50 ans de management des organisations Par Luc Boyer - Novembre 2005 NDLR : A l

50 ans de management des organisations Par Luc Boyer - Novembre 2005 NDLR : A l’occasion de la sortie de son livre Nota bene, 50 ans de management des organisations (Ed. d’Organisation), Luc Boyer nous a autorisé à reproduire ici quelques extraits du premier chapitre de son texte passionnant, intitulé «les leçons de l’histoire». Comme il l’écrit lui-même : «L’analyse historique des méthodes d’organisation et de management permet de prendre conscience du fait que les rapports d’autorité et la forme des structures mises en place diffèrent selon le contexte plus ou moins complexe dans lequel ils s’établissent. Toutes choses égales par ailleurs, ce contexte permet souvent d’expliquer pourquoi et comment les différents systèmes ont pu résister ou ont échoué.» Nous présenterons ainsi une succession de 7 articles : 1. L’antiquité 2. Les modèles romains et grecs 3. L’organisation et le management au Moyen Âge 4. L’organisation et le management à la période moderne (évolution générale) 5. L’organisation et le management à la période moderne (le modèle vénitien) 6. L’organisation et le management à la période moderne (le modèle français) 7. Les leçons de l’histoire en matière d’organisation L’antiquité Pendant la longue période de l’Antiquité, l’agriculture resta prédominante : si l’industrie existe, elle est limitée à trois produits principaux : les outils, les vêtements et la poterie. Il n’existe aucune force motrice hors celle de l’homme employée en abondance et à bas prix. Les mines et les grands chantiers relèvent d’entreprises d’Etat. En Egypte, l’influence des crues du Nil a favorisé très tôt l’émergence d’une organisation et d’une réglementation pointilleuse permettant la gestion des terres cultivables et l’allocation de l’eau nécessaire. L’un des traits fondamentaux de cette civilisation était l’absolutisme étatique : le pharaon (et son administration) était le fondement du système, avec une légitimité à la fois religieuse, politique et économique. L’administration gérait le territoire et les gouverneurs des nômes (les districts), fonctionnaires à la fois judiciaires et administratifs, défendaient les intérêts du pouvoir central. Depuis l’époque la plus ancienne, l’administration a toujours été fortement centralisée et hiérarchisée. Ce schéma sera bouleversé, pendant le Nouvel Empire qui remplacera les gouverneurs et la vieille noblesse fut remplacée par un corps de fonctionnaires royaux. Une importante armée royale sera 1 mise sur pied et son développement sera à l’origine d’une ingérence de plus en plus vive dans les affaires de l’Etat. Le clergé suivra la même évolution. Une des toutes premières écoles d’administration pour les fonctionnaires sera créée avec, comme programme, l’apprentissage de l’écriture, des principes et des lois régissant la nation. Tout fonctionnaire devait avoir été élève de cette école dans laquelle il apprenait notamment, qu’en Egypte, tout devait être justifié par un écrit pour avoir une valeur légale ou officielle. L’ensemble des moyens de production était la propriété de l’Etat : si la propriété individuelle n’était pas inconnue, la terre était au pharaon. A certaines époques, le roi était, de plus, propriétaire de tous les métiers. Chacune des administrations possédait ses propres artisans et ses propres ouvriers, répartis en équipes à la tête desquelles se trouvait un chef. Ce principe de forte hiérarchisation se traduisait par la production périodique d’inventaires, de cadastres, de déclarations et de recensements mettant en évidence une gestion financière élaborée (comme on peut en juger en lisant les tablettes funéraires retrouvées). Il en allait de même de la gestion des terres du clergé. L’Egypte antique a eu un rôle majeur dans l’élaboration de la pensée managériale dans la mesure où elle a illustré, pour la première fois (dès 3000 ans avant J.-C.), la trilogie «planification/organisation/contrôle)» dans une définition de fonction qui a fait la preuve de son efficacité dans les grands travaux. On a pu observer, par ailleurs, que, deux mille ans avant J.-C., le roi Hammourabi faisait mention de la notion de salaire minimum. Le concept de responsabilité/culpabilité était la règle - ainsi, par exemple, on coupait la main du chirurgien maladroit -. Sous le règne de Nabuchodonosor, on utilisait des techniques de contrôle de la production en échange de salaires variables et stimulants. Les modèles romain et grec La première royauté romaine fut construite sur les restes de L’Etrurie qui avait développé une économie pastorale où les entreprises domestiques regroupaient, autour du père de famille, sa femme, ses enfants et quelques esclaves. L’expansion économique et militaire de Rome a totalement modifié le schéma ancien de répartition des terres. Au départ, les nouvelles terres conquises étaient distribuées aux vétérans, sous forme de colonies (du latin colere, cultiver), ce qui répondait à la fois à des objectifs stratégiques et à des intérêts alimentaires. Mais, rapidement, la