La personne du Christ dans la “ conversion ” de saint Augustin Quelle est la po

La personne du Christ dans la “ conversion ” de saint Augustin Quelle est la portée de la « conversion » de Saint Augustin, pendant son séjour à Milan, au cours de l’été 386, selon le récit qu’il en a fait lui- même dans les Confessions ? Quelle est la part du platonisme et celle du christianisme dans le cheminement spirituel suivi à ce moment par le futur docteur ? Il ne s’agit pas, dans les lignes qui vont suivre, de reprendre ces vastes problèmes. Nous laissant instruire par un certain nombre d’enquêtes qui ont été menées, même si elles sont loin d’être convergentes, nous ne mettons en avant qu’une seule préoccupation : relisant les pages des Confessions relatives à la crise violente qui est rapportée à la fin du livre VII et au livre VIII, nous chercherons à discerner quelle est la part qui revient à la personne du Christ parmi les éléments qui ont agi sur le jeune professeur à ce moment décisif de son existence. hes textes qui nous sollicitent au premier chef sont consignés dans les chapitres des Confessions qui vont de VII, 13 à VIII, 30, c’est-à-dire depuis le moment où il lit avec enthousiasme les livres des platoniciens, au printemps de l’année 386, jusqu’à la journée, décisive à ses yeux, du jardin de Milan, datée du mois d’août de la même année. Il convient, bien sûr, de compléter cette lecture par d’autres témoignages, émanant de la plume d’Augustin, que nous pouvons connaître et qui concernent cette période. Car nous ne doutons pas, quant à nous, que la scène du jardin, qui clôt le livre VIII, soit présentée par l’auteur comme un point d’aboutisse­ ment d’un très long itinéraire, comme une étape de sa vie après laquelle toutes choses seront envisagées par lui d’une manière nouvelle, comme l’entrée dans un havre de paix, même si, après cette expérience, il continue à se poser de graves questions, même si dans la suite il ne se considère jamais comme parvenu au but. C’est le théologien et l’évêque qui écrit les Confessions, douze ans après les événements milanais qui nous intéressent. Il convient donc de faire la 4 MARC LOBS critique entre certains éléments du récit demeurés vivants dans son souvenir et qui ont la marque de l’authenticité, et d’autres qui proviennent, avec suffisamment d’évidence, de la réflexion du chrétien assuré qu’il est devenu dans les années qui ont suivi la crise de 386. Cette critique n’est pas aisée ; nous ne nous cachons pas toute la part d’hypothèse qui inter­ vient lorsqu’il y a à trancher dans un pareil domaine. On peut quand même se sentir autorisé à procéder à un certain nombre de déductions, si elles demeurent empreintes de modération. Collationnant les textes où Augustin, en premier lieu dans ses Confes­ sions, fait mention de Jésus-Christ, nous nous proposons de suivre le plan suivant : 1) Augustin ayant abondamment mentionné Saint Paul, nous jugeons utile, dans un premier temps, de voir de près la manière dont sont faites ces citations ou allusions, pour cette période qui a précédé la crise du jardin. I/apôtre de la justification par la foi en Jésus-Christ peut être considéré comme une pierre de touche permettant d’apprécier le caractère « chrétien » de l’espérance du salut, telle qu’elle a été ressentie et expri­ mée. 2) Nous verrons ensuite, en dehors de Paul lui-même, les autres références au Christ, afin de nous rendre compte, par la façon dont il est présenté, de la place qu’il occupe à ce moment dans les réflexions et les combats de l’auteur. 3) En conclusion de ce qui précède, nous examinerons les textes des Confessions où, toujours pour cette même période, Augustin, faisant le bilan de ses convictions personnelles, reconnaît tout ce qui le sépare encore de la foi en Jésus-Christ. 4) Puis il conviendra de présenter une appréciation sur la portée de la scène du jardin de Milan et sur le contenu « christologique » qu’on peut y discerner. 5) Avant de conclure, nous passerons en revue les textes christologiques que nous fournissent les écrits de Cassiciacum. 