Le recyclage des matières plastiques Jacques Thébault1, Patrice Dole2, Catherin
Le recyclage des matières plastiques Jacques Thébault1, Patrice Dole2, Catherine Loriot3 1IPC Clermont, Biopôle Clermont-Limagne, 2 Rue Michel Renaud, 63360 Saint-Beauzire 2 CTCPA, Technopole Alimentec, Rue Henri de Boissieu, 01000 Bourg-en-Bresse 3 LNE, 29 Avenue Roger Hennequin, 78190 Trappes • Un contexte réglementaire qui se durcit Les matériaux plastiques, et en particulier les emballages qui en sont issus, font l’objet ces derniers mois d’une attention particulière pour ne pas parler d’un « plastic bashing » pesant sur les producteurs et les utilisateurs de ces mêmes emballages. Si le plastique est montré du doigt c’est en particulier en raison de son impact sur les océans, considéré comme catastrophique par le grand public, les ONG, tels que la Fondation Ellen MacArthur, et les politiques qui leur emboîtent le pas. Répartition géographie des fuites de plastiques vers les océans Source : Fondation Ellen MacArthur Pour une nouvelle économie des plastiques, 2017 La préoccupation des emballages et de leurs déchets n’est pourtant pas récente puisque la première Directive européenne sur le sujet date de 1994 (Directive 94/62 CE). Force est de constater que malgré ces différents amendements, cette réglementation a sans doute manqué d’ambition, d’applications et de contrôles chez les industriels qui, il y encore peu de temps, en ignoraient les exigences et par conséquent les responsabilités qui en découlent. Rappelons que cette directive se fixait comme objectif la réduction des impacts des déchets d’emballage sur l’environnement en définissant trois exigences essentielles : réduction à la source, réutilisation et valorisation. Cette dernière peut prendre la forme de trois alternatives : valorisation matière (recyclage), valorisation énergétique (incinération), valorisation organique (compostage). Transposée dans le droit français par de nombreux textes dont le Décret 98-638 portant sur les exigences environnementales dans la conception et la fabrication des emballages, elle a été complétée au niveau nationale lors de la mise en place Source : Fondation Ellen MacArthur Pour une nouvelle économie des plastiques, 2017 des lois faisant suite au Grenelle de l’environnement et du code de l’environnement. Dès 1992 par son Décret 92-377, la France impliquait les entreprises dans la gestion des déchets d’emballage et instituait par la même la REP (Responsabilité élargie des producteurs) qui a par exemple donné naissance pour les emballages ménagers à Eco-Emballage devenu récemment CITEO. Dans ce contexte le recyclage des matières plastiques est un enjeu important mais les taux européen (30%) et français (26%) restent largement insuffisants. Par sa nouvelle Directive « Economie circulaire » (UE) 2018/852 l’Europe fixe de nouveau objectifs : recycler 50% des déchets d’emballages plastiques en 2025 et 55% en 2030. A cela s’ajoute la Directive dite « Single-use Plastics » (Sup) qui valide définitivement l’interdiction de certains plastiques à usage unique : assiettes, couverts ou encore pailles seront concernés par cette interdiction qui entrera en vigueur au plus tard début 2021. Elle fixe, en outre, un objectif de collecte des bouteilles en plastique de 90 % des volumes d’ici à 2029, et un objectif de 25 % de contenu recyclé dans les bouteilles en plastique d’ici à 2025, et de 30 % d’ici à 2030. Et pour compléter la tableau la loi française « EGALIM » durcit le ton en réduisant l'utilisation du plastique dans le domaine alimentaire par les interdictions suivantes : Taux de recyclage des emballages plastiques au niveau européen en 2016 Source : Plastic Europe - les contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en plastique en restauration collective des collectivités locales en 2025 ; - les touillettes et pailles en plastique dans la restauration, la vente à emporter, les cantines et les commerces alimentaires en 2020 ; - les bouteilles d'eau en plastique dans les cantines scolaires en 2020. La feuille de route pour l’économie circulaire (FREC) décline de manière opérationnelle la transition à opérer pour passer d’un modèle économique linéaire « fabriquer, consommer, jeter » à un modèle circulaire qui intègrera l’ensemble du cycle de vie des produits, de leur écoconception à la gestion des déchets, en passant bien évidemment par leur consommation en limitant les gaspillages. Elle se traduit en cinquante mesures dont un grand nombre porte sur le tri, la valorisation des déchets et l’éco-conception. La Fédération de la Plasturgie et des Composites a répondu positivement par un engagement volontaire de la profession afin d’accélérer cette transition, et atteindre un objectif d’intégration d’1 million de tonnes de plastiques recyclés d’ici à 2025, soit 20% des plastiques consommés par les plasturgistes. Source: MTES, 2018. Cette même fédération vient de s’engager (20 septembre 2019) au niveau européen dans la Circular Plastics Alliance qui, sous l’impulsion