Réseaux d’entreprises et performance : une approche empirique Alain CAPIEZ Prof
Réseaux d’entreprises et performance : une approche empirique Alain CAPIEZ Professeur, Université d'Angers, Faculté de Droit, d’Economie et de Gestion, 13, allée François Mitterrand - BP 13633 - 49036 ANGERS Cedex 01, Tel : 02 41 96 21 76, Fax : 02 41 96 21 96, Adresse électronique : alain.capiez@univ-angers.fr Résumé Cet article propose une approche pratique des réseaux territoriaux, en se plaçant du point de vue de l’entreprise insérée dans un réseau. Une enquête portant sur 203 PME d’un département français fait apparaître qu’une stratégie de réseau, en phase avec la stratégie globale de l’entreprise, peut constituer un facteur de performance financière, si des relations de confiance s’établissent avec les institutions locales et patronales dans un véritable encastrement territorial. Mots clés Réseaux, PME, Stratégie, Parties prenantes, Performance, Encastrement territorial Abstract This paper proposes a practical approach of territorial networks, from the angle of a company inserted in a network. A survey of 203 SMB in a French district points out that a network strategy, keeping with the general strategy of the firm, can foster financial performance, provided that the business enters into reliable terms with the local institutions and the employers association, carrying out a genuine territorial embedding. Key words Networks, SMB, Strategy, Stakeholders, Performance, Territorial Embedding Réseaux d’entreprises et performance : une approche empirique Le réseau est défini par Podolny et Page (1998) comme « une collection d’acteurs qui poursuit des relations d’échange répétées et durables les uns avec les autres et qui, en même temps, n’ont pas d’autorité organisationnelle légitime pour arbitrer et résoudre les disputes qui peuvent se produire pendant l’échange ». Economiquement, le réseau apparaît comme un ensemble de moyens (infrastructure et échange d'informations) permettant aux acteurs ou parties prenantes d'établir des relations spécifiques créatrices de valeur par les synergies dégagées. Nous nous sommes intéressés aux réseaux constitués sur un territoire régional, celui du département de Maine-et-Loire en France, par les entreprises industrielles et commerciales entre elles et avec tout un ensemble d'acteurs locaux, collectivités locales, chambres consulaires, organisations patronales, organismes d’enseignement, afin de créer un maximum de valeur et d'améliorer le bien-être social. Compte tenu des caractéristiques des réseaux formels et informels ainsi créés, nous avons cherché à établir une relation entre la stratégie de réseau menée par la firme et la performance réalisée telle qu’elle peut être mesurée par le système comptable. Une enquête sur trois agglomérations importantes du département du Maine-et-Loire, à savoir Angers, Saumur et Segré, a été réalisée avec le concours des Chambres de Commerce et d’Industrie de ces villes. Il s’agissait dans un premier temps d’appréhender les réseaux, du point de vue de l’entreprise insérée dans un réseau, en décrivant les liens entre acteurs, en analysant le rôle du réseau dans le comportement stratégique de la firme, afin de caractériser une stratégie de réseaux. Puis dans un deuxième temps il fallait rechercher si l’insertion dans un réseau contribuait à la performance de la firme, limitée ici à la performance financière, en utilisant les critères classiques de mesure fournis à la comptabilité. Après avoir rappelé les principaux apports méthodologiques à la compréhension du fonctionnement des réseaux et à l’influence des réseaux sur la performance, nous préciserons la problématique et présenterons les principaux résultats de l’enquête. L’échantillon étudié a fait l’objet d’une double analyse : en premier lieu, une analyse unidimensionnelle avec un tri à plat des différentes variables, permettant de caractériser la stratégie des firmes, les liens qu’elles constituent entre elles et avec les autres acteurs régionaux, ainsi que les performances financières réalisées, et, en deuxième lieu, une analyse multidimensionnelle présentant les correspondances multiples entre les variables qualitatives ordonnées des entreprises, afin de faire apparaître des relations entre leur stratégie de réseaux et la performance obtenue. 2 1. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE DES RÉSEAUX ET PROBLÉMATIQUE DE L’ENQUÊTE Les réseaux présentent des aspects variés qui ont donné lieu à une vaste littérature. Déjà, sur la notion même de réseau deux conceptions existent. Alors que, pour Williamson (1975, 1991) le réseau est une forme hybride entre marché et hiérarchie, pour Powell (1990), le réseau est un mode d’échange avec sa propre logique basée sur la réciprocité, la collaboration, la complémentarité, la réputation et la communication. C’est cette deuxième conception que nous privilégions pour appréhender les réseaux de PME, considérés comme des systèmes organisés de relations dont l’entrepreneur est l’acteur clé (Donckels & Lambrecht, 1997). Si l’on considère le point de vue de l’entreprise insérée dans un réseau, les acteurs avec lesquels l’entreprise est en relation sont pour elles des parties prenantes. L’analyse du réseau par l’entreprise consiste d’abord à repérer les parties prenantes importantes avec leurs attentes vis-à-vis d’elle et leurs apports, puis à caractériser le réseau lui-même. Il reste ensuite à mesurer l’efficience de l’organisation réticulaire, en recherchant si une stratégie de réseaux influe sur la performance de la firme. 