AZAN, Wilfrid Projet N°7 : FAUTE DE GESTION ET CONTROLE INTERNE : LE CAS METALL
AZAN, Wilfrid Projet N°7 : FAUTE DE GESTION ET CONTROLE INTERNE : LE CAS METALLGESELLSCHAFTSUJET : FAUTE DE GESTION ET CONTROLE INTERNE : LE CAS METALLGESELLSCHAFT Sur quelles bases juger une stratégie dans un univers de complexité ? Cette question naît de l’observation d’une réalité troublante. Il n’est de pays qui ne détienne son scandale « Crédit Lyonnais », « Procter and Gamble » ou « Metallgesellschaft » (MG). S’abstraire des pesanteurs administratives et juridiques est sans doute un rêve caressé par de nombreux entrepreneurs. De même, il est grisant pour le stratège de se fier à sa vision même si celle-ci se heurte à des contraintes matérielles. Il est envoûtant pour le décideur d’opter pour une stratégie, sans la discuter, en outrepassant ce que l’on nomme le contrôle interne et qui est la somme des procédures mises en place dans une entreprise pour en assurer la pérennité. En déduire une opposition de fait entre contrôle interne, hémisphère gauche de l’entreprise, garant de la légitimité et pensée stratégique, vagabonde, hémisphère droit est sans doute rapide. Par exemple un contrôle interne peut accepter d’être contourné pour permettre à l’entreprise de s’affranchir de contraintes notamment juridiques ou industrielles. De même, un contrôle interne peut volontairement délivrer des chiffres inexacts pour permettre à la pensée stratégique de s’épanouir au risque de laisser la faute de gestion survenir. Il ne s’agit plus de disposer d’un contrôle interne parfait, ce qui ne génère que très peu de valeur, pour une consommation énorme de ressources. L’objectif est de rester dans les franges du quasi-légal et du presque légitime, en évitant que le flou entretenu ne dégénère en scandale retentissant. La complexité ambiante continue à alimenter l’absence de repères légaux juridiques ou comptables. Le contrôle interne n’a plus qu’une fonction, celle d’éviter l’irréparable, et de détecter la faute de gestion. Le contrôle interne est donc cerné. Il doit composer avec des stratégies de plus en plus audacieuses et garantir la détection des décisions conduisant à une insuffisance d’actifs, c’est à dire isoler les fautes de gestion. Le contrôle interne est le seul rempart afin que l’extraordinaire liberté que procure notre environnement ne soit source de perditions. La société Metallgesellschaft est spécialisée dans l’extraction et la transformation de métaux. En 1993, cette société perd la somme de 1.265 millions de dollars, sur les marchés à terme du pétrole aux Etats-Unis, et passe tout près de la faillite. Le projet stratégique de la multinationale allemande est unique dans l'industrie. Pour la première fois, une société industrielle se détourne de son objet social, pour se livrer au marketing de contrats financiers. L’attitude du contrôle interne durant cette affaire est un mélange troublant d’incompétence et de complicité. Dans une première partie nous dresserons un bilan schématique de ce que fut l’aventure de la Metallgesellschaft aux Etats-Unis. Nous expliciterons la relation théorique qui noue complexité et contrôle interne. Dans une troisième partie, nous nous demanderons si la détection d’une faute de gestion est réalisable au travers d’instruments comme la notation. Au travers du scandale Metalgesellschaft, nous montrerons qu’il s’agit d’un système de détection de l’anomalie stratégique. 1. UN PROJET STRATEGIQUE RISQUE ET UNE MISE EN ŒUVRE CATASTROPHIQUE 1.1 UN PROJET STRATEGIQUE RISQUE 1.1.1 QUI EST ET QUE FUT LA MG ? La MG fut une grande dame de l’industrie allemande. Spécialisée dans l’extraction et la transformation de métaux, cette entreprise s’est diversifiée au fil des années : ¾ Le secteur de la chimie avec Dynamit Nobel ¾ Le secteur de l’automobile avec Kolbenschmidt sont deux exemples d’une diversification réussie au seuil des années 1990. Le groupe en consolidé en 1992 réalise un chiffre d’affaires de près de 100 milliards de FF. En 1994, le CA n’est plus que de 60 Milliards de FF. Le groupe emploie 62547 personnes en septembre 1992, on ne compte plus que 26324 collaborateurs en septembre 1994. Entre 1992 et 1994, un séisme semble avoir frappé une entreprise qui fut un des fleurons de la révolution industrielle allemande. Les capitaux propres en septembre 1992 sont de 2.2 milliards de DM ; en septembre 1994, l’entreprise est complètement décapitalisée. Quelles décisions sont à l’origine de ce désastre ? 