Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Frédéric Lenoir Le Chri

Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Frédéric Lenoir Le Christ philosophe Éditions France Loisirs Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Édition du Club France Loisirs, av ec l'autorisation des Éditions Plon ©Plon, 2007 ISBN : 97 8-2-298-01 545-4 Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Table 1 Prologue : Jésus et Grand Inquisiteur 2 L'histoire de Jésus, le Jésus de l'Histoire 3 La philosophie du Christ 4 Naissance du christianisme 5 Une société chrétienne 6 Humanisme chrétien, l'humanisme athée 7 La matrice du monde moderne 8 Que reste-t-il de chrétien en nous ? 9 Épilogue : Jésus et la femme samaritaine Remerciements Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert 1 Prologue Jésus face au Grand Inquisiteur « L'action se passe en Espagne, à Séville, à l'époque la plus terrible de l'inquisition, lorsque chaque jour s'allumaient des bûchers à la gloire de Dieu. » Ainsi débute l'épisode du Grand Inquisiteur, dans le chef-d'œuvre de Dostoïevski. Bien que ne partageant pas la foi chrétienne de l'écrivain russe, Freud considérait ce roman comme « le plus imposant qui ait jamais été écrit » et l'histoire du Grand Inquisiteur comme « une des plus hautes performances de la littérature mondiale [1] ». Dans ce texte d'une vingtaine de pages, Dostoïevski raconte une légende : celle du retour du Christ sur terre, à Séville, au XVIe siècle. Il est apparu doucement, sans se faire remarquer, et, curieusement, tous le reconnaissent. « Silencieux, il passe au milieu de la foule avec un sourire d'infinie compassion. Son cœur est embrasé d'amour, ses yeux dégagent la Lumière, la Science, la Force, qui rayonnent et éveillent l'amour dans les cœurs. » Le peuple est comme aimanté et le suit dans l'allégresse. Il arrive sur le parvis de la cathédrale et ressuscite Les Frères Karamazov, Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert une petite fille que l'on s'apprêtait à enterrer. C'est alors qu'arrive le cardinal Grand Inquisiteur, le maître des lieux, qui a déjà fait brûler une centaine d'hérétiques en cette même place. « C'est un grand vieillard, presque nonagénaire, avec un visage desséché, des yeux caves, mais où luit encore une étincelle. » Il a tout vu : l'arrivée de l'homme, la foule en liesse, le miracle. Il donne l'ordre de faire arrêter le Christ. « Si grande est sa puissance et le peuple est tellement habitué à se soumettre, à lui obéir en tremblant, que la foule s'écarte devant ses sbires. » On enferme le prisonnier dans une étroite cellule du bâtiment du Saint-Office. À la nuit tombée, le Grand Inquisiteur vient lui rendre visite, seul. « C'est Toi, Toi ? L’apostrophe-t-il. Pourquoi es-tu venu nous déranger ? » Le prisonnier ne dit rien. Il se contente de regarder le vieillard. Alors celui-ci reprend : « N'as-tu pas dit bien souvent : "Je veux vous rendre libres. " Eh bien ! Tu les as vus les hommes " libres ", ajoute le vieillard d'un air sarcastique. Oui cela nous a coûté cher, poursuit-il en le regardant avec sévérité, mais nous avons enfin achevé cette œuvre en ton nom. [...] Sache que jamais les hommes ne se sont crus aussi libres qu'à présent, et pourtant, leur liberté, ils l'ont humblement déposée à nos pieds. » Puis le cardinal explique à Jésus qu'il n'aurait jamais dû résister aux trois tentations diaboliques : changer les pierres en pains, se jeter du haut du pinacle du Temple et demander aux anges de le sauver, et accepter de régner sur tous les royaumes du monde (Matthieu, 4, 1-11). Car, poursuit-il, il n'y a que trois forces qui peuvent subjuguer la conscience humaine : le miracle, le mystère et l'autorité. « Et toi tu veux aller au monde les mains vides, en prêchant aux hommes une liberté que leur sottise et leur ignominie naturelle les empêchent de Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert comprendre, une liberté qui leur fait peur, car il n'y a, et il n'y a jamais rien eu, de plus intolérable pour l'homme et pour la société ! [...] Il n'y a pas, je te le répète, de souci plus cuisant pour l'homme que de trouver au plus tôt un être à qui déléguer ce don de la liberté. [...] Là encore tu te faisais une trop haute idée des hommes, car ce sont des esclaves. [...] Nous avons corrigé ton œuvre en la fondant sur le le Et les hommes se sont réjouis d'être de nouveau menés comme un troupeau et délivrés de ce don funeste qui leur causait de tels