de la Commission européenne et d’EuPC (European Plastics Converters), a pour objectif d’intégrer 10 millions de tonnes de plastiques recyclés dans la conception des produits en Europe en 2025. Il s’agit d’une feuille de route qui rassemble les acteurs publics et privés des filières plastiques pour promouvoir des actions et des engagements volontaires en faveur du recyclage des plastiques. Elle définit cinq axes prioritaires : - La collecte et le tri des déchets plastiques - La conception de produits pour le recyclage - L’utilisation de plastiques recyclés dans le contenu des produits - La R&D et les investissements, y compris pour le recyclage chimique - La surveillance des plastiques recyclés vendus dans l’Union Européenne Accélération de l’agenda politique • Des contraintes technico-économiques fortes Selon un rapport publié par l’ADEME en 2016, les plastiques recyclés représentaient seulement 6% de la consommation totale de plastiques en France, alors que les papiers-cartons recyclés représentaient 66% de la consommation totale (chiffres 2014). Comment peut-on expliquer une telle différence ? S’il existe différents types de papiers-cartons, le polymère de base reste la cellulose. Dans le domaine du plastique il existe un certain nombre de polymères différents qui peuvent être aussi bien à l’état de mono-matière que mélangés ou complexés entre eux. Cette association confère aux emballages plastiques les nombreuses fonctionnalités que l’on connaît : mise en forme, soudabilité, imperméabilité, transparence ou non, etc. Il existe un grand nombre de résines et de nombreuses formulations qui font appel également à de multiples additifs nécessaires à la mise en œuvre et à la protection des matériaux (antioxydants, plastifiants, agents glissants,..) Dans le cas des polyoléfines, polymères les plus souvent utilisés dans le secteur de l’emballage (Polyéthylène, Polypropylène) il existe des « grades » différents correspondant à des technologies de transformation : le grade « extrusion » (bas MFI*) produira des films ou des emballages souples, le grade « injection » (MFI* élevé) sera à l’origine d’emballages plus rigides et volumiques. Pour un même polymère on distinguera aussi, en fonction de la formulation, des grades dit « alimentaires » et « non alimentaires ». *MFI = Melt Flow Index A cela s’ajoute des éléments de décor tels que les pigments et les encres déposées en surface ou au sein du matériau (opacifiants, impression sandwich, étiquette dans le moule) qui vont ensuite complexifier le tri et la séparation lors du recyclage. L’utilisation des emballages en plastique est également une étape supplémentaire où des contaminations physico-chimiques vont intervenir du fait de la mise au contact avec des produits de toute nature (aliments, produits cosmétiques, lessives). Ce contact voulu ou accidentel va donc occasionner des résidus dans l’emballage, des adsorptions en surface ou encore des absorptions au cœur de la matière, c’est le cas notamment des matières grasses et des composés aromatiques. Ces phénomènes peuvent être à l’origine de dégradations même du matériau. Dans le cadre de la filière REP « déchets d’emballage » à l’origine des consignes de tri, l’emballage, passé au stade de déchet, va se retrouver mélangé à d’autres matériaux, plastiques ou non. Ce mélange peut également être à l’origine de contaminations croisées. Pour un polymère de même grades (exemple des bouteilles d’eau et de boissons gazeuses en PET) la couleur peut constituer un perturbateur du tri ultérieur et de la valorisation matière. Le cas de la bouteille de lait en PET opaque illustre bien la difficulté : au-delà de 8-10% massique de ce type de PET dans la filière de valorisation sous forme de fibres, la présence d’opacifiant nuit à leur fabrication. La mise en place actuelle de l’extension des consignes de tri va bien évidemment compliquer le tri des différents matériaux plastiques entre eux du fait de leur diversité (type de résines, grades, usages,…). On comprend aisément que l’ensemble de ces opérations de tri et de récupération a un coût sur la matière finale que représentent les MPR (Matières plastiques recyclées) pouvant entrer en concurrence avec des résines vierges soumises au cours fluctuant du pétrole. D’autant que ces opérations peuvent aboutir à des matières dégradées qu’il sera nécessaire de reformuler avec des additifs ou d’autres matières vierges, cette opération supplémentaire réalisée par le régénérateur ou un compoundeur constitue un surcoût. La filière de tri et de recyclage des emballages plastiques est donc soumise à des contraintes économiques fortes, dans un contexte de fluctuation des sources et des cours des matières. L’équilibre économique est fragile et pourrait être déstabilisé par des décisions politiques hâtives telles que la consigne faisant débat aujourd’hui. La uploads/Management/ 2019-12-17atiaa.pdf
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- Publié le Sep 04, 2021
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