Pour en finir avec nos peurs Ce pictogramme mérite une explication. Son objet e

Pour en finir avec nos peurs Ce pictogramme mérite une explication. Son objet est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, particulièrement dans le domaine de l’édition technique et universitaire, le développement massif du PHOTOCOPILLAGE. Nous rappelons à nos lecteurs français que le Code de la propriété intel- lectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droits. Or, cette pratique s’est généralisée dans les établissements d’enseignement supérieur, provoquant une baisse brutale des achats de livres et de revues, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, de la présente publica- tion est interdite sans autorisation, en France, du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC, 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris) et en Belgique, de Reprobel (rue du Prince Royal 87 B-1050 Bruxelles). Toute reproduction, adaptation, représentation ou traduction, même partielle, du présent ouvrage, sous la forme de textes imprimés, de microfilms, de photographies, de photocopies ou de tout autre moyen chimique, informatique, électronique ou mécanique ne peut être réalisée sans l'autorisation écrite de l'éditeur. Tous droits réservés pour tous pays y compris les états de l'ex-URSS et la Chine. © marco pietteur, éditeur ISBN 978-2-87211-171-8 Dépôt légal 2020/5053/i2 22, route des Fagnes — B-4190 Ferrières (Belgique) Tél. : + 32 (0) 4 365 27 29 – Fax : + 32 (0) 4 341 29 21 Courriel : infos@mpeditions.be Chronique d’une saison en conf nement Dr éric ANCElEt Pour en fi nir avec nos peurs 4 5 En guise de préambule D’effondrement en résilience, vers un nouveau paradigme ? Depuis mes montagnes, j’imagine un endroit serein, à l’orée d’une forêt, au bord d’un ruisseau ou d’un lac, en hiver ou en été, sous un pommier en fleur ou auprès d’un feucrépitant, et je vois un ancien qui raconte une histoire à de petits-enfants : « Écoutez petits, voici l’histoire du virus qui a mis fin à toutes les dictatures ... » En 1943, dans un camp de transit avant les camps d’extermination, une femme écrit : « on joue avec nous un drôle de jeu, mais nous nous prêtons aussi à ce jeu et ce sera notre honte ineffaçable aux yeux des générations à venir » - Etty Hillesum « Lettres de Westerbork ». En 2019, j’ai étudié en profondeur les thèses et thèmes de la collapsologie, la possibilité d’un délitement, et même d’un effondrement global de la société thermo-industrielle. Les plus pessimistes le pressentaient pour la décennie 2020. 6 POUR EN FINIR AVEC NOS PEURS ❱ ❱Apocalypse now. Qui ou quoi s’effondre ? En 2020 nous vivons ou pensons vivre un effondrement. Il ne s’agit donc plus de prévenir, de mettre en place une « décroissance » ou une « transition » progressive, mais de s’adapter et d’agir au plus vite pour limiter les dégâts, amortir le choc, saisir l’opportunité d’une métamorphose radicale de nos modèles sociétaux. Si toutefois nous nous donnons les moyens de réagir. « Face à une catastrophe écologique mondiale (…) on voit très bien des régimes autoritaires imposant des restrictions draconiennes à une population affolée et apathique » (Castoriadis). Ces mots ont été écrits il y a plus de 20 ans ! L’écriture est un exercice difficile ! Quand il s’agit d’enseigner, de prévenir, de révéler, il est souvent trop tôt ou trop tard, plus souvent encore celui qui dit est « too much » ! Laissez-nous dormir ! Le mot apocalypse signifie « révélation ». Ce qui était caché est exposé au grand jour, soumis à notre réflexion, aux possibilités de discernement de consciences soudain éclairées. Notamment dévoiler les mythologies sociales qui sous-tendent nos sociétés. Et commencer à « décoloniser nos imaginaires » (Castoriadis). Dans un monde gouverné par les maîtres du mensonge et de la dissimulation, une apocalypse est un événement pour le moins signifiant. Mais avant d’être éclairés, d’avoir vécu trop longtemps dans l’ombre nous pourrions bien être aveuglés. Il va falloir accommoder, s’habituer à la lumière du réel, comme Néo dans le film Matrix. 