tourments. [...] Demain, sur un signe de moi, tu verras ce troupeau docile apporter des charbons ardents au bûcher où tu monteras, pour être venu entraver notre œuvre. » L'Inquisiteur se tait. Il attend avec nervosité la réponse du prisonnier qui l'a écouté pendant des heures en le fixant de son regard calme et pénétrant. « Le vieillard voudrait qu'il lui dise quelque chose, fût-ce des paroles amères et terribles. Tout à coup, le prisonnier s'approche en silence du nonagénaire et baise ses lèvres exsangues. C'est toute la réponse. Le vieillard tressaille, ses lèvres remuent ; il va à la porte, l'ouvre et dit : " Va-t'en et ne reviens plus... plus jamais ! " Et il le laisse aller dans les ténèbres de la ville. » Une incroyable perversion Cette légende du Grand Inquisiteur traduit en termes romanesques ce que fut en certains points essentiels la réalité de l'histoire du christianisme : une inversion radicale des valeurs évangéliques. Dostoïevski met l'accent sur ce qui lui semble le plus important dans cette trahison : le message de liberté du Christ a été rejeté par l'Église, au nom de la faiblesse miracle, mystère, l’autorité. Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert humaine, afin d'asseoir son pouvoir. Il entend montrer que l'institution ecclésiale a cédé aux tentations diaboliques auxquelles Jésus avait su résister. Au cours de son histoire, elle a progressivement succombé à la tentation d'aliéner les consciences humaines en apportant aux hommes ce qu'ils désirent le plus : le miracle, le mystère et l'autorité. En d'autres termes, elle leur a offert la sous les trois formes du miracle du pain (elle les nourrit et prend soin de leurs besoins vitaux), du mystère qui fonde sa légitimité et rassure (le dogme) et d'un pouvoir incontestable qui apporte l'ordre. Ce faisant, elle les a aliénés, avec leur consentement, dans la certitude d'agir pour leur bien. Le choix de l'interlocuteur du Christ imaginé par Dostoïevski n'est évidemment pas neutre. Car l'inquisition, c'est cette incroyable perversion, en opposition radicale avec le message des Évangiles et même totalement inconcevable aux temps héroïques de l'Église primitive, à laquelle arrive progressivement l'institution au fil des siècles : torturer et tuer des gens pour leur bien, au nom de la charité chrétienne. Bien sûr, l'histoire du christianisme ne se résume pas aux bûchers de l'inquisition, ni aux conversions forcées, ni aux États pontificaux, ni aux croisades, ni à la débauche sexuelle des papes de la Renaissance ou aux prêtres pédophiles actuels, ni à la condamnation de Galilée, ni au massacre des Juifs et des païens. L'histoire du christianisme, c'est aussi celle des évêques qui créent des asiles pour recueillir les pauvres et les malades, des martyrs qui refusent d'abjurer leur foi, des moines qui renoncent à tout pour prier pour le monde, des saints qui embrassent les lépreux et consacrent leur vie aux plus démunis, des bâtisseurs de cathédrales et des chefs- d'œuvre artistiques inspirés par la foi, des missionnaires qui sécurité, Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert créent des écoles et des dispensaires, de savants théologiens qui fondent des universités, des simples et innombrables fidèles qui pratiquent le bien au nom de leur foi. J'y reviendrai au cours de cet ouvrage. Mais tout ce que les chrétiens et l'Église ont fait de bien en ce monde ne pourra jamais supprimer le scandale et l'interrogation face à la pratique inquisitoriale mise en œuvre et légitimée pendant cinq siècles. Cette subversion des valeurs - appeler un bien « mal » et un mal « bien » - à des fins de pouvoir est pire que de dire : « Je vais te tuer parce que je te considère comme dangereux pour moi ou pour l'idéologie dont je suis le gardien. » Un régime autoritaire ou totalitaire est toujours détestable. Les Grecs et les Romains persécutaient ceux qui refusaient de rendre un culte aux dieux de la cité ou aux empereurs ; l'islam conquérant ne s'est pas privé d'humilier ou de tuer les infidèles qui refusaient de se soumettre à la loi islamique. Hitler a éliminé sans scrupules des millions de Juifs pour des motifs raciaux, leur déniant toute humanité. La liste des victimes des totalitarismes et de l'intolérance est longue. Mais il y a une perversion spécifique à l'inquisition : on torture des corps pour le bien des âmes ; on uploads/Litterature/lenoir-le-christ-philosophe.pdf

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