concentration des propriétés (en raison d’une distribution non équitable), leur mode d’exploitation par une main d’oeuvre servile obtenue à bas prix et la ruine des petits propriétaires ont favorisé le développement de latifundiae (vastes propriétés) qui deviendront l’un des traits caractéristiques de la civilisation romaine. Souvent, les Romains vainqueurs se livrèrent à une exploitation brutale des vaincus. L’immense patrimoine immobilier pris sur l’ennemi devenait ager publicus, propriété de l’Etat. Celui-ci conservait 2 généralement les entreprises à valeur stratégique (les mines par exemple) et les faisait exploiter en régie directe par des esclaves. Les terres de culture étaient divisées selon deux modes de production :  les unes, les moins nombreuses, étaient données, en pleine propriété, à titre individuel ou à titre de colonie à des Romains ;  les autres, étaient donné en bail (contre redevances) à ceux qui étaient, le plus souvent, les anciens propriétaires du sol. La conquête militaire a ainsi totalement transformé leur condition juridique de liberté en dépendance. Bien plus, Rome imposait parfois aux pays conquis une réglementation économique à son profit exclusif : par exemple, en Gaule narbonnaise, elle a longtemps interdit la culture de la vigne et de l’olivier pour protéger la production romaine. Ces schémas furent rompus quand l’empereur concentra tous les pouvoirs entre ses mains, avec pour souci principal de trouver les moyens de gérer efficacement l’immense empire qu’il cherchait à constituer. Sa puissance militaire était renforcée par une puissante organisation administrative. En raison de l’importance des communications, des corps spéciaux tels que le service de la poste impériale furent créés. L’essor industriel reste le fait le moins remarquable de cette civilisation. Même s’ils furent réels, les progrès techniques restèrent faibles car on préférait employer des esclaves plutôt que d’avoir recours à des innovations. Quand une exploitation industrielle existe, elle est surtout de type artisanal et fabrique des produits de bas de gamme destinés à l’exportation. Deux siècles de pax romana en Gaule n’eurent pas pour conséquence de créer la concentration agricole qu’on aurait pu imaginer : le nombre des hameaux se développe plus que celui des villas- villages, un prolétariat intérieur se constitue avec les paysans à la campagne et les esclaves dans les villes. Un système de type féodal se met déjà en place, dissolvant politique pour certains, usurpation de pouvoir pour d’autres. On dispose pour suivre l’évolution de cette époque de nombreux témoignages d’auteurs qui, parfois entrent dans le détail de la gestion. Ainsi Caton (200 ans avant J.-C.) décrit avec précision les fonctions d’agent de maîtrise. En Grèce, Xénophon, l’un des élèves préférés de Socrate, écrit L’Anabase qui, en racontant la campagne de Cyrus contre Artaxercès et la « retraite des Dix Mille » (400 ans avant J.-C.) donne de précieuses indications sur l’organisation d’une armée en campagne et sur les différents modes de commandement parfois démocratiques- appliqués dans l’armée grecque. De même, dans les Dits mémorables de Socrate, il évoque le management dans un dialogue entre Socrate et Nicomarque pour y voir une démarche spécifique, irréductible à tout autre savoir. sa République, Platon trace les premières d’une science économique et pose la spécialisation comme source du rendement. 3 L’organisation et le management au Moyen Âge On peut considérer que la notion d’Etat est absente pendant la période allant du Vè au Xè siècle. L’ordre romain étant détruit, un nouvel ordre parvint à s’établir en cinq siècles : l’un spirituel, la foi chrétienne, l’autre temporel, la féodalité fondée sur la puissance de l’homme de guerre. Le système mis en place consacrait l’importance des relations humaines. L’exploitation du sol - le modèle domanial - a marqué toute la première partie du Moyen Âge. Il semble être le résultat de problèmes d’exploitation posés au maître par un esclavage en déroute et des possessions dispersées. On observera plusieurs solutions, notamment en Gaule du Nord. Stabilisé, le système durera quatre siècles. L’idée, assez répandue, d’anarchie féodale est sans doute fort exagérée. L’autorité, dans ces espèces de principautés, était d’autant plus réelle et efficace qu’elle correspondait aux structures sociales, techniques et mentales de l’époque. Bien qu’on puisse se représenter cette période comme un ensemble d’entités socio-économiques produisant, avant tout, les denrées nécessaires à leurs propres besoins, le féodalisme n’a pas empêché les échanges commerciaux. L’époque en a connu de très importants. Dès le XIIè siècle, l’Europe Occidentale était parvenue au stade de la consommation indirecte et ce, pour deux raisons :  d’une part, grâce à l’amélioration des conditions de production agricole et uploads/Management/ 50-ans-de-management-des-organisations.pdf

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  • Publié le Jan 24, 2021
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