Finance Contrôle Stratégie – Volume 3, N° 4, décembre 2000, p. 57 – 81. Les coo
Finance Contrôle Stratégie – Volume 3, N° 4, décembre 2000, p. 57 – 81. Les coopérations interentreprises : une grille de lecture Michèle HEITZ* Université de Nancy 2 Correspondance : 1, rue du Collège 67460 Souffelweyersheim Tél. : 03.88.18.18.47 ; Fax : 03.88.18.18.47 * L’auteur est chercheur au Grefige, Université de Nancy 2. Résumé : Cet article présente des ja- lons permettant de comprendre les formes et les évolutions des coopéra- tions interentreprises. Nous propo- sons une grille de lecture des coopé- rations intégrant les dimensions de variété et de variabilité. Cette grille de lecture a une portée fédératrice des principales théories et analyses qui se sont penchées sur les coopérations. Après une formalisation des princi- paux déterminants de chaque forme de réseau, nous présentons des exe m- ples de coopérations et leur relation avec la grille de lecture. Mots clés : coopérations interentre- prises – grille de lecture – variété – variabilité – évolutions. Abstract : This paper presents some elements to mark out the understand- ing of the forms and the determining factors in the development of inter- firm cooperations. We propose a frame of interpretation which includes the dimensions of variety and vari- ability, and which federates the main theories and analysis dealing with in- ter-firm cooperations. After express- ing the principal determining factors of each kind of network, we present specific examples of networks and their relation with the frame of inter- pretation. Key words : interfirm cooperations – frame of interpretation – variety – variability – development. 58 Les coopérations interentreprises… Sous l’impulsion, en grande partie de la révolution informationnelle, les relations interentreprises s’apparentent de plus en plus à une struc- ture mosaï que à laquelle n’échappent ni les petites et moyennes entre- prises, ni les grandes entreprises. Dans la littérature sur les coopérations interentreprises aujourd’hui, les différentes théories et analyses qui se sont penchées sur ce type d’organisation spécifique font état d’un cadre théorique général morcelé, l’accent étant tantôt mis sur un facteur d’interprétation de la relation interentreprises, tantôt sur un autre. Paral- lèlement à cela, des chercheurs ont proposé, à partir de travaux empiri- ques, des nomenclatures permettant de caractériser différentes sortes de réseaux. Notre proposition théorique présentée ci-après consiste en l’élaboration d’une grille d’analyse des différentes formes de réseau. Elle s’appuie fortement sur les éclairages qu’ont pu donner les différen- tes théories et analyses qui ont abordé les coopérations interentreprises, et se positionne par rapport à leur actuel point faible, celui de l’absence de vision unificatrice intégrant les critères majeurs de différenciation des réseaux tout en permettant d’articuler la dimension de l’évolution. L’élaboration de cette grille s’appuie sur la prise en compte de la littéra- ture sur les coopérations et sur l’observation. Des confrontations pratiques de cette grille ont été réalisées au sein d’une filière de PME, de même que dans l’analyse d’un cas de réseau de proximité géographique. Dans une première partie, nous présentons, la grille théorique en question, au travers des différentes dimensions pri- ses en compte. Dans une seconde partie, nous explicitons les caractéris- tiques des quatre familles de coopérations ou de réseaux identifiables par le biais de cette grille de lecture. Dans une troisième partie, nous ré- alisons une mise en relation avec les théories et analyses établies. La quatrième partie fait état de deux expérimentations empiriques de la grille proposée. Dans les terminologies utilisées, les coopérations interentreprises s’entendent au sens de l’interaction plus ou moins étendue entre les ac- tivités de deux entreprises juridiquement distinctes. Le terme de réseau est, quant à lui, utilisé au sens d’une généralisation plus grande, c’est-à- dire en tant qu’objet d’analyse global de l’interaction d’au moins deux Michèle Heitz 59 entreprises juridiquement distinctes ; il se caractérise par des critères variés, tels le nombre d’entreprises en interaction, la nature des interre- lations, le niveau de contractualisation des engagements, les actifs pro- pres au réseau… Il constitue une forme d’organisation qui n’est ni l’intégration au sein d’une hiérarchie propre à une entreprise, ni le libre recours au marché pour la mise en œ uvre d’une activité donnée. 