Objet d’étude 2 : La littérature d’idées du XVIème au XVIIIème siècle D’après l

Objet d’étude 2 : La littérature d’idées du XVIème au XVIIIème siècle D’après le manuel Empreintes 1ère – Magnard – 2019 - pages 427 à 429 Une littérature pour agir sur le monde On nomme littérature d’idées l’ensemble des œuvres qui ont pour but d’apporter un enseignement au lecteur, de défendre une opinion et de peindre ou modifier la société présente, en exposant un raisonnement soit de manière explicite, souvent à la première personne (argumentation directe), soit à travers une fiction qui permet de défendre et développer ses idées (argumentation indirecte). LE DISCOURS ET LA RHETORIQUE Les origines antiques En Grèce, au Vème siècle, la démocratie athénienne voit se développer le genre du discours. Dans les assemblées politiques, de grands orateurs comme Démosthène prononcent des plaidoyers éloquents qui emportent l’adhésion. Devant l’efficacité de cet art de la parole, ou rhétorique, des écoles s’ouvrent dans les cités grecques et une théorie de l’éloquence se met en place. Convaincre et persuader Ainsi le philosophe grec Aristote (IVème siècle avant JC) résume-t-il les trois types de « preuves » que l’orateur peut apporter lui-même dans son discours : -l’éthos, l’image que le locuteur donne de lui-même, les valeurs et qualités morales qu’il incarne ; -le pathos, les émotions (rire, compassion, indignation …) qui poussent l’auditeur à adhérer à la pensée de l’orateur ; c’est l’art de persuader ; -le logos, la part rationnelle du discours qui fait appel à la réflexion par l’emploi d’arguments et d’exemples ; c’est l’art de convaincre. La construction du discours Des siècles plus tard, les orateurs romains s’intéressent aussi à la rhétorique. Ils s’attachent surtout à l’art de trouver des arguments convaincants et de construire leur prise de parole. Cicéron (Ier siècle avant JC), homme politique romain réputé pour son éloquence, distingue cinq étapes dans un discours (notamment judiciaire) : l’exorde où l’on interpelle le public, la narration qui rappelle les faits à envisager, la division qui annonce le plan du discours, la confirmation et réfutation où l’orateur expose son argumentation et critique celle de ses adversaires, et la péroraison qui clôt la prise de parole, souvent en résumant l’argumentation. La littérature d’idées  Les genres de la littérature d’idées de l’Antiquité au XVIIIème siècle Influence de l’éloquence antique sur les écrivains Les ouvrages théoriques sur l’art de la parole des auteurs grecs (comme Aristote) ou latins (comme Cicéron ou Quintilien) ont toujours été le fondement, dès le Moyen-Âge, de l’argumentation dans les écrits. Au XVIème siècle, à la faveur de la redécouverte et de la célébration des œuvres antiques, l’Humanisme a développé cette influence dans l’écriture et diversifié les formes de l’argumentation pour les siècles à venir. L’éducation, l’instruction, la formation de ceux qu’on appelle les « gens de lettres » s’appuie d’abord sur la connaissance et l’étude des langues grecque et latine, les humanités. Tout écrivain est nourri depuis son enfance de cette culture. LES FORMES DE L’ARGUMENTATION Des formes d’écriture, pour la plupart héritées de l’Antiquité, permettent aux auteurs d’exprimer leur engagement dans les questions qui touchent leur époque. Selon les contraintes (censure) ou l’esthétique, ils privilégient les genres de l’argumentation directe ou indirecte. ➔ Les genres de l’argumentation directe  L’essai Du latin exagium (« poids, pesée, examen) l’essai, forme argumentative en prose, est créé au XVIème siècle par Montaigne. Dans cette œuvre intellectuelle, fruit d’une réflexion personnelle, l’auteur exprime librement sa pensée sur un sujet donné, entre expérience vécue (« Ainsi, lecteur, je suis moi- même la matière de mon livre », Essais, 1580) et regard plus universel sur le monde et sur l’homme. Montaigne s’interroge autant sur un autre, différent de nous (dans le chapitre « Des cannibales »), que sur notre propre culture (dans le chapitre « De l’institution des enfants »).  Le traité Il apparaît dès l’Antiquité. Cet ouvrage à vocation didactique se propose de construire une démonstration plus élaborée et précise sur un sujet donné, qui peut être littéraire, philosophique, technique ou scientifique. La présence de l’auteur y est peu marquée, afin de privilégier l’objectivité du propos. Cependant, certains auteurs y expriment une idée avec force et indignation : dans De l’esprit des lois (1748) vaste traité politique et juridique, Montesquieu insère le texte « De l’esclavage des nègres », critique ironique et virulente de la pratique occidentale de l’esclavage. De même, dans le Traité sur la tolérance (1763), Voltaire s’implique pour dénoncer l’intolérance religieuse de son époque et les injustices commises par les catholiques envers les protestants. Plusieurs textes intitulés « discours », mais qui ne sont pas prononcés en public, se rapprochent aussi du traité.  