1.1.2 UN ENVIRONNEMENT DEFAVORABLE L'environnement stratégique propre à l’industrie minière dans les années 1990 implique un redéploiement stratégique de la MG. Il faut une autre stratégie industrielle et d'autres pays cibles. Le continent nord-américain devait être l’objectif. Les raisons sont triples Premièrement, les perspectives sont sombres dans l'industrie d'extraction et mettent en lumière une reprise du marché américain (Observatoire des stratégies industrielles, 1991) Deuxièmement, le marché de l'aluminium, est soumis aux phénomènes de volatilité. Le marché est arrivé à maturité, les producteurs se livrent à la spéculation sur le London Metal Exchange. Troisièmement, pour le ministère de l'industrie français, les acteurs du marché mondial se caractérisent par leur tendance à éviter l'atonie du marché. Il faut trouver rapidement d’autres sources de gains et s’abstraire de la morosité du marché. Le marché américain devient stratégique. Tous les indicateurs le confirment, ce marché va connaître une phase de croissance. C'est le cas d'un indicateur comme la banque de données SCHLEM du centre de Prospective et d'Informations Internationales (CEPII, 1989). L’environnement stratégique incite donc à se recentrer vers les Etats-Unis et à conjurer une baisse de dynamisme de la branche. 1.1.3 UN PROJET STRATEGIQUE AMBITIEUX FACE A UN VIEILLISSEMENT DU PORTEFEUILLE DE PRODUITS La MG projette de vendre des contrats de vente à terme sur le marché du pétrole. Les produits sont de l’essence raffinée, le diesel, le fuel et le kérosène. On peut distinguer deux types d’objectifs. Le premier est d’augmenter la performance financière de la MG A cette fin, la MG propose trois types de contrats, à but spéculatif. ¾ Le contrat à marge garantie. Dans ce cas, la MG s’engage sur un profit garanti, entre le cours contracté et le cours « future » ¾ Le contrat où le prix contracté est garanti. Naturellement, si le prix du contrat excède le prix « future », il existe une possibilité de résiliation du contrat ¾ Les contrats de type « flexible », pour lesquels il est possible de résilier en partie le contrat quand le cours future dépasse un prix convenu Il s’agit de faire bénéficier les acheteurs de produits pétroliers d'un savoir-faire financier, d'une pratique des marchés à terme de matières premières, et de garantir les prix, en protégeant les clients des effets de la volatilité prix et indices sur le pétrole. L’anticipation de la MG est bien sûr que le marché soit en backwardation. C’est à dire que le cours comptant est inférieur au cours à terme. La MG vend ainsi à terme un pétrole sur l’achat duquel en défalquant les frais de stockage, de transport, les taxes, elle réalise un bénéfice. Par contre, la stratégie de la MG peut rapidement tourner au désastre si on se trouve en situation de contango, une situation exceptionnelle et cyclique où le prix comptant est inférieur au prix à terme. Le deuxième est de prendre pied sur un marché dynamique L’un des objectifs de la MG est de prendre pied sur le continent américain. La structure juridique imaginée à ce titre, dès 1990, est la suivante. Le projet de la MG était de mettre en place aux Etats-Unis une structure décentralisée et autonome sur le plan national. La Metallgellschaft Refining & Marketing (MG R&M) est une filiale de la MG Corp. (MG Corp.) et indirectement de la MG AG. Ces deux sociétés livrent leurs clients avec des produits raffinés comme de l'essence, du fuel, du diesel et du kérosène. 1.2 UNE MISE EN ŒUVRE CHAOTIQUE 1.2.1 CONTANGO AU LIEU DE BACKWARDATION Le prix du baril de pétrole entame une longue baisse. Il perd 3$ en automne et continue à chuter pendant le quatrième trimestre de 1993. Les marchés à terme dès 1992 ne sont plus en situation de backwardation mais de contango (pétrole et soja). Pour la MG, la situation est calamiteuse. Les appels de marge de juin 1992 à décembre 1993 atteignent 1268 millions de $, dont deux tiers proviennent du dernier trimestre. Les engagements de livraison à terme passent de 50 millions de dollars à 208 millions dès décembre 1993. Dans le dernier trimestre 1993, l’encours des contrats double. Dès 1993, la MG, contrainte d’honorer les contrats et de régler les appels de marge, doit faire face à un assèchement de liquidités. Une ligne de crédit de 1.5 milliards de $ débloquée par un consortium de banques est rapidement engloutie, la 11ème société allemande est en situation de cessation de paiements. 1.2.2 UN CONTROLE INTERNE PRIS DE VITESSE L’entrée en scène des organes de contrôle interne est tardive et très controversée, elle alimente le mystère MG. Quelques certitudes subsistent. ¾ Le directoire n’a pas tenté à quelque moment que ce soit de s’opposer aux décisions prises. ¾ Le conseil de surveillance connaissait les agissements du président du directoire. Le président du conseil de surveillance s’est interposé au pire moment et a contraint la MG à abandonner sa stratégie financière uploads/Management/ aims1998-927.pdf
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- Publié le Fev 24, 2022
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