Entre gestion de crise et anticipation de demain, comment trouver l’énergie de
Entre gestion de crise et anticipation de demain, comment trouver l’énergie de se réinventer… Dans la traversée de l’inconnu, cette phase transitoire de la transformation où on n’est plus chenille mais pas encore papillon, la tentation de laisser tomber, de s’essouffler, guète plus d’un leader, plus d’une équipe. Aujourd’hui, face à la crise économique qui se profile, nombreuses sont les entreprises qui sont conscientes de la nécessité de se réinventer. Plus rares sont celles qui font confiance au processus de « reconfiguration » qui permettrait au papillon en devenir d’aller jusqu’au bout de son développement. Anticiper les scénarios potentiels, se préparer à relever les défis d’un « lendemain » tout aussi imminent qu’incertain, semble une évidence. Et pourtant, comme ce comité de direction que je devais commencer à accompagner juste avant le confinement, certains se demandent : « la mobilisation autour de la gestion de l’ici et maintenant n’est-elle pas plus urgente, plus réaliste ? » … Des voix s’élèvent : « Continuons à gérer au mieux la crise… Nous sommes déjà assez pris comme ça, assez fatigués aussi… Nous y penserons le moment venu ! » En tant que coach de dirigeants et d’équipes, je me demande ce qui se cache derrière cette réponse expéditive, énoncée avec assurance… probablement toute une série de questions, plus ou moins conscientes, plus ou moins avouées. Comment préparer demain tout en continuant à s’occuper des urgences d’aujourd’hui ? Comment trouver l’énergie et le souffle nécessaires pour se réinventer et anticiper les changements majeurs à venir ? Comment faire face à l’impatience d’y arriver et à la peur de ne pas y arriver ? Au nom de quoi exiger cet « extra mile » et sur qui peut-on vraiment compter pour avancer dans un tel projet ? Quelles conditions favorables mettre en place et comment savoir qu’on avance vers un cap qui reste insaisissable et que nous pouvons, tout au mieux, « imaginer »? Pour aborder la réflexion autour de ces questions, j’ai choisi de m’appuyer sur ce que j’expérimente, en tant que coach, lorsque j’accompagne un client et que je vis une forme de « vulnérabilité » et de « dénuement » face à l’imprévu d’une séance où je ne sais pas ce qui va émerger et encore moins quels chemins d’exploration je vais emprunter avec mon coaché. Une perspective en dedans-dehors qui m’offre des clés de lecture pour proposer des façons « d’apprendre à agir de façon stratégique tout en n’étant pas en contrôle sur la situation ». 1 N’est-ce pas là l’un des défis majeurs des leaders ou des codir qui se retrouvent aujourd’hui à vivre de manière très concrète cette notion de monde VUCA qui était jusque-là moins palpable ? Deux moments clés du voyage dans l’inconnu constituent pour moi des points d’inflexion et requièrent une attention particulière de la part du leader : le premier pas à faire, malgré l’incertitude et l’inconfort, puis tous les moments où une forme de doute ou d’appréhension le poussent à s’arrêter et revenir en arrière. Comment donc, dans un premier temps, initier une dynamique vertueuse d’exploration de futurs possibles et de préparation à la volatilité et à l’imprévisibilité. Ensuite, comment nourrir cet élan de tension créatrice et lui permettre de perdurer, malgré la tentation de laisser tomber rapidement pour revenir aux préoccupations du présent ? Une fois que le leader est conscient de la nécessité de se préparer à demain et qu’il décide d’embarquer son équipe dans une dynamique de renouvellement, l’aventure commence. 1. Se mettre en route… Pour se mettre en route, il suffit d’emporter avec soi un « kit de survie » sécurisant et suffisamment léger pour être oublié… puis laisser toute son attention se porter sur le chemin. En tant que coach, ce kit, c’est le cadre, le contrat-pacte d’une séance, et la confiance que tout se passe avec le client et que « tout sera juste »1 quel que soit le chemin parcouru. De même, pour le leader, ce serait à la fois un processus-cadre minimaliste à mettre en place et une croyance positive à développer. Le cadre à mettre en place pourrait être une réunion de cadrage s’appuyant sur la boussole du changement2 pour clarifier et partager l’intention de cette aventure, les récoltes attendues, et les engagements individuels et collectifs consentis. Mais une réunion avec qui ? Il peut s’agir du Codir même qui consacre des réunions spécifiques à ce sujet, tout comme ce dernier pourrait constituer, en plus d’un éventuel « comité de crise » existant, une équipe « plan ahead »3 dédiée, qui alimenterait régulièrement le Codir et/ou le comité de crise de scénarios prédictifs pour nourrir l’exploration de nouvelles orientations stratégiques et de réajustement ou apprentissages organisationnels nécessaires. 