Les formes courtes Au XVIIème siècle, les écrivains que l’on a appelés « moralistes », parce qu’ils argumentent sur les « mœurs » de leur temps, privilégient parfois des formes d’écriture plus courtes. Celles-ci leur permettent d’exprimer de manière plus incisive leur regard sur la société. La Rochefoucauld rédige ainsi un ouvrage composé de maximes, formules courtes qui, comme des proverbes, se veulent des vérités générales : « Nous gagnerions plus de nous laisser voir tels que nous sommes, que d’essayer de paraître ce que nous ne sommes pas » (Maximes, 1665). Dans ses Caractères (1668), La Bruyère use des mêmes formes brèves, choisissant le portrait pour dénoncer des travers humains ou sociaux : ainsi oppose-t-il par exemple riche et pauvre dans le diptyque « Giton » et « Phédon ». Illustrations pour Les Caractères de Jean de La Bruyère Boileau s’inspire du poète latin Juvénal (Ier-IIe siècle) en reprenant le genre de la satire, critique ironique et sarcastique sur les mœurs de son époque. Dans un siècle où la religion exerce une force importante sur les esprits, les sermons de Bossuet (1627- 1704) imposent un discours qui incite l’auditoire à respecter la parole divine et la morale religieuse. Le pamphlet, enfin, écrit bref et violent, dénonce des personnes ou un système, à coups de formules assassines et de procédés d’exagération (hyperboles, caricatures …). L’encyclopédie Au XVIIIème siècle, un groupe d’écrivains et philosophes, parmi lesquels Diderot, Voltaire, Rousseau et d’Alembert entreprend la rédaction d’un ouvrage qui se veut être la somme synthétique de toutes les connaissances de l’homme : c’est l’Encyclopédie (1751-1772) qui comporte dix-sept volumes. Elle est composée d’une série d’articles présentés sous forme alphabétique. Au-delà de l’ambition didactique, il s’agit d’un ouvrage polémique et d’une arme politique : les auteurs insèrent des textes critiques et défendent leurs idées sur l’humain, le pouvoir, la religion… Dans son Dictionnaire philosophique (1764), Voltaire reprend la forme de l’article qui devient un véritable texte polémique et ironique. Le dialogue d’idées Les penseurs des Lumières et notamment Diderot reprennent à leur compte une forme argumentative apparue avec la philosophie de Platon, le dialogue d’idées. Dans ce genre, plusieurs personnages qui peuvent être un maître et son disciple, un groupe d’amis ou les membres d’une même famille débattent d’un sujet, d’une problématique, qui peut toucher la littérature (Paradoxe sur le comédien de Diderot, 1830, publication posthume), la justice ou la relation à l’autre (Supplément au Voyage de Bougainville de Diderot, 1772). Le dialogue permet de confronter des points de vue et de les remettre en question : l’auteur peut y défendre une thèse de façon univoque ou, au contraire, laisser le lecteur choisir son point de vue. Ce genre est ainsi à la frontière entre argumentation directe et indirecte. ➔ Les genres de l’argumentation indirecte  L’apologue Récit à visée argumentative et souvent bref, l’apologue permet d’exprimer ses idées sous le masque de la fiction. Les Aventures de Télémaque de Fénelon (1715), qui raconte les errances du prince Télémaque et de son guide Mentor, est un ouvrage didactique à l’intention de l’héritier du trône, sur le pouvoir et le bon gouvernement.  La fable Tirant ses origines de l’Antiquité, le genre apparaît avec les récits en prose du Grec Esope (VIIème - VIème siècle avant JC) et se développe avec les poèmes du Romain Phèdre (Ier siècle). Il se présente sous la forme d’un court récit vivant et dynamique, mettant en scène des hommes, des animaux ou des végétaux humanisés, le plus souvent accompagné d’une moralité qui énonce la leçon à tirer de l’histoire racontée. Jean de La Fontaine, au XVIIème siècle, a fait la célébrité de ce genre, où la dimension apparemment didactique cache souvent une ambition argumentative et polémique.  Le roman à thèse ou d’idées L’apologue peut aussi prendre une forme romanesque, Montesquieu, dans ses Lettres persanes (1721), raconte sous une forme épistolaire le voyage de deux orientaux à Paris, occasion de critiquer ce début du XVIIIème siècle sous le regard naïf et nouveau des personnages étrangers. Dans La Religieuse (1780), à travers le destin de sa jeune héroïne, Diderot dénonce les institutions religieuses de son temps qui, enfermant et aliénant l’homme, contredisent la religion elle-même.  L’utopie Ce mot inventé par Thomas More en 1516, « lieu de nulle part », ou « lieu où on est bien », désigne un pays imaginaire dans lequel les hommes sont parvenus à créer une société idéale. Cette peinture permet de mettre en uploads/Litterature/la-litterature-d-x27-idees.pdf

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