1.1. LES PARTIES PRENANTES AU RÉSEAU La théorie des parties prenantes, à l’origine exposée par Freeman (1984), constitue un apport significatif à la caractérisation du réseau. Il s’agit de rechercher qui importe réellement dans la vie de l’entreprise, aussi bien en terme de reconnaissance des parties prenantes d’une firme (théorie normative de l’identification) que de recherche des conditions pour devenir une partie prenante (théorie descriptive de la « salience »). Mitchell et al. (1997) définissent la partie prenante d’une organisation comme « tout groupe ou individu qui peut affecter ou qui est affecté par la réalisation des objectifs de l’organisation » et proposent une typologie de huit catégories en fonction de leur pouvoir dans l’entreprise, leur légitimité (acceptation sociale et comportement attendu) et l’urgence de la réponse à leur demande par le dirigeant. Dans l’approche contractuelle des organisations, l’entreprise est considérée comme un nœud de contrats noués entre les parties prenantes des réseaux dans lesquels elle s’insère et le dirigeant, avec l’objectif de création de valeur. Ceci entraîne deux questions : pour quelles parties prenantes ? Les attentes des parties prenantes sont-elles identiques ? La théorie de l’agence peut apporter une réponse. La relation d’agence, «contrat dans lequel une ou plusieurs personnes ont recours aux services d’une autre personne pour accomplir en son (leur) nom(s) une tâche quelconque, ce qui implique une délégation de 3 nature décisionnelle à l’agent » (Jensen & Meckling, 1976), a d’abord été étudiée dans le cadre des rapports conflictuels entre l’ensemble des actionnaires et le dirigeant d’une grande société par actions à capital dispersé, puis a été élargie aux relations entre le dirigeant et tout un ensemble de parties prenantes par la théorie de l’agence élargie (Hill & Jones, 1992). Le dirigeant doit prendre en compte dans sa stratégie les attentes différentes des diverses parties prenantes du réseau, apporteurs de capitaux, créanciers, employés, clients, fournisseurs, collectivités publiques et grand public. L’influence de chaque partie prenante est fonction de son investissement en actif spécifique (savoir-faire, moyens d'incitation) dans le réseau. La satisfaction des attentes de toutes les parties prenantes, meilleurs salaires pour les employés, meilleure qualité et/ou plus bas prix pour les clients, stabilité de la politique de commandes pour les fournisseurs, maintien et développement de l'emploi, moindre pollution et meilleure qualité de vie pour les collectivités publiques et le grand public, doit être une préoccupation constante pour le dirigeant qui peut ainsi contribuer à l’amélioration du bien-être de la région dans laquelle il travaille. 1.2. LES CARACTÉRISTIQUES DU RÉSEAU Trois approches permettent d’appréhender les réseaux : la théorie des coûts de transaction, l’approche fondée sur les ressources et l’approche de l’encastrement. La théorie des coûts de transaction (Williamson, 1975, 1991), selon laquelle le réseau apparaît comme la forme institutionnelle la plus efficiente d’une transaction, en minimisant les coûts de transaction, lorsque ni le marché, ni la hiérarchie ne s’imposent. Heitz & Douard (2000) précisent que le réseau peut créer un actif spécifique souvent immatériel (pôle de savoir-faire ou de R & D, effets d'expérience) qui justifie sa supériorité sur les autres formes organisationnelles. Cette approche est limitée par la focalisation sur la transaction qui n’est pas la seule relation du réseau, et par l’opportunisme systématique des acteurs qui n’est pas forcément de mise dans les réseaux où l’obligation morale et la confiance sont des moteurs importants d’action. L’approche fondée sur les ressources (Pfeffer & Salancik, 1978 ; Prahalad & Hamel, 1990) qui considère l’entreprise comme un portefeuille de ressources physiques, humaines et organisationnelles combinées pour créer des compétences spécifiques. Les alliances et les réseaux permettent aux entreprises d’acquérir ou d’échanger des ressources nouvelles, de combiner des ressources complémentaires, selon des logiques variées allant de la simple additivité à la complète intégration, et ainsi d’améliorer l’adaptation de l’entreprise à l’environnement (Moth & Quélin, 2001). 4 L’approche de l’encastrement (« embeddedness ») de l’action économique dans les relations sociales (Granovetter, 1985, 1992, 2000), selon laquelle chaque individu dans l’entreprise est détenteur d’un capital humain dont l’efficacité et la valeur dépendent de la nature des réseaux sociaux dans lesquels ils sont encastrés. Plus les acteurs sont immergés dans les réseaux de relations sociales, plus ils engendrent de la confiance et plus ils découragent la malfaisance. Déjà Breton & Wintrobe (1982) uploads/Management/ 28-capiez.pdf
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- Publié le Jan 18, 2022
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