1. — Collationnement des citations de Saint Paul. Notons d’abord que le livre VII des Confessions donne un ordre de succession d’événements que l’on n’est point en droit de contredire a priori : a) VII, 13 : Après un long développement sur l’origine du mal et sur la responsabilité de l’homme quand il y succombe (1-12), problème qui sollicitait depuis longtemps le jeune professeur, Augustin mentionne qu’il eut un jour brusquement l’occasion de lire des « livres platoniciens » : « Tu m’as procuré, par l’entremise d’un homme que gonflait un prodigieux orgueil, certains livres des platoniciens (quosdam platonicorum libros), traduits du grec en latin » . Certainement le platonisme n’était pas inconnu du jeune intellectuel ; cependant il s’est mis à cette lecture avec une ardeur LE CHRIST DANS LA CONVERSION DE SAINT AUGUSTIN 5 particulière et à une date qui, si elle ne peut être exactement précisée (fin de l’hiver ou printemps 386), n’en a pas moins fortement marqué le souvenir de Saint Augustin. b) C’est quelque temps après (VII, 27) qu’il s’est mis à lire les épîtres de Paul, poussé par l’intérêt qu’avait suscité en lui ses lectures platoni­ ciennes. C’est ce qu’il rapporte : « Je me saisis donc avec la plus grande avidité des œuvres vénérables de ton Esprit, surtout celles de l’apôtre Paul » . Et cette lecture, ajoute-t-il, lui a permis de mieux comprendre certaines considérations platoniciennes. Augustin a donc lu successivement les ouvrages néoplatoniciens, puis ceux de Saint Paul. Il ne nous dit rien sur l’intervalle qui a séparé ces deux « lectures » . Ceci est en plein accord avec le témoignage d’un des dialogues de Cassi- ciacum, écrit en novembre 386, moins d’un an après les événements (C . Academicos II, 5) : les livres de Plotin qu’il a lus ont été comme un parfum tombant sur une petite flamme et provoquant un immense incendie (incredibile incendium), au-delà de tout ce que l’on peut imaginer. C’est alors, poursuit-il que, « titubant, plein de hâte et d’hésitations, je saisis l’apôtre Paul... Je le lus tout entier avec la plus grande attention et la plus grande piété »h Ces considérations nous permettent de procéder au découpage suivant. Il faut considérer d’abord les citations pauliniennes qui prennent place 1 1. Comment comprendre le pourquoi de ces deux lectures successives ? P. Cot t r- C EIA E (Recherches sur les Confessions, p. 169) pose précisément cette question en écrivant : « Aucune explication n’est fournie sur les événements qui l’on conduit à se saisir avidement des Épîtres de Paul » . Tout ce que l’on peut dire, c’est que la lecture des épîtres est une conséquence directe des lectures platoniciennes : Augustin se sent poussé à étudier à fond le rapport qu’il peut y avoir entre le système philosophique auquel il s'initiait avec enthousiasme et le christianisme (cf. A. Soqi- G n a c, B.A. 13, p. 108). C’est d’ailleurs ce que laisse entendre le texte du Contra Academicos II, 5 (B,A., p. 68) déjà cité ci-dessus : après avoir ressenti l’incredibile incendium, le jeune Augustin rentre tout entier en lui-même (lotus in me rediham), puis il ajoute tout de suite : « Je me mis à réfléchir cependant, je l’avoue, sans faire de pause (trad. Courcelle, p. 168) (respexi tamen confitebor quasi de itineré), à cette religion qui m’avait été enseignée dès l’enfance et comme enfoncée jusqu’à la moelle » . C’est pour concrétiser son désir de connaître vraiment le christianisme, qu’il se donne, non sans crainte, à la lecture assidue de Saint Paul. Le même processus est attesté dans le De vita beata 4 (B.A. 4, p. 228) d’une manière raccourcie : « Je lus alors quelques livres de Platon..., je les confrontai (collataque cum eis), autant que je pus, avec l’autorité de ceux qui nous ont transmis les saints mystères », ce qui vise normalement Saint Paul. — P. Courcelle précise les choses en disant que c’est Simpli- cianus qui lui a conseillé de se livrer à cette confrontation (p. 171-3). Ceci est fort probable, en effet, à condition toutefois de ne point méconnaître ce qu’Augustin dit clairement dans deux textes (C. Acad. II, 5 et Conf. VII, 27), à savoir qu’il y a deux étapes bien marquées dans ses lectures et que notamment la mise en route de la lecture paulinienne a eu lieu à une date précise dont il a conservé le souvenir. A noter que J. O’Mea r a (La jeunesse de St Augustin, 1958, p. 204-207) voit dans l’utilisation de l’apôtre un contrecoup de l’influence des Manichéens, pour lesquels les épîtres pauliniennes représentaient le noyau de l’Écriture des chrétiens. 6 MARC LODS chronologiquement entre les deux lectures, plotinienne, puis paulinienne (VII, 13 à 26), puis celles qui suivent le moment de la « découverte » de Saint Paul (VII, 27 et VIII). A : VII, 13 à 26 — VII, 13 à 15 : Augustin, qui uploads/Litterature/j-ra-5-102257-pdf 1 .pdf

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