1 Référence à l’un des 5 principes du vivant, le « Tout est juste », approche développée par Danièle Darmouni dans son livre Le Leadership du Vivant, éd. L’Harmattan, 2013. 2 Référence à « La boussole du changement et de l’apprentissage » qui est l’un des outils les plus caractéristiques de la pédagogie d’International MOZAIK, L’école du devenir. Elle propose deux axes : un axe vertical, (du Sens aux Récoltes ), un autre horizontal (du Je au Nous) et quatre cadrans en interaction récursive : structurer, se relier, explorer et transformer. 3 Cf. COVID-19: How business leaders should plan ahead for the next stage, Mc Kinsey & Company, Strategy and Corporate Finance Practice, by Martin Hurt, April 2020. 2 Ce cadre, aussi sécurisant soit-il ne serait pourtant pas suffisant pour donner l’impulsion nécessaire à la dynamique. C’est à un niveau plus profond que se situe le Sens qui alimenterait de manière durable l’énergie des personnes impliquées. Pour se préparer à l’imprévisible, certains référentiels4, particulièrement adaptés à la période d’incertitude actuelle, peuvent aider à installer un degré de confiance intérieure chez le leader. Ce dernier peut décider de se les approprier et de les partager lui-même avec son équipe ou bien d’y être initié en même temps que son équipe, à travers une intervention externe. En tout cas, une dose de connaissance et d’inspiration, permet de donner des repères cognitifs solides, des sortes de balises « anti- croyances limitantes » tout le long du chemin. 2. Accepter de vivre l’inconfort du non-contrôle… Le fait que le premier pas soit fait, peut procurer un peu de soulagement mais n’enlève pas le sentiment d’inconfort lié à la conscience du leader ou des membres de l’équipe d’avoir si peu de contrôle ou de visibilité sur la suite du processus et surtout sur les résultats tangibles, même lorsque le cadrage permet de préciser quelques indicateurs de succès. Or, c’est dans cette impression de relative « fragilité »5 que réside l’une des clés de réussite de cette transformation profonde en œuvre. Le secret c’est bien, à ce moment-là, d’accepter de ressentir l’inconfort aussi longtemps que nécessaire, de se l’avouer, de le nommer, le partager, en parlant « vrai ». A l’opposé, le risque serait de chercher à se débarrasser très vite de cette sensation de vulnérabilité6 et d’insécurité, en vivant une forme de déni, de volonté de se précipiter dans l’action opérationnelle ou en surestimant l’impact du premier pas effectué. Les vertus de cette première attitude sont le développement d’un niveau plus élevé de discernement qui invite à porter toute son attention sur ce qui apparaît sur le chemin (informations, signaux faibles, opportunités, surprises, etc.) ainsi qu’une forme d’humilité qui encourage chacun à s’appuyer sur les perceptions complémentaires des autres et à s’armer de patience, loin de l’assurance prématurée qui consisterait à croire que le processus est « sous contrôle » ou qu’une personne seule peut se targuer de « prendre en charge » parce qu’elle a un « insight » révélateur. 3. Écouter les messages de la peur… 4 Parmi ces référentiels : Le Leadership du Vivant de Danièle Darmouni, pour développer cette confiance que l’entreprise est un organisme vivant qui respecte naturellement la loi du « Tout évolue » et qu’elle est capable d’auto- organisation et d’adaptabilité ; Les Principes de l’Effectuation de Saras Sarasvathy, pour développer l’assurance que nous n’avons pas forcément besoin de moyens supplémentaires pour mener cette aventure, en se rappelant les deux premiers principes : « Démarrez avec ce qu’on a » et « La perte acceptable ». 5 Cf. Anti-fragile, les bienfaits du désordre de Nassim Nicholas Taleb. Pour mieux comprendre qu’un système, grâce à d’apparentes fragilités, peut être « anti-fragile » et s’améliorer parce que l’environnement est instable. 6 Cf. The Power of Vulnerability de Brené Brown, qui définit la vulnérabilité chez un leader comme : « avoir le courage de se présenter et d’être vu quand on sait qu’il n’y a aucune garantie » et qui affirme que la vulnérabilité est au cœur de l’innovation et de la créativité parce que l’authenticité est à la base de toutes les relations humaines et qu’il importe de remplacer la distance et la froideur par l’ouverture et la transparence. 3 Lorsqu’en cours de chemin l’envie de baisser les bras et de revenir sur nos pas nous prend, uploads/Management/ article-nayla-na-2-27avril2020.pdf
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- Publié le Aoû 14, 2022
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