7 D’effondrement en résilience, vers un nouveau paradigme ? Début 2020, quelques milliers de morts suspectes, attribuées à un virus (et seulement à ce virus), occupent tout l’espace médiatique, encouragent un « altruisme pathologique » plus que suspect (voir Servigne, « L’entraide » page 185), si l’on considère les millions d’êtres humains et non humains rongés de misère, ignorés, spoliés, sinistrés, exilés, traqués, parqués, leur avenir peu à peu oblitéré dans le silence et l’indifférence des élites, mourant du seul fait de la « croissance », du dérèglement climatique, de la déforestation, des pollutions, de l’effondrement de la biodiversité et aujourd’hui… du confinement. Que signifie cette épidémie ? Sommes-nous réellement en danger ? Et ce virus est-il le danger ? Ou cette « pandémie » n’est-elle qu’une diversion pour masquer, au propre comme au figuré, le désastre de la mondialisation ? Quoi qu’il en soit, pour nous tous humains, c’est un vécu de choc. Un arrêt brutal sur une trajectoire désastreuse et parcourue à très grande vitesse, celle du « progrès », du pillage des ressources, du tout numérique et des réseaux sociaux hyperconnectés, de l’intelligence artificielle au service des traders. Un stop brutal, avec une menace qui peut être aussi une opportunité de fracture, de rupture irréversible entre un avant et un après. Nous voici subtilement fissurés, ébréchés, sans percevoir où passent précisément les lignes de faille, les invisibles clivages, entre proches et lointains, dans les familles et entre amis, au cœur des « métropoles barbares » (Faburel), entre nature et culture, citadins et ruraux, jeunes et vieux, riches et pauvres, humains et non-humains, tout ce qui constituait peu ou prou des repères. 8 POUR EN FINIR AVEC NOS PEURS Ces déchirures existentielles, nous tentons pathétiquement de les colmater en consentant à l’incarcération, à la privation de libertés, en dressant dociles des murs sur des frontières fantasmées, en nous et entre nous, entre espèces, entre nations, entre ethnies, entre classes sociales et entre individus, au cœur même des voisinages et des familles. Distanciation sociale. Gestes barrières. Méfiance et suspicion, dissimulation, délation, répression. Pour vivre heureux vivons masqués ! Mais qui ou quoi nous menace en réalité ? Cela crée beaucoup de confusion. Cela génère en chacun des situations aporétiques, des ambiguïtés et des incohérences, des tensions et des paradoxes. Chacun de nous vit le confinement différemment, selon des modes existentiels parfois diamétralement opposés du fait des inégalités. Confus et confinés, les plus démunis sont confrontés à la brutale immédiateté du chaos, tandis que les privilégiés sont confrontés aux multiples imaginaires du chaos, aux défaillances logistiques dans l’approvisionnement pour l’assouvissement de nos besoins. Pour les plus vulnérables, le confinement est une condamnation à la misère, à la dépression, au manque de tout et de tous, à la mort solitaire et silencieuse. Ceux qui ne vivent pas cette immédiateté de la solitude et du deuil, l’urgence de la faim, ceux-là découvrent des sensations nouvelles, des lenteurs, des silences, des liens noués ou dénoués, des profondeurs, des apaisements, des ouvertures vers l’obscur et le mystère des intériorités. Des états de grâce parfois, des éclairs de conscience, des éveils, des découvertes, des révélations peut-être, qui peuvent transformer de fond en comble notre vision du monde. A chacun ses apocalypses. 9 D’effondrement en résilience, vers un nouveau paradigme ? Mais toujours inévitablement des fractures, de longues fissures invisibles étoilées dans la trame du réel. Par ces déchirures la lumière peut s’infiltrer, nous inviter à un autre regard, une perspective inédite, un umwelt, une autre vision du monde. Ce que nous vivons est certainement un drame pour beaucoup, mais à n’en pas douter une opportunité pour tous. Mais pour que cette transformation soit effective, ou seulement possible, vers un meilleur entrevu pour tous les vivants, il faut d’abord affronter nos peurs les plus intimes. La décolonisation de l’imaginaire sera un processus long, et souvent douloureux. Quels que soient les oripeaux dont nous revêtons nos personnages, quels que soient les masques apposés sur nos peurs, pauvres ou riches nous partageons au plus profond une même humanité, et les mêmes peurs. Tous confus et confinés, sonnés, stoppés nets dans cette course folle, cette ivresse insensée que nous nomm(i)ons « progrès ». Tous dessaoulés et ramenés dans l’instant, invités à réfléchir, et à infléchir. Tous mis en présence et sans échappée possible avec nos peurs les plus archaïques. Non par une guerre nucléaire ou un cataclysme, non par une gigantesque éruption volcanique ou la collision avec une météorite, mais par un simple virus. Ce qu’aucune spiritualité, aucune philosophie, aucune politique, aucune révolution, aucune grève, n’a pu faire au fil des siècles, stopper le délire productiviste et consumériste de quelques milliards d’Homo sapiens, un virus l’a réalisé en quelques jours ! Un organique se mouvant dans l’invisible des dimensions nanométriques (nm = un milliardième de mètre), venu stopper net les dérives inorganiques et abiotiques des nanotechnologies uploads/Litterature/ancelet-pour-en-finir-avec-nos-peurs.pdf

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