du terme 10 Une généalogie du terme 10 Une tour de Babel 18 Le fantastique irrésolu 21 Le RM résolu 27 La théorie RM post-Chanady 39 Le RM et le postcolonialisme : la popularisation du terme 43 Le RM aujourd’hui 55 Les caractéristiques principales du RM 56 La relation entre le RM et la sociocritique 59 CHAPITRE II Le réalisme magique des Enfants du sabbat 67 Résumé des ES 70 Le RM des ES 71 Deux codes antinomiques 76 L’ordre du monde est renversé 90 Du texte au contexte 95 CHAPITRE III Les fantômes du Trou dans le mur 101 Résumé du Trou 103 Les fantômes 105 Le RM du fantôme dans Trou : entre métaphore et mimétisme 111 Les fantômes du trou 121 Les entre-deux 126 Le silence et la perte de la voix : une critique s’annonce 135 Les fantômes québécois 142 CHAPITRE IV Les figures de l’Autre dans L’Ombre de l’épervier 146 Résumé de OÉ 148 La critique audettienne 149 Les indices RM 152 Un personnage-écrivain 155 Le RM : la place privilégiée de l’Autre 163 v L’étranger et l’étrange inconnu 165 La femme RM : c’est la mère à boire 173 Le Québec : la voie du métissage et de l’hybridité 194 CHAPITRE V Le ludisme de La Tribu 198 Résumé de TRB (Les attributs de la tribu) 201 Le jeu Oh No! My stick! (onomastique) 206 Le récit sous la loupe ludique 218 Du clin d’œil à la sociocritique 238 CONCLUSION 244 Le royaume de la femme 247 La voie de la voix 257 BIBLIOGRAPHIE 263 I. Romans étudiés 263 II. Romans cités 263 III. Études sur le réalisme magique 266 IV. Ouvrages et articles critiques 275 1 Introduction Depuis plus de quarante ans, le réalisme magique, genre séduisant et paradoxal qui invoque l’alliage du réel et du surnaturel, connaît un succès éclatant. De toute évidence, la renommée des œuvres de Salman Rushdie, de Gabriel García Márquez, de Günter Grass et de Toni Morrison confirme le succès du genre1. De plus, ces œuvres sont dispersées dans le monde entier, provenant respectivement de l’Inde, de la Colombie, de l’Allemagne et des États-Unis. Notons également que les romans considérés réalistes magiques ont amassé de nombreux prix littéraires depuis les années quatre-vingt2 Mais, qu’est-ce que le réalisme magique? Depuis les années 1970-1980, des théoriciens et critiques littéraires ont essayé de tracer les paramètres définitoires du genre. Malgré leurs efforts à cerner le genre, le débat taxinomique est souvent relancé. Néanmoins, la notion du réalisme magique semble généralement acceptée, surtout lorsqu’elle est associée à une œuvre qui introduit . Ces textes provenant d’Asie, d’Europe, d’Afrique, d’Amérique latine, des États-Unis et du Canada anglais ont suscité un intérêt marqué tant au niveau critique qu’analytique. Par ailleurs, le genre est devenu populaire de par sa prolifération dans d’autres médias. Les films Antonia’s Line de la réalisatrice Marleen Gorris, Pulp Fiction de Quentin Tarantino et Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet ainsi que des émissions de télévision américaines, telles The Sopranos, Carnival et Six Feet Under de HBO, exhibent des particularités du réalisme magique. 1 Voir « II. Romans RM cités » de la bibliographie. 2 Signalons que plusieurs romans réalistes magiques ont remporté des prix littéraires parmi les plus cotés tels que le prix Booker et le James Tait Black Memorial Prize pour Midnight’s Children de Rushdie,; le prix Nobel pour Cien Anos de Solidad de Márquez; le prix Nobel et le National Books Critics Award pour Song of Solomon de Morrison; The Famished Road de Ben Okri a remporté le prix Booker; l’auteur de The Palace of the Peacock, Wilson Harris a reçu l’insigne du Chevalier en 2010; et finalement Maryse Condé, l’auteure caribéenne de nombreux romans qualifiés de réalistes magiques, a remporté Le Grand Prix Littéraire de la femme, le Prix de l’Académie française, le prix Liberatur, le prix Carbet. Condé a aussi été nommée Chevalier de la Légion d’Honneur. 2 à la fois des éléments réalistes et surnaturels. Dans la littérature, cet alliage oppositionnel crée des récits qui, quoiqu’étranges, demeurent vraisemblables. Par le biais d’une narration neutre qui efface le doute et soutient la véracité des événements, le réalisme magique brouille les frontières entre le possible et l’impossible offrant ainsi de multiples, et souvent contradictoires, versions de la réalité. Dans le réalisme magique, le surnaturel est une occurrence normale. L’ordre logique étant ainsi subverti, ce sont parfois les éléments du réel qui sont considérés magiques. Les romans réalistes magiques sont fondamentalement marqués par des thèmes subversifs qui expriment un commentaire sur le contexte social. Pour certains théoriciens du genre, c’est en effet la contestation qui inspire l’écriture réaliste magique. Malgré l’étendue du genre et l’ampleur des études critiques et analytiques réalistes magiques, les contextes de production n’ont pas reçu le même degré d’attention. Les romans québécois contemporains, par exemple, sont rarement qualifiés de réalistes magiques. Cette lacune nous a incité à nous poser les questions suivantes : est-ce que le réalisme magique existe dans la littérature contemporaine québécoise? Et, si oui, quel est l’intérêt de qualifier des romans québécois de réalistes magiques? Au Québec, le réalisme magique n’est pas un mouvement circonscrit : le genre paraît de façon notable dans plusieurs médias. Le film C.R.A.Z.Y. du réalisateur Jean-Marc Vallée ou encore la télésérie québécoise Les Hauts et les bas de Sophie Paquin ne sont que quelques exemples de ce phénomène. Or, justement, dans la littérature québécoise il y a des romans connus et appréciés par les critiques, qui exhibent de façon incontestable le réalisme magique : Le Matou d’Yves Beauchemin, Le Mystérieux voyage de Rien d’Antonine Maillet, Music-Hall! de Gaétan Soucy, L’Isle au dragon de Jacques Godbout, Le Diable en personne de Robert Lalonde, Les Princes de Jacques Benoît, Les Enfants du sabbat d’Anne Hébert, Je suis un écrivain japonais de Dany 3 Laferrière, Le Trou dans le mur de Michel Tremblay, L’Ombre de l’épervier et Frontières ou Tableau d’Amérique de Noël Audet, La Tribu de François Barcelo, La Chaise du Maréchal Ferrant et Le Ciel de Québec de Jacques Ferron3 On pourrait croire que l’absence d’études critiques portant sur les romans réalistes magiques du Québec est due au fait que le Québec se trouve aux antipodes de l’Amérique latine. C’est pourtant dans ces deux contextes que naît sporadiquement un genre littéraire qui transforme le réel à l’aide du surnaturel afin de subvertir les normes et les notions acceptées, comme le démontrent certains théoriciens du réalisme magique . C’est la présence de ces œuvres d’auteurs lus, cotés et estimés qui inspire notre étude. Ce qui étonne, alors, c’est que seul La Tribu de François Barcelo a été analysé en tant que roman réaliste magique. 4. De uploads/Litterature/ walshmatthews-stephanie-201111-phd-thesis.pdf

  • 41
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager