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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/283346121 LA POLYVALENCE ET SES CONTRADICTIONS 1 Article · December 2008 CITATIONS 0 READS 4,191 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: SPIN-OFFS, ENTREPRENEURIAL SUPPORT & ECOSYSTEMS View project Everaere Christophe Université Jean Moulin Lyon 3 34 PUBLICATIONS 76 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Everaere Christophe on 31 October 2015. The user has requested enhancement of the downloaded file. 1 LA POLYVALENCE ET SES CONTRADICTIONS 1 Christophe EVERAERE 2 Résumé Il est souvent question de polyvalence lorsque les organisations cherchent à gagner en flexibilité et en productivité. Toutefois, le sens précis que recouvre cette notion de polyvalence n’est pas clair. Un écart important de perception semble exister entre certains spécialistes de travail qui y voit une alternative au taylorisme d’un côté, et de l’autre les salariés eux-mêmes qui expriment une vision beaucoup plus critique de la polyvalence en l’assimilant à un système taylorien qui rend les individus (surtout les salariés peu ou pas qualifiés) interchangeables et remplaçables rapidement, notamment par des intérimaires. C’est l’objet de cet article que d’essayer de lever le malentendu sur cette notion très ambiguë de polyvalence. Mots-clés : polyvalence, flexibilité, (ouvrier) spécialisé, spécialiste, taylorisme, compétence Introduction Dans un contexte de recherche d’adaptation, de souplesse et de productivité au niveau du travail et des organisations, la polyvalence est souvent évoquée comme une solution évidente. En effet, la polyvalence désigne la propriété, pour une chose, d’avoir plusieurs usages. Appliquée à des individus, et plus spécifiquement des ressources humaines, une personne polyvalente est « capable d’exécuter différentes tâches, d’occuper plusieurs fonctions » (définition du Petit Robert). On imagine facilement les espoirs soulevés par une telle capacité : des opérateurs que les managers pourraient affecter de façon souple et réversible à différents postes ; tel collaborateur absent serait ainsi spontanément remplacé par un autre ; un salarié inoccupé à un endroit serait naturellement dirigé vers une autre affectation qui requiert quelqu’un ; on se 1 Article publié dans la Revue Française de Gestion Industrielle, vol. 27, n° 4, décembre 2008. 2 Professeur des Universités à l’IAE de Lyon : christophe.everaere@univ-lyon3.fr 2 prend à rêver de salariés capables de tout faire, ou d’être affectés n’importe où en fonction des besoins ou des aléas 3. D’où les termes de "polycompétence", "plurivalence", "polyactivité", etc. qui gravitent autour de cette notion et qui ne facilitent pas la compréhension des enjeux et des limites de la polyvalence. Les quelques configurations de polyvalence présentées ci-dessus renvoient à plusieurs phénomènes (rotation, interchangeabilité, convertibilité, spectre large de capacités) qui mobilisent des problématiques différentes ; lesquelles se télescopent et en fait se contredisent. C’est l’objet de cet article que d’essayer de soulever ces malentendus et de montrer les contradictions en germe dans ce concept confus de polyvalence. 1. Définitions de la polyvalence(s) : Si nous avons suggéré un pluriel au terme polyvalence, c’est pour en montrer la grande diversité de sens et donc les risques de confusion. Dans l’un des textes les plus précis et nuancés qui soit sur ce sujet, M. Dadoy (1990, p. 125) définit la polyvalence comme "la possibilité d’affecter alternativement et/ou successivement un homme à deux tâches différentes, à deux postes différents, à deux fonctions différentes". Pour souligner la problématique sans trop alourdir le raisonnement, deux configurations complètement opposées, voire contradictoires, émergent de cette définition : - Une variété de tâches potentiellement exercées dans un contexte professionnel spécifique et déterminé ; - Une variété d’affectation sur des postes ou des fonctions potentiellement distinctes. 3 Pour donner quelques exemples de l’ambition et du potentiel attaché au principe de polyvalence : « La polyvalence est relative au nombre de machines pour lesquelles chaque opérateur a théoriquement acquis les compétences nécessaires à leur conduite » (Guérin, 1990, p. 138). « Un employé polyvalent dispose d’une gamme étendue de compétences qui amplifie le champ des tâches qu’il est susceptible d’accomplir sans coût, ni délai préalable » (Tarondeau, 1999, p. 19). « La flexibilité fonctionnelle cherche à développer la capacité des salariés – polyvalents, disponibles et mobiles – à changer de postes, de tâches, ou même de carrière, et à acquérir et mettre en œuvre de nouvelles compétences en fonction des variations des activités de l’entreprise » (El Akrimi et al., 2004, p. 32). « Le recours à un noyau de polyvalents permet de faire face à des prises de congé non programmables ou à de l’absentéisme dans des contraintes de forte réactivité » (Anger et Cukierman, 2001, p. 24). 3 En d’autres termes, la première configuration désigne un individu relativement « sédentaire » dans un poste donné et qui y réalise des tâches différentes. La seconde configuration désigne un individu « nomade » passant d’un poste à l’autre. J. Ruffier (1976) a également proposé une distinction des différents sens de la polyvalence. Quatre pratiques sont distinguées, qui renvoient elles aussi à des enjeux et des problématiques très différentes : - rotation de postes ; - l’élargissement du travail (regrouper des opérations d’exécution jusque là réparties sur plusieurs postes successifs) - l’enrichissement du travail (le travail est étendu à des tâches plus qualifiées (entretien, réglage) et réalisées avec une certaine autonomie ; - les groupes semi-autonomes. On retrouve dans cette typologie la dichotomie entre d’un côté le « nomade » qui bouge d’un poste à l’autre (principe de rotation de postes) ; et de l’autre, l’individu qui, sur un poste donné (donc relativement « sédentaire »), élargit et enrichit son travail afin de pouvoir le réaliser de façon compétente, autonome et responsable. Cette seconde configuration de la polyvalence par élargissement et enrichissement du travail relève de ce que M. Anger et S. Cukierman (2001) appellent une polyvalence par intégration des tâches fonctionnelles (première maintenance, approvisionnement, qualité, amélioration continue, circulation de l’information, etc.), en vue de tendre vers un métier complet sur une situation de travail spécifique et structurante. « Appliqué au secteur des services, cette démarche consiste à confier aux personnes le traitement complet d’un dossier, depuis le contact client initial jusqu’au service rendu. Cela représente un enrichissement de la fonction qui intègre désormais la relation de vente ou de service au client » (ibid., p. 29) Or, le processus d’apprentissage et de montée progressive en compétence et en autonomie induit par ce travail élargi et enrichi requiert une relative stabilité dans une situation de travail donnée (Everaere, 1999). C’est pour cette raison que nous postulons que l’individu supposé « polyvalent » dans cette configuration où il élargit et enrichit son travail doit rester relativement sédentaire pour apprendre à maîtriser la complexité, les aléas, les exigences, les contingences, bref toutes les dimensions d’un poste de travail vraisemblablement complexe à 4 prendre en charge. D’ailleurs, la notion de poste de travail serait ici inappropriée, il conviendrait plutôt de parler de « situation de travail », qui évoque un contexte professionnel plus riche et complexe que le simple « poste de travail » souvent réduit à une machine et un travail d’exécution (de Montmollin, 1986). Le témoignage ci-dessous d’un opérateur de production dans une sidérurgie montre bien les risques de déperdition des compétences induits par la polyvalence sous forme de nomadisme (cf. rotation des postes) : « Je pense qu’ils veulent partir sur la polyvalence à outrance, mais personnellement, je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Les outils sont trop compliqués pour pouvoir bien les connaître, comme j’estime bien connaître le ZR1. Je ne pourrais pas connaître trois au quatre outils comme ça, c’est pas possible […]. Je vois vis-à-vis des collègues qui sont, eux, polyvalents, quand ils reviennent sur le train, malgré que ce sont des gens qui ont bien travaillé dessus, non… et l’adaptation, on n’est pas… il y a trop de choses. Le métier de lamineur exige tellement de doigté, tellement de compétences, mêmes propres à l’outil. […] Il peut y avoir des bons résultats sur un outil. Et ça, on les gagne sur les habitudes qu’on peut avoir sur un outil. Un polyvalent ne peut pas avoir ces habitudes, comme nous on les a » (Monchatre, 2004, p. 82). Les habitudes qu’évoque cet opérateur renvoie à l’apprentissage et aux routines qui ne peuvent se construire que dans la durée et la stabilité dans une situation professionnelle donnée. Dans la cadre d’une recherche sur les métiers de la commutation à France Télécom, de Terssac et al. (1997) confirment que la stabilité et la durée sont des facteurs positifs de l’apprentissage : « Il faut une certaine stabilité dans le domaine technique : le temps d’apprentissage pour être opérationnel et autonome est au moins de deux ans (…) Car le métier est complexe et nécessite un long apprentissage. […]. Les individus ne sont peut-être plus interchangeables du fait de la complexité, la rotation a pour effet de ne pas être confronté aux problèmes assez souvent » (p. 168). Un autre exemple tiré du secteur de la plasturgie montre la même contradiction entre compétence et polyvalence (par nomadisme) : « Lorsqu’ils sont affectés uploads/Management/ articlepolyvalencerfgic-everaere.pdf

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  • Publié le Sep 04, 2021
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