1. Présentation d’une grille de lecture fédératrice Tout d’abord, positionnons les critères d istinctifs qui, compte tenu des différentes théories et analyses sur les coopérations, semblent les plus à même de différencier et de caractériser le champ global des ré- seaux en en pointant la variété. Le choix de ces critères résulte d’une démarche à visée intégratrice, réalisée à partir des apports de la littéra- ture et de l’observation. Nous distinguons tout d’abord deux grandes logiques de réseau quali- fiées de logiques additives et de logiques de complémentarité. La logique additive est considérée au sens de la mise en œ uvre d’une activité nouvelle rendue possible par la réunion de moyens émanant des partenaires du réseau, et permettant un nouveau processus de valeur ajoutée. Le résultat de cette mise en commun de moyens est profitable à chacun des partenaires. Les accords de recherche conjointe, permettant d’aboutir à de nouveaux produits ou procédés ou, encore, ceux de codé- veloppement entre des partenaires qui associent leur gamme en vue d’exporter, entrent dans ce cas de figure. Un réseau de producteurs au sein d’un territoire présentant une certaine homogénéité et qui se re- groupent pour commercialiser leurs produits (ces produits pouvant rele- ver de métiers différents) appartient également à cette catégorie. La récente alliance entre Air France et Tunis Air, ayant comme vo- cation le rapprochement et la coordination de leurs activités commercia- les, relève d’une logique additive. Elle débouche sur la coordination des horaires, la mise en correspondance des réseaux de transport, des échanges dans les domaines du fret, de la maintenance et des systèmes d’information. Elle induit une augmentation des fréquences de vol et un meilleur service pour les clients, avantages rendus possibles par la ré- 60 Les coopérations interentreprises… union de moyens provenant d’activités similaires. La coopération initiée par Gemplus, leader mondial de la carte à puce avec des banques et un opérateur de téléphone mobile, a débouché en avril 2000 sur le lance- ment à Singapour, à titre expérimental, d’un service de porte-monnaie électronique rechargeable sur téléphone mobile. Il s’agit ici de la réunion de moyens en provenance de partenaires spécialistes d’activités dis- semblables. La notion d’additivité peut schématiquement être représentée de la façon suivante : Figure 1 – Logique additive R1 + R2 + R3 + + N R = ressource, compétence, procédé ; N = nouvel avantage, activité La logique de complémentarité associe différentes phases d’un pro- cessus de production de valeur ajoutée, phases qui concourent de façon spécifique à l’obtention d’un résultat donné. Elle se fonde sur le recours au marché comme moyen de constitution ou de renforcement de la chaîne de valeur de l’entreprise et induit la coordination de processus qui restent individualisés. L’exemple du secteur automobile où le résultat final dépend de l’articulation des compétences de constructeurs, équipementiers, sous- traitants de 1 er ou de 2 ème niveau, illustre ce type de logique. Mais, le secteur automobile opère aussi des alliances additives comme c’est le cas dans la conception d’un moteur en commun. Par contre, concevoir une voiture en incorporant l’ingénierie-moteur d’un tiers relève d’une logique de complémentarité. Michèle Heitz 61 Figure 2 – Logique de complémentarité R final R3 R2 R1 R = ressource, compétence, procédé Examinons la relation entre ces deux notions de logique additive et de logique de complémentarité et le champ des théories et analyses pro- pres à la littérature. Sans vouloir être exhaustif, nous préciserons toute- fois quelques articulations majeures sur lesquelles s’appuie notre distinc- tion en deux logiques différenciées de coopérations (additives et de complémentarité). Les théories transactionnelles [O. Williamson, 1975, 1985] et leurs dérivés (théorie de l’agence,…) se situent typiquement dans le cadre des logiques de complémentarité, dans la mesure où elles privilégient l’analyse des coopérations par le biais des relations de transaction (logi- que de complémentarité), au regard d’un continuum entre le marché et la hiérarchie, ou entre l’externalisation et l’internalisation d’une activité donnée. C’est le bilan coûts internes / coûts externes qui joue un rôle fondamental dans la décision d’externaliser ou non. Il en va de même pour la théorie de l’interdépendance des ressour- ces qui aborde les relations interentreprises sous l’angle de la « nécessité » de trouver des ressources dont l’entreprise ne dispose pas et qui interviennent dans son activité propre. Les analyses de type tran- sactionnel y jouent un rôle notoire (réseaux transactionnels ou réseaux d’orchestration), d’où un positionnement du côté des logiques de com- plémentarité. L’équivalence structurale évoquée dans l’écologie des po- pulations est plus typique des logiques d’additivité, puisqu’elle conduit 62 Les coopérations interentreprises… des entreprises aux activités structurellement semblables à nouer des al- liances permettant l’obtention de nouveaux avantages concurrentiels. La dénomination « réseaux transactionnels » de F. Fréry [1996] rejoint également les « logiques de complémentarité ». Les travaux de l’économie industrielle et des évolutionnistes suggè- rent plus fréquemment les logiques additives. Par exemple, la notion de « quasi-rente composite », développée par A. Alchian, J. Woodward [1988], qui évoque l’émergence uploads/Management/ 034081.pdf
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- Publié le Oct 05, 2022
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