PROFESSIONAL COMMUNICATION AND TRANSLATION STUDIES, 4 (1-2) / 2011 117 MODÈLES
PROFESSIONAL COMMUNICATION AND TRANSLATION STUDIES, 4 (1-2) / 2011 117 MODÈLES D’ANALYSE DES TEXTES À TRADUIRE (TAT), APPLIQUÉS DANS L’ENSEIGNEMENT DE LA TRADUCTION Mirela POP Politehnica University of Timişoara Résumé : La conception d’une démarche traduisante décomposable en étapes successives, véhiculée avec les approches centrées sur la description du processus de traduction, intègre également la branche de la pédagogie de la traduction qui focalise sur chaque étape du processus global ; l’analyse du texte à traduire en fait également partie. Nous proposons d’entreprendre une lecture critique des modèles d’analyse fournis par des théoriciens et didacticiens de la traduction afin d’en dégager les caractéristiques générales et de juger de leur applicabilité en classe de traduction. Notre choix se portera sur trois modèles conçus dans les années ’90 : le modèle interprétatif, le modèle fonctionnel et le modèle proposé par Fr. Grellet. Mots clés : analyse des textes à traduire, modèles, processus de traduction, enseignement de la traduction 1. Introduction L’article a pour objet de porter un regard analytique sur trois modèles d’analyse des textes à traduire (TAT) conçus dans les années ’90, appliqués dans l’enseignement de la traduction : le modèle « interprétatif » dont Marianne Lederer (1994) nous fournit quelques repères, le modèle « fonctionnel », intitulé « modèle orienté vers l’analyse du texte à traduire » (« Model for Translation-Oriented Text Analysis »), conçu par Christiane Nord (1991), et le modèle proposé par Françoise Grellet (1991) dans un livre consacré à l’apprentissage de la traduction. Théorie, approche, modèle sont trois termes dont usent les spécialistes pour rendre compte de leurs préoccupations. Une théorie est « un discours organisé » qui vient expliquer des faits ou des phénomènes observés dans un domaine particulier, un « ensemble organisé d’idées, de concepts abstraits prenant pour objet un domaine particulier qu’il décrit et qu’il explicite » (syn. conception, doctrine, système, thèse) » (Le Robert Micro Poche, 1993 : 1269). Une approche est une « manière d’aborder l’étude d’une question » (Le Robert Micro Poche, 1993 : 60), une perspective d’étude d’une question considérée comme étant importante. Une théorie est une « explication », alors qu’un modèle est une « représentation extérieure » de l’explication, une matérialisation de la théorie (Bell, 2000 : 42), « la représentation de l’explication d’un phénomène » (Laramée et Vallée : 1991). L’objectif de l’article consiste à entreprendre une lecture critique des modèles d’analyse des textes à traduire fournis par les spécialistes en vue de juger de leur applicabilité dans l’enseignement de la traduction. Parmi les modèles identifiés, les deux premiers sont issus d’approches théoriques basées sur la description du processus de traduction – l’approche interprétative et l’approche fonctionnelle –, alors PROFESSIONAL COMMUNICATION AND TRANSLATION STUDIES, 4 (1-2) / 2011 118 que le troisième est conçu pour appuyer des activités d’apprentissage dans le domaine de la traduction. Les modèles ont été choisis en raison de leur applicabilité dans le domaine de l’enseignement de la traduction, l’utilité comptant parmi les caractéristiques des modèles théoriques établies par Caplow (1970) pour qui un modèle est jugé comme étant « pratiquement utile » s’il « suggère des moyens d’appliquer la connaissance à la solution des problèmes ». 2. Modèles de description du processus de traduction Les modèles orientés vers la description du processus de traduction tentent de décrire, d’analyser et d’expliquer le mécanisme de la traduction, le parcours du traducteur depuis la réception du texte jusqu’à sa réexpression. La différence réside dans la conception théorique des spécialistes et dans l’acception attribuée au terme « traduction ». 2.1. Le modèle interprétatif Le modèle interprétatif doit son nom aux études menées dans les années ’80 par deux chercheurs de l’ESIT (École Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs), Marianne Lederer et Danica Seleskovitch, dans le cadre de leur théorie appelée « théorie interprétative de la traduction » ou « théorie du sens ». Le modèle interprétatif de description du processus de traduction repose sur la saisie et la restitution du sens, sur la recherche et la postulation d’équivalences de traduction. Suivant ce modèle, la démarche traduisante est décomposable en trois étapes : compréhension – déverbalisation – réexpression (reformulation ou reverbalisation) ou bien compréhension, reformulation et justification (Delisle, 1980 : 85). Elle consiste à « comprendre le texte original, à déverbaliser sa forme linguistique et à réexprimer dans une autre langue les idées comprises et les sentiments ressentis » (Lederer, 1994 : 11). Le mérite des adeptes du modèle interprétatif est d’avoir souligné l’importance de l’activité de traduction, vue comme un « acte d’intelligence », comme un « processus cognitif » (Delisle : 1980), comme une « opération mentale, qui repose pour son accomplissement sur des processus intellectuels et intuitifs comme la compréhension et le jugement. » (Ballard, 1993 : 247). 