XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVII
XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles Vaughan, Herbert et la rhétorique de répétition Gilles Mathis Citer ce document / Cite this document : Mathis Gilles. Vaughan, Herbert et la rhétorique de répétition . In: XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles. N°18, 1984. pp. 9-44; doi : https://doi.org/10.3406/xvii.1984.1032 https://www.persee.fr/doc/xvii_0291-3798_1984_num_18_1_1032 Fichier pdf généré le 27/03/2018 - 9 - VAUGHAN, HERBERT ET LA RHETORIQUE DE REPETITION 0 ï 'tû> an 2jcu>y thing I vûâJUL no tongoA To lOHÂXe. and 6lng ; 6 pin. But to wiÂto. tswui, un^dignad vqaah rTA1 v » U \)QAy hajid /... tidie. verse j (Anguish) La Renaissance anglaise, de Spenser à Milton, est agitée par le grand débat qui oppose poésie profane et poésie religieuse. Ce débat, ressenti à des degrés divers selon les milieux littéraires, les périodes et les sensibilités individuelles, a pour toile de fond une série d'interrogations sur la nature de 1 ' inspiration (divine ou naturelle ?) , le rôle et la fonction de la poésie dans la vie sociale, morale et spirituelle, plus particulièrement dans ses rapports avec la V/vérité. Si la première épigraphe ci-dessus évoque les tensions qu'elles font naître, la seconde témoigne des conversions qu'elles suscitent, notamment chez des poètes "métaphysiques*1 comme Donne, Herbert et Vaughan, et du désir d'un changement de ton et de style, sans cesse affirmé au XVI le siècle qui se traduira par l'avènement du "plain style" et le déclin d'une rhétorique "facile", pour faire écho à vaughan. N.B. : Afin de faciliter la lecture du texte, les Recueils de poèmes sont soulignés d'un trait continu ; les poèmes extraits de ces Recueils, d'un trait discontinu. - 10 - De même, si les deux Jordan de Herbert semblent condamner la Muse et la Rhétorique, les deux sonnets qui ferment les portes du Temple comme un diptyque revendiquent le droit pour le poète, "secretarie of (his) Praise" - comme tout homme - de chanter en vers les louanges du Seigneur ^ J . Dans l'espoir de dégager quelques constantes du style de Vaughan, un style difficile à cerner parce que très imitât if et peu marqué, il m'a paru intéressant d'explorer la façon dont le Silure a, sinon vécu du moins perçu, les tensions qui opposent poésie et religion, rhétorique et vérité, en limitant cette enquête aux figures de répétition (schemes et autres) , domaine négligé par la critique, plus volontiers portée vers l'analyse des C2") images et des tropes chez Vaughan . Il y avait au moins deux façons de procéder : ou bien comparer les poèmes profanes et les poèmes religieux de Vaughan, ou bien comparer le Vaughan de Silex Scintillans avec un autre poète, le Herbert de The Temple, par_exemple._C'est la seconde solution qui a été retenue. Tout rapproche les deux oeuvres. Silex Scintillans, on le sait, est la suite naturelle de The Temple (jreme sous-titre, même inspiration, mêmes thèmes) et l'imitation devient parfois franchement pastiche (The_Wreath, Loye-sick) ; d'autre d'autre part, si le nombre de poèmes diffère sensiblement (131 pour les deux parties de Silex Scintillans contre 1 65 pour The Temple) , celui des vers est tout a fait comparable (autour de 5200 contre 5400, respectivement) (3). Le jugement apparemment surprenant de Pettet selon lequel Herbert serait moins "rhétorique" que Vaughan montre une fois de plus que les critiques ne parlent pas toujours le même langage. Il n'est donc pas inutile d'énoncer brièvement, en prenant le risque de la banalité, les présupposés qui sous -tendent cette étude et d'apporter quelques précisions terminologiques. 11 Houses are built by rules", nous dit Herbert J ; il en va de même pour les temples... et les poèmes. La poésie est "un cri, mais... un cri habillé", nous rappelle à peu près en ces termes le Max Jacob du Cornet à dés, et un Vaughan, pas plus d'ailleurs qu'un poète contemporain, ne pouvait ignorer les Byl˧ JïQîLLessons de son art ^ qui obéit notamment à - 11 - deux grands principes de composition : parallélisme et, à un moindre degré, symétrie. Ce sont principalement la prosodie, le mètre et la rhétorique qui prennent en charge l'élaboration formelle du message poétique, mais le terme de "rhétorique" appelle une précision. Tantôt il désigne l'éloquence oratoire, l'art de convaincre et de persuader (ce que la rhétorique était à l'origine), par l'éclat de la pensée, l'élévation du ton et l'énergie du verbe (dont la manifestation extrême est l'invective) et tantôt il définit l'art d'écrire (ars bene dicendi) et plus particulièrement un mode d'expres- (7) sion caractérisé par la fréquence des figures, tropes ou schemes w . En poésie comme en réthorique la "répétition" joue un rôle privilégié mais ce terme est lui aussi ambigu et peut renvoyer à des phénomènes stylistiques assez différents. Dans ce travail, il faudra entendre par "répétition" le retour libre ou construit d'un même terme (rime du même au même) ou d'un dérivé (rime derivative considérée ici comme synonyme de polyptote, pour simplifier) ou la reproduction parfaite ou partielle d'un son, de préférence un écho syllabique (sauf pour l'allitération) ; d'un côté, par conséquent, des figures lexicales (mettant en jeu des lexemes) f 81 et de l'autre des figures phoniques ^ . Parmi les figures lexicales, auxquelles se limite cette étude, les théoriciens distinguent parfois entre les retours non construits : épizeuxe ou reprise immédiate avec pause faible (A, A. ..), épanode (ou ploque) avec répétition multiple en diverses positions du lexeme de base, antanaclase ou reprise du même mot avec changement de sens, et les retours construits : anaphore (A , A ) , épistrophe (figure inverse : A, A) , la combinaison des deux ou symploque (A B, A B) , épanalepse ou figure polaire (A A), anadiplose ( A ; A ) qu'il ne faut pas confondre C9) avec l 'épizeuxe et la concaténation ou anadiploses en chaînes. Le terme de "schemes" est alors réservé aux retours construits, pour les autres, on parle volontiers de "répétition libre" ^1U^. Toutefois, dans la mesure où 1' épizeuxe dessine tout de même une figure précise attestée dès l'origine, par tous les traités de rhétorique, il semble plus logique de désigner par "répétition libre" tout retour plus ou moins différé n'occupant aucune des articulations majeures du vers (début, milieu ou fin). En accord avec une loi esthétique universelle, les (vrais) artistes recherchent la variété dans l'unité, "to make the musick better" (Herbert : TheJTeimoer^I) , par conséquent, comme le rappelle si justement - 12 - Morier, les figures de répétition "se meuvent dans un climat de varia- tio" . Il en découle un principe méthodologique : l'analyse de ce que l'on pourrait appeler les "techniques de rupture" des schémas canoniques ne peut être que comparative (la pratique de X est plus ou moins déviante que celle de Y) . En dehors des fonctions proprement rhétoriques (persuasion et embellissement) , les figures de répétition remplissent des fonctions architecturales (liaison, enchaînement des vers et des strophes, structuration du poème), musicales (rythme, mélodie) et amplificatrices (soulignement du sens). S'il est vrai qu'on peut invoquer pour certaines figures des constantes stylistiques il est peu prudent d'attribuer aux tropes comme aux ri?") schemes des vertus esthétiques fixes et univoques ; seule, l'analyse stylistique en contexte, tenant compte notamment de l'interaction des différents niveaux d'expression déterminera le mode de fonctionnement de la figure et les effets qu'elle produit. Il est fréquent d'identifier rhétorique et complexité. Rien n'est plus trompeur. Larrhétorique peut- devenir une mécanique simpliste ,-une^ sorte d'écriture automatique où l'artifice remplace l'art, c'est en ce sens que "It is an easy thing/To write and sing", comme dit Vaughan. Il vaut mieux parler de complexité dans le cas de certaines figures ou d'effets particulièrement élaborés : symétries recherchées, entrelacement de figures, par exemple. Le nombre des figures, en soi, n'est pas non plus un indice de complexité. Rhétorique et stylistique ne sont pas les noms différents d'une (13) même discipline J . Dans l'analyse stylistique, les oeuvres mineures ont une fonction heuristique qu'il ne faut pas négliger. Le style d'un auteur se définit autant par les procédés qu'il rejette que par ceux qu'il adopte. Cet essai est avant tout descriptif .Le recensement des figures permettant de confronter les deux pratiques sera suivi de l'analyse comparée de quelques poèmes de Herbert et de Vaughan. La conclusion abordera brièvement le domaine interprétatif. - 13 - II VUE V ENSEMBLE Les poèmes lyriques de Vaughan sont en général plus longs que ceux de Herbert (38 vers contre moins de 27) *• , mais les poèmes longs de Herbert sont plus longs que leurs analogues chez Vaughan. On ne retrouve pas dans Silex Scintillans les recherches linguistiques et prosodiques de The Temple, comme : . les calligrammes ou vers rhopaliques ("pattern poems") de Altar et Easter Wings. . des enchaînements comme la reprise du dernier vers d'une strophe dans la suivante (Sinnes Round, agrémenté de l'épanalepse encadrante des premier et dernier vers), ou la reprise de groupes syntaxiques d'une strophe à l'autre, comme dans Businesse (vers uploads/Litterature/ xvii-0291-3798-1984-num-18-1-1032.pdf
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- Publié le Mai 27, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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