2.2. Le modèle fonctionnel Le modèle fonctionnel de description du processus de traduction est issu des approches fonctionnelles apparues notamment dans l’espace allemand et anglo- saxon. Les approches fonctionnelles sont variées et ne mettent pas toujours l’accent sur les mêmes aspects. Les spécialistes basent leurs conceptions sur les théories de PROFESSIONAL COMMUNICATION AND TRANSLATION STUDIES, 4 (1-2) / 2011 119 la communication (Gutt, 1991), sur la théorie de l’action sociale (Holz-Manttari, 1984) ou sur la théorie de la fonction des textes1 (Nord, 1991). Notre intérêt s’est porté sur le modèle décrit par Christiane Nord dans son livre Text in Analysis Translation (1991 : 30 et sv.). Son approche nous intéresse pour deux raisons : (1) il s’agit d’une approche centrée sur le processus de traduction et (2) l’approche trouve son application dans la didactique de la traduction. Selon le modèle conçu par Ch. Nord (« the looping model »), l’analyse se déroule en deux temps : l’analyse du skopos du texte cible (« target text skopos ») et l’analyse du texte source. L’analyse de la fonction du texte cible repose sur la description de ces facteurs pertinents censés assurer la réception du texte traduit par un public particulier dans une situation donnée, appelée SITT (« target situation » ou situation cible). L’analyse du texte source comporte deux étapes (cf. Nord, 1991 : 33). Dans la première étape, le traducteur doit se rendre compte de la compatibilité du matériel du texte source avec les exigences formulées dans les instructions de traduction. Dans la deuxième étape, le traducteur se livrera à une analyse détaillée ayant pour but la compréhension du texte source tout en prêtant une attention particulière à restituer la fonction du texte cible. Si le traducteur – affirme Ch. Nord (idem) – produit un texte fonctionnel conforme aux besoins de l’initiateur, le texte cible sera conforme à la fonction du texte cible : If the translator has succeeded in producing a functional text conforming to the initiator’s needs, the target text will be congruent with the TT skopos. (Nord, 1991: 33). Dans l’opinion de Ch. Nord (1991 : 30), la traduction n’est pas un processus linéaire, évoluant d’un point S (= le texte-source) vers un point T (= le texte-cible), mais un processus circulaire qui implique le retour à la première étape consistant dans l’analyse du texte-source. 2.3. Les modèles empiriques Les modèles empiriques sont issus de recherches basées sur l’observation des « mécanismes mentaux en œuvre dans l’opération traduisante » (Dancette, 1998 : 63), regroupées par les spécialistes dans le cadre des approches empiriques ou expérimentales développées à partir des années ’80. Selon Jeanne Dancette et Nathan Ménard (1996 : 140), on distingue deux grandes catégories de recherches empiriques : études quantitatives basées sur les résultats obtenus par un groupe de sujets et études qualitatives qui reposent sur l’observation « sur le vif » d’un phénomène en train de se dérouler. Dans la première catégorie, nous pouvons mentionner la recherche entreprise par J. Dancette (1998) sur le processus de compréhension, basée sur la méthode de l’observation indirecte, « après coup ». Pratiquant une double démarche – interprétative et expérimentale -, Dancette a analysé les résultats obtenus par 20 étudiants en maîtrise de traduction à 4 épreuves visant à vérifier leurs connaissances linguistiques, thématiques, leur compréhension du texte et l’adéquation sémantique de PROFESSIONAL COMMUNICATION AND TRANSLATION STUDIES, 4 (1-2) / 2011 120 leur traduction. La conclusion de son étude est également l’idée-maîtresse de son livre, Parcours de traduction (1998) : « l’adéquation sémantique est fonction du degré de compréhension qu’à le traducteur du TAT ». La deuxième catégorie d’études, développée tout particulièrement en Allemagne (Lörscher, 1987 et Krings, 1986), s’inscrit dans la lignée des études de psycholinguistique et de psychologie cognitive qui portent sur une variété d’opérations intellectuelles, dont aussi la traduction. Dans les recherches sur la traduction, la méthode la plus utilisée est celle qui s’appuie sur les protocoles de verbalisation, appelée « méthode du raisonnement à voix haute » (« thinking aloud protocols » ou « TAP’s »). Les modèles empiriques ont le mérite de montrer que les opérations mises en œuvre dans l’activité traduisante sont observables lorsque survient un obstacle à la traduction ce qui permet aux spécialistes de répertorier les difficultés de traduction. 2.4. Le modèle « productif-instrumental » L’évolution des activités et uploads/Management/ 12-pcts-4-2011-pop-pp117-126.pdf
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- Publié le